Perrine Vennetier
Une piste prometteuse contre le Covid-19
Utiliser les défenses naturelles de ceux qui ont guéri du Covid-19 pour aider ceux qui en sont malades, tel est le principe de la thérapie par anticorps. Un essai est lancé en France.
Depuis le 7 avril, des prélèvements de sang un peu particuliers ont débuté en Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Île-de-France. Les donneurs sont des convalescents : d’anciens malades du Covid-19 qui ont guéri. Le sang ainsi prélevé sera ensuite transfusé à des personnes malades du Covid-19 et hospitalisées, dans le cadre d’un essai clinique appelé Coviplasm.
Une vieille recette
Le principe n’est pas nouveau. Il date même de plus d’un siècle. Appelé « sérothérapie », il consiste à prélever du sang chez des personnes ayant guéri d’une maladie pour le transfuser à des personnes qui en sont toujours malades. Plus exactement c’est le plasma qui est transfusé, c’est-à-dire la partie liquide du sang dont on a filtré les globules, plaquettes, etc., mais qui contient les précieux anticorps, ces armes que le système immunitaire fabrique contre les virus. L’idée est de transmettre, via le plasma, ces défenses naturelles pour soigner les malades qui ne s’en sortent pas.
15 patients chinois sortis d’affaire
Contre le Covid-19, cette thérapie passive par anticorps a fait récemment l’objet de deux expérimentations récentes en Chine. La première a été menée sur 5 patients atteints dans des états critiques, tous étaient notamment sous respirateur. Après transfusion de plasma de personnes guéries, 3 d’entre eux sont sortis de l’hôpital et 2 ont vu leur état se stabiliser (mais sont restés sous assistance respiratoire).
Un autre essai mené sur 10 patients hospitalisés dans un état grave semble également avoir donné de bons résultats : leur état s’est amélioré en 3 jours, les lésions au niveau des poumons ont régressé en 7 jours. Mais impossible pour l’instant d’affirmer que c’est bien grâce au traitement par plasma.
Aucun des deux essais n’avait de groupe contrôle auquel comparer les résultats du groupe traité. Peut-être tous ces patients s’en seraient-ils aussi bien sortis sans plasma... C’est le même problème méthodologique qu’avec l’hydroxychloroquine. À ce stade, on ne dispose donc pas de plus de preuves.
Du SRAS au Covid-19
Néanmoins, cette thérapie par plasma a en sa faveur d’avoir été essayée avec des résultats encourageants au cours des précédentes et récentes épidémies : au cours des vingt dernières années, elle a été utilisée de façon empirique contre le MERS, Ebola, H1N1 et contre le SRAS. Dans ce dernier cas, elle a démontré une certaine efficacité avec une réduction probable de la mortalité d’environ 25 %. Ces retours d’expériences passées sont une incitation supplémentaire à mener des essais cliniques plus poussés et plus rigoureux.
Dans de nombreux pays occidentaux, en Allemagne, au Canada, aux États-Unis, le plasma de patients guéris va être testé. Les modalités peuvent différer. En France, l’essai mené par l’AP-HP concernera une soixantaine de malades (dont la moitié sera traitée par plasma et l’autre servira de groupe contrôle). Ces patients seront dans un état assez grave pour être hospitalisés mais moins grave que les patients chinois récemment traités. L’efficacité sera justement jugée sur la capacité du traitement à éviter les aggravations (passage sous respirateur et a fortiori décès). La liste des paramètres à définir est longue : à quel moment, à quel patient, à quel volume, est-il le plus indiqué de transfuser ce plasma ?
Le mystère des anticorps
Même la composition idéale du plasma n’est pas cernée. Faut-il choisir des donneurs ayant été gravement malades qui auraient donc fabriqué beaucoup d’anticorps ou bien des personnes ayant été très peu malades, signe que leurs anticorps ont été très efficaces ? On ne sait pas. Peut-être l’inverse est-il vrai : les personnes très malades ont un système immunitaire défaillant et les personnes peu malades ont été exposées à trop peu de virus pour avoir fabriqué suffisamment d’anticorps. Qualité et quantité d’anticorps sont encore des inconnues. « Nous avons fait le choix de la ligne médiane, explique le Dr Pascal Morel, de l’Établissement français du sang en charge de la collecte du plasma pour l’essai Coviplasm. Nous prélevons sur des personnes qui ont été bien malades, au lit pendant plusieurs jours mais qui s’en sont sorties au bout d’une semaine et qui sont guéries depuis au moins 14 jours. »
Il faut comprendre que le Covid-19 est à l’origine une maladie virale mais que ses complications ne le sont pas forcément. Quand elle s’aggrave, avec des atteintes des poumons et des défaillances d’autres organes, le virus n’est plus seul en cause. C’est alors plutôt le système immunitaire qui déraille et qui, au lieu de défendre l’organisme, devient toxique. La transfusion de plasma de convalescents vise à éviter ce dérapage incontrôlé.