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Passoires thermiques

DPE, encore le grand changement ?

Le gouvernement vient de publier un projet d’arrêté qui entend corriger deux biais pénalisant les petits logements dans le diagnostic de performance énergétique (DPE). Que Choisir fait le point.

Nouveau changement à venir sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). Le DPE influe sur la valeur du bien, mais c’est aussi à partir de lui qu’est établie la décence énergétique d’un logement et le droit ou non de le louer. Pour rappel, les logements de la classe G ne pourront plus l’être à partir de 2025, les F dès 2028. Or le DPE est peu fiable : Que Choisir l’a maintes fois montré en faisant établir plusieurs DPE et en obtenant des résultats très différents pour une même maison. Le signe d’une mauvaise maîtrise de l’outil par les diagnostiqueurs. Un projet d’arrêté, publié le 14 février, veut s’attaquer à d’autres biais encore du DPE.

Quels sont les biais identifiés ?

Sur les 30 millions de résidences principales que compte la France, environ 5 millions sont des passoires énergétiques, classées F et G. Dans le lot, 31 % sont des logements de moins de 30 m². Cette surreprésentation pose question. « On s’est rendu compte que plus la surface d’un logement est petite, plus la part de l’eau chaude sanitaire pèse sur son classement, sans lien réel avec le nombre d’occupants », expliquait récemment Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, dans Le Parisien. L’explication ? « Ces quinze dernières années, dans la grande majorité des rénovations de ces petites surfaces, les systèmes de production d’eau chaude ont été surdimensionnés, rappelle Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim. On a installé des ballons de 150 litres là où un modèle de 50 litres aurait suffi. Or, le DPE détermine les consommations d’énergie potentielles dans le logement ‒ et non réelles ‒ et les rapporte à sa surface. Ainsi, plus le ballon d’eau chaude est grand, et plus la note du DPE est pénalisante pour un petit logement, même bien isolé et performant. »

Ce n’est pas le seul biais affectant les petites surfaces. « Le volume des surfaces déperditives, c’est-à-dire celles qui laissent passer la chaleur dans votre logement, est aussi un facteur important dans le calcul du DPE, explique Marie Gracia, directrice du collectif Effinergie, qui promeut les rénovations à basse consommation d’énergie. Or, cet indice de compacité thermique est calculé en divisant la somme des surfaces déperditives par la surface totale du logement. Là encore, plus celui-ci est petit et plus le ratio risque d’être grand. »

Comment le calcul du DPE va-t-il être modifié ?

Le projet d’arrêté est connu dans le détail depuis le 14 février. « La méthode de calcul du DPE reste inchangée, la consommation d’énergie finale estimée pour votre logement restera donc identique sur le diagnostic », précise Marie Gracia. Les deux biais constatés sont corrigés en appliquant des coefficients de pondération pour les petites surfaces impactées. « Pour la consommation d’eau chaude sanitaire, ce coefficient sera appliqué sur les logements entre 40 et 9 m², détaille Yannick Ainouche. Plus le bien est petit et plus ce coefficient est important. » Pour l’indice de compacité thermique, il ne s’appliquera qu’aux logements inférieurs à 15 m². Au total, ces corrections devraient faire sortir 140 000 logements du statut de passoires énergétiques.

Les propriétaires vont-ils devoir refaire leur DPE ?

Ces modifications s’appliqueront à partir du 1er juillet 2024. Tout l’intérêt de ne pas avoir touché à la méthode de calcul est d’éviter aux propriétaires qui ont un DPE récent d’avoir à le refaire. Un simulateur a été mis en ligne sur le site de l’observatoire DPE-Audit de l’Ademe. À partir du numéro unique de votre DPE, inscrit en haut à droite du document, ce simulateur émet une nouvelle évaluation de l’étiquette en appliquant les coefficients pondérateurs. Si votre bien change de catégorie, une attestation valant nouvelle étiquette vous sera alors remise.

Les locataires grands perdants ?

Le blocage des loyers des logements classés F et G depuis août 2022, puis l’interdiction à venir de les louer, risquent de fortement diminuer le parc locatif et aggraver la pénurie de logements en France. Sortir ces 140 000 biens du statut de passoires énergétiques, « nichés principalement dans les hypercentres des grandes villes », selon Yannick Ainouche, devrait détendre un peu le marché de la location. En tout cas, leurs propriétaires voient s’éloigner le couperet de l’interdiction de location. Elle ne s’appliquera qu’au 1er janvier 2034 pour les logements classés E.

« Ces ajustements peuvent se comprendre s’ils sont justes, mais il ne faudrait pas non plus les multiplier au risque de laisser croire aux propriétaires que des corrections les sortiront du statut de passoires thermiques, prévient Isabelle Gasquet, experte énergie de l’association Cler - Réseau pour la transition énergétique. L’objectif à ne pas perdre de vue est la rénovation des passoires. » Or, les propriétaires bailleurs sont plutôt à la traîne. « Les affectations de MaPrimeRénov’ en 2023 l’attestent : moins de 4 % des dossiers financés sont à destination de ces derniers », rappelle Lucile Buisson, chargée de mission énergie à l’UFC-Que Choisir.

Les grands perdants de cet attentisme sont alors les locataires. « Ce n’est pas parce qu’ils changent de statut que ces 140 000 logements vont être moins énergivores et que leurs occupants vont voir leurs factures baisser », reprend Isabelle Gasquet. Pire, s’inquiètent Lucile Buisson et Marie Gracia, leurs propriétaires pourraient profiter de ce changement de classe pour augmenter de nouveaux leurs loyers, chose impossible pour une passoire thermique depuis le 24 août 2022.

Une autre modification du DPE encore en projet ?

Si ce chantier n’est pas mentionné dans le projet d’arrêté, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, réfléchit aussi à un changement du coefficient de conversion énergétique. « Entre l’énergie primaire, qui est prélevée dans la nature, et celle finale livrée chez vous, il peut y avoir des pertes, explique Marie Gracia. Celles-ci sont plus importantes pour l’électricité que pour le gaz, par exemple. » Pour prendre en compte ces déperditions, le DPE applique d’ores et déjà des coefficients de conversion aux différentes énergies. Mais Bruno Le Maire veut modifier celui appliqué à l’électricité, qu’il estime trop défavorisée par rapport aux autres énergies. Les travaux sont en cours et cette évolution pourrait, là encore, faire sortir un million de logements F chauffés à l’électricité de leur statut de passoire thermique.

Fabrice Pouliquen

Fabrice Pouliquen

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