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Mounjaro, WegovyLa prescription des traitements de l’obésité est étendue

Audrey Vaugrente

par Audrey Vaugrente

Meilleur accès aux traitements ou gains de vente pour les fabricants ? L’initiation des médicaments anti-obésité, dits agonistes du GLP-1 (Wegovy/sémaglutide, Mounjaro/tirzépatide, Saxenda/liraglutide) s’est récemment ouverte. Élargissant, au passage, le nombre de personnes éligibles.

Les médecins généralistes peuvent désormais démarrer les traitements par agonistes du GLP-1 (Wegovy/sémaglutide, Mounjaro/tirzépatide, Saxenda/liraglutide). La prescription initiale était jusqu’ici réservée aux médecins spécialistes du surpoids (endocrinologues, diabétologues, nutritionnistes ou formés à la nutrition). Conséquence : le public éligible s’élargit considérablement. Un beau cadeau pour les deux fabricants de ces médicaments, Novo Nordisk et Eli Lilly. Pas de rois mages pour l’apporter à l’inauguration des nouvelles lignes de production de Novo Nordisk à Chartres, le 26 mai dernier, mais trois ministres – dont Catherine Vautrin et Yannick Neuder, en charge de la Santé.

Pour les fabricants, l’enjeu est majeur, puisque la moitié de la population adulte est en situation de surpoids ou d’obésité. Or, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), limiter la prescription initiale de ces médicaments aux spécialistes « a pu en freiner l’accès à certains patients, du fait de délais parfois importants pour consulter un spécialiste ». Le Pr Pierre Cochat, président de la commission de la transparence à la Haute Autorité de santé (HAS), souligne aussi que « la majorité des personnes obèses sont suivies par leur médecin généraliste et il existe des inégalités territoriales d’accès aux spécialistes de l’obésité ». Il n’existe, en effet, que 37 centres spécialisés obésité (CSO) en France, répartis de manière disparate sur le territoire.

Permettre aux médecins généralistes de démarrer un traitement par agoniste du GLP-1 résout ce problème d’accès. Ce n’est pas sans intérêt pour leur prise en charge, souligne la Dr Séverine Carré-Pétraud, directrice éditoriale du magazine Prescrire : « Les médecins généralistes sont compétents pour évaluer l’intérêt et les limites d’un médicament. En outre, ils ont une vision globale du patient. »

Un intérêt dans certains cas

Mais l’ANSM élargit également la population ciblée par ces traitements. Lorsque le sémaglutide/Wegovy est arrivé sur le marché français, en octobre 2024, l’agence demandait expressément aux prescripteurs de respecter le parcours de soins obésité rédigé par la HAS. Celui-ci réserve ces traitements aux personnes dont l’indice de masse corporelle (IMC) excède 35 kg/m2 et en cas d’échec des modifications de l’hygiène de vie (prise en charge nutritionnelle, régime hypocalorique, activité physique). Cette recommandation avait du sens : « Lorsque l’IMC est compris entre 30 et 35, la diététique et l’activité physique sont les mesures les plus efficaces, explique le Pr Pierre Cochat. Au-delà de 35, l’activité physique est implicitement plus difficile à mettre en place, et on voit que le bénéfice des seules mesures hygiéno-diététiques est moins bon. » L’ajout d’un médicament est donc pertinent.

Désormais, l’ANSM donne un cadre beaucoup plus large – qui correspond au périmètre de l’autorisation de mise sur le marché des agonistes du GLP-1 : ils peuvent être prescrits en deuxième recours, à partir d’un IMC de 27 si le patient présente un facteur de risque de comorbidité (prédiabète, diabète, hypertension, etc.) ou d’un IMC de 30 sans comorbidité. Cela pose davantage de problèmes, à commencer par le nombre considérable de personnes éligibles. « Il faut des données tangibles sur le bénéfice qu’ils apportent en prévention de la mortalité cardiovasculaire », ajoute le Pr Pierre Cochat.

C’est là le problème principal : de nombreux essais cliniques ont porté sur les différents agonistes du GLP-1. Mais très peu se sont intéressés aux bénéfices au-delà de la seule perte de poids. Prescrire a récemment analysé les données disponibles sur le sémaglutide/Wegovy. Conclusion : « Il a une utilité dans la perte de poids en cas de surpoids ou d’obésité si la personne a des antécédents cardiovasculaires, résume Séverine Carré-Pétraud. À 3 ans, on voit que le médicament évite la survenue d’un incident mieux que le placebo. »

La majorité des personnes atteintes d’obésité ne présentent pas ces antécédents cardiovasculaires sérieux (AVC, infarctus, maladie coronarienne). Il est donc impossible d’affirmer que ces bénéfices s’étendent à toute la population obèse. Pas plus qu’il n’est démontré que ces traitements permettent d’éviter d’autres complications associées à l’excès de poids, comme un diabète ou des pathologies articulaires. Quid de leur efficacité à long terme ? Là encore, difficile de répondre puisque les essais cliniques durent, au maximum, 3 ans. Pour un traitement censé être pris à vie, c’est peu…

300 € par mois

Il est aussi intéressant de regarder en détail l’impact des agonistes du GLP-1 sur le poids. Ils sont très efficaces, c’est vrai. 90 à 95 % des patients perdent au moins 5 % de leur poids initial. Mais tout le monde ne parvient pas aux résultats spectaculaires promettant une perte de poids de 15 à 20 %. « Il est important de ne pas les voir comme des traitements miracles », souligne le Pr Cochat. Et pour cause : outre les bénéfices, il existe des effets indésirables sérieux. « C’est un traitement lourd, pas toujours bien supporté, explique Séverine Carré-Pétraud. On voit que 27 % des personnes l’arrêtent, principalement à cause des effets indésirables. »

Parmi les effets les plus présents, les troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhées…) qui concernent de très nombreux patients. Plus rarement, des complications graves peuvent apparaître, comme des occlusions intestinales, des calculs biliaires, pancréatiques ou urinaires, ou des insuffisances rénales aiguës.

Mieux vaut donc mûrement réfléchir avant de démarrer un tel traitement, d’autant que le coût n’est pas négligeable. À ce jour, c’est à chaque patient d’en assumer le prix – autour de 300 € par mois. Une majorité de personnes ne pourront pas se l’offrir à vie. Reste à savoir si le « plan obésité » annoncé par Yannick Neuder le 26 mai débloquera aussi la prise en charge des médicaments.

Audrey Vaugrente

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