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Prix du carburant

Au bonheur des actionnaires

Tandis que les prix des produits pétroliers atteignent des sommets partout en Europe, les pays fournisseurs d’or noir refusent d’augmenter leur production. Au plus grand bonheur des « majors » du pétrole (Total, Shell, BP ou ExxonMobil) qui ont augmenté la rémunération de leurs actionnaires.

La hausse des cours du pétrole est une aubaine pour les sociétés impliquées dans le secteur. Lorsque les prix grimpent pour des motifs géopolitiques, comme à l’heure actuelle avec la guerre en Ukraine et l’arrêt progressif de l’approvisionnement en pétrole russe, les marges de raffinage explosent. Selon les données du ministère de la Transition écologique, la marge brute de raffinage sur une tonne de pétrole Brent est passée de 29 € en février dernier à 84 € en mars, pour se fixer à 156 € en avril. Si ce calcul effectué par les services du ministère de la Transition écologique demeure purement théorique, il n’en dépeint pas moins la réalité : Total s’est satisfait, lors de la présentation de ses résultats pour le premier trimestre 2022, de la « surperformance des activités de négoce pétrolier ». Le groupe français a dégagé un résultat net IFRS de 4,9 milliards de dollars, soit +48 % par rapport au 1er trimestre 2021, ce en dépit d’une provision de 4,1 milliards pour faire face aux aléas russes. Le résultat opérationnel ajusté a été de 1,4 milliard de dollars, celui-ci s’est donc trouvé multiplié par 2,6 sur 1 an, ou a progressé de 35 % par rapport au 4e trimestre 2021. Devant de tels résultats, Total a choisi d’augmenter de 5 % « le premier acompte sur dividende au titre de l’exercice 2022 », mais a aussi provisionné de l’argent afin « d’investir dans des projets rentables pour mettre en œuvre la transformation de TotalEnergies en une compagnie multi-énergies durables ».

Le concurrent britannique BP a pour sa part volontairement présenté un bilan financier trimestriel négatif. Devant l’impératif de faire cesser ses activités implantées en Russie, BP a provisionné 25,5 milliards de dollars, ce qui a engendré un résultat net en perte de 20,3 milliards de dollars. Néanmoins, BP vient de réaliser son meilleur trimestre depuis 10 ans : le « bénéfice récurrent » a été de 6,2 milliards de dollars, contre 4,1 milliards sur 1 an. La hausse atteint 53 %. De ce fait, à l’image de Total, le cours de l’action est passé de 5,25 cents à 5,46 cents, soit +4 %.

Les résultats de Shell ont enfin été conformes à ceux de ses challengers : 9,1 milliards de dollars de résultat net au 1er trimestre 2022 (+182,3 % sur 1 an), et un dividende par action augmenté de 4 %.

Résultats financiers de Total, selon ses propres bulletins

1er trimestre 20201er trimestre 20211er trimestre 2022
Prix du brut ($/baril)5060102
Résultat net (milliards de $)1,839
Résultat net ajusté dilué par action (€)0,60,913,03

Il ne faut surtout pas croire que seules les grandes compagnies pétrolières européennes s’enrichissent lorsque le pétrole flambe. Selon un rapport effectué par l’Inspection générale des finances en 2012, « dans la très grande majorité des cas, la production pétrolière transite par des compagnies nationales, le pays producteur captant alors la totalité de cette rente ». Et même lorsque les unités de pompage appartiennent à BP, Total ou autre, « au moins 60 % de la rente seraient de nouveau captés par les pays producteurs sous forme de prélèvements divers ».

Ainsi l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) refuse-t-elle d’augmenter franchement sa production, en dépit de son propre constat d’une « hausse notable et disproportionnée des revenus nets des produits par rapport aux prix du brut ». Aramco, la principale compagnie saoudienne d’hydrocarbures, a vu ses profits grimper de 124 % en 2021 (110 milliards de dollars !), elle compte sans doute poursuivre sur le même chemin, à l’instar des compagnies américaines, d’ailleurs. D’après le Wall Street Journal, « les prix du pétrole sont au plus haut depuis des années et les politiciens veulent que les entreprises pompent davantage. Mais la plupart des entreprises américaines de fracturation [spécialistes en huiles de schiste, ndlr] ne bougent pas, voire laissent la production diminuer, et distribuent plutôt de l’argent aux investisseurs ».

Et la France dans tout cela ? Mécaniquement, lorsque les prix montent, Bercy perçoit plus de TVA sur les carburants. À ceci près que le gouvernement actuel a choisi d’octroyer une remise de 15 centimes d’euro par litre de carburant aux automobilistes. Une remise qui couvre les éventuels « surprofits » de TVA de l’État sur les carburants.

Décomposition du prix de 1 litre de gazole et de 1 litre de SP95-E10

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Arnaud Murati

Arnaud Murati

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