Marie-Noëlle Delaby
Campagne de désinformation sur les réseaux sociaux
À l’heure où plusieurs pays européens sont en pleine discussion pour choisir leur logo officiel d’étiquetage des aliments, les chercheurs à l’origine du Nutri-Score dénoncent une campagne de déstabilisation contre le modèle d’étiquetage nutritionnel adopté par la France en 2017 et plus récemment par la Belgique et l’Espagne. Désinformation sur les réseaux sociaux, pression des industriels, difficile pour le Nutri-Score de se faire une place à l’avant des emballages !
Officiellement adopté par la France, la Belgique et l’Espagne, le logo Nutri-Score n’a pas que des amis sur les réseaux sociaux. Pour rappel, ce logo affiché en face avant des produits alimentaires manufacturés a pour but d’aider à choisir en un coup d’œil les produits les plus intéressants sur le plan nutritionnel dans les rayons des supermarchés.
Mais depuis plusieurs mois, des photomontages circulent, notamment sur Twitter et Instagram, établissant des parallèles entre des aliments industriels (sodas light, frites surgelées, céréales chocolatées) bien notés par Nutri-Score et des aliments traditionnels étrillés par l’outil de notation. Leur but : donner l’impression que le Nutri-Score évalue de façon absurde la qualité nutritionnelle des aliments, dénoncent les chercheurs créateurs du logo qui, dès la fin avril, publiaient une tribune pour dénoncer une « campagne de désinformation sur les réseaux sociaux ».
Ces messages de défiance (diffusés en français, anglais ou espagnol) ont été particulièrement relayés ces dernières semaines, ce qui ne serait pas étranger au calendrier politique européen, selon l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle de l’université Paris 13, créatrice du Nutri-Score. Le professeur Serge Hercberg, président du Plan national nutrition santé (PNNS), rappelle que « discréditer et essayer de déstabiliser le Nutri-Score fait le jeu des sociétés qui refusent le Nutri-Score et se battent au niveau européen pour le torpiller ».
En effet, de vifs débats ont actuellement lieu dans plusieurs pays européens autour du choix de leur logo nutritionnel, parallèlement aux discussions qui ont lieu au sein des instances de la Communauté européenne à Bruxelles.
Il est difficile de savoir qui est à l’origine de ces fake news, mais elles sont notamment relayées ou « likées » par les comptes personnels ou publics de chercheurs ou experts en marketing européens proches de lobbys de l’industrie agroalimentaire ou d’instituts de défense des produits du terroir.
Principal argument des détracteurs : si un cola light est mieux noté par le Nutri-Score que des sardines à l’huile ou du jambon cru, le système n’est pas fiable. Un message efficace mais qui repose sur un postulat totalement erroné, selon les chercheurs : « Le Nutri-Score est conçu pour choisir de manière éclairée entre différents produits comparables. C’est-à-dire qui ont une pertinence à se substituer les uns aux autres dans notre consommation. » Il y a donc peu de sens dans le fait de comparer des sardines, des sodas et des céréales du petit déjeuner !
Si l’on prend l’exemple du petit déjeuner, le Nutri-Score est utile pour comparer des mueslis proposés par des marques différentes. Ou des mueslis et des céréales chocolatées. Ou encore des aliments appartenant à des familles différentes mais en lien dans leurs conditions d’usage ou de consommation (céréales, biscuits pour petit déjeuner, biscottes, viennoiseries industrielles…).
Un rapide tour d’horizon des produits permet de constater qu’au sein des aliments pour petit déjeuner se côtoient des produits de toutes catégories, notés de A à E. Comme pour les sardines (A à E) et, dans une moindre mesure, les jambons (C à E). Le fait de choisir des céréales notées « A » et des sardines notées « D » est donc un choix clairement orienté.
Autre attaque envers le Nutri-Score : certains aliments ultra-transformés contenant des additifs ou des pesticides sont bien classés, ce qui discrédite l’outil.
Le Nutri-Score n’évalue effectivement « que » la qualité nutritionnelle des aliments et non les additifs, les pesticides ou le degré de transformation de ces mêmes aliments. Mais cette limite est commune, en réalité, à tous les logos nutritionnels, y compris les concurrents du Nutri-Score (ENL, Traffic Light utilisé au Royaume-Uni). « Le Nutri-Score n’a pas la prétention d’être un système d’information sur la dimension sanitaire globale des aliments », rappellent ses concepteurs.
Une campagne de désinformation aux multiples relais
Selon les scientifiques, il est impossible, à l’aune des connaissances actuelles, de proposer une notation unique des aliments prenant en compte à la fois leur composition nutritionnelle et la présence en leur sein de molécules indésirables (additifs préoccupants, résidus de pesticides…). Il est en effet impossible de pondérer la contribution respective de ces deux facteurs. Et si certaines applications s’y risquent, « elles ne reposent sur aucune base scientifique valide », affirment les chercheurs dans leur tribune. Cela n’empêche en rien les consommateurs de choisir des aliments affichant le meilleur Nutri-Score possible ET sans ou avec le moins possible d’additifs problématiques dans leur liste des ingrédients en se renseignant sur notre base de données.
Rappelons enfin que même en France, où le logo a officiellement été adopté et reconnu par l’État en 2017, il n’est pas facile pour le Nutri-Score de s’imposer. Confronté à la défiance de nombreux industriels, il pâtit toujours d’un affichage « volontaire » dont bien des produits s’abstiennent. Seuls 90 fabricants et distributeurs se sont pour l’heure engagés à l’afficher sur tout ou partie de leurs gammes, selon les chiffres publiés par Santé Publique France. Parmi eux, de grands groupes comme Auchan ou Casino pour leurs produits en marque propre, des industriels tels que Bonduelle ou Fleury Michon mais aussi beaucoup de petites entreprises ne fabriquant que quelques produits. Au total, une portion encore trop congrue de l’offre française se plie à l’exigence pourtant légitime d’une information transparente du consommateur.