par Roselyne Poznanski
RetraiteQuelles sont les principales conséquences de la suspension de la réforme des retraites ?

La suspension annoncée de la dernière réforme des retraites devrait impacter les générations d’actifs sur le point de faire valoir leurs pensions. Mais au-delà des annonces, rien de définitif n’est arrêté pour le moment. Explications.
Pour que son nouveau gouvernement ne soit pas censuré, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a annoncé lors de son discours de politique générale qu’il allait proposer une suspension de la dernière réforme des retraites, entrée en vigueur le 1er septembre 2023. Le relèvement de l’âge légal de départ en retraite devrait ainsi être mis sur pause, temporairement ou à plus long terme : toutes les hypothèses sont pour le moment sur la table.
Qu’est-ce qui doit être suspendu ?
Principalement, la mesure de la dernière réforme des retraites qui a fait le plus parler d’elle : le relèvement de l’âge légal de départ en retraite qui s’échelonne désormais, selon les générations concernées, de 62 à 64 ans à raison d’une hausse de 3 mois par an. Stopper ce relèvement, c’est entériner, pour le moment, l’âge de départ actuellement en vigueur, valable pour toutes les personnes nées en 1963 : 62 ans + 9 mois. Autrement dit, une personne née en 1964 pourra partir en retraite 3 mois plus tôt que ce qui est prévu par la loi, à savoir 63 ans.
Pour mémoire, l’âge légal de départ en retraite est l’âge à partir duquel il est possible de faire valoir ses pensions de retraite (issues des régimes obligatoires). Sous certaines conditions, il est toutefois possible de demander à bénéficier de ses pensions plus tôt : lorsque l’on a commencé à travailler très jeune (départ au titre d’une « longue carrière »), lorsque l’on est handicapé ou déclaré inapte au travail ou encore lorsque l’on est fonctionnaire dit « de catégorie active » (gendarme, sage-femme, aide-soignant…) ou salarié de certains régimes spéciaux (SNCF…).
La hausse de la durée d’assurance nécessaire pour le taux plein va-t-elle également être suspendue ?
Normalement oui. Cette durée de cotisation, décomptée en trimestres, qui permet de bénéficier de pensions calculées au taux plein a, elle aussi, été augmentée avec la réforme de 2023 (celle-ci a accéléré le calendrier mis en place à partir de 2020 par la réforme Touraine). Ainsi, 170 trimestres retraite sont nécessaires pour qu’une personne née en 1963 obtienne ses pensions à taux plein mais, à terme, il faudra 172 trimestres. S’il y a suspension de la hausse de la durée de cotisation, les personnes nées en 1964 auront besoin de réunir 170 trimestres retraite, et non 171 comme inscrit dans la réforme. Et celles nées en 1965 (voir ci-dessous) qui pourraient être également concernées par la suspension de la réforme auront besoin de réunir 170 trimestres retraite, et non 172 comme prévu sans suspension.
Quand ces suspensions seront-elles effectives ?
Lorsque l’amendement visant une suspension de la dernière réforme des retraites sera adopté. Celui-ci doit être inséré dans le futur projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. Les débats parlementaires devraient commencer fin octobre. En attendant, pour les personnes qui souhaitent faire valoir leurs droits retraite, les règles en vigueur continuent de s’appliquer.
Quelle va être la première génération concernée ?
Celle de 1964. Les personnes nées cette année-là pourront ainsi faire valoir leurs droits à 62 ans + 9 mois, à partir du 1er octobre 2026 (pour les natifs de janvier), jusqu’au 1er octobre 2027 (pour les natifs de décembre) alors que sans suspension, ils auraient 3 mois de plus.
Et les autres générations ?
Pour la génération 1965 (hors carrière longue) nul ne peut dire aujourd’hui ce qui va se passer précisément. En effet, si l’on regarde de près le calendrier des dates de départ possibles, on voit que les personnes nées le 1er janvier 1965, en février 1965 ou le 1er mars 1965 au plus tard, pourront respectivement demander leurs droits le 1er octobre, le 1er novembre ou le 1er décembre 2027, à 62 ans + 9 mois. Mais celles nées à partir du 2 mars 1965 ne pourront faire valoir leurs droits qu’à partir du 1er janvier 2028. Or en 2027, selon le résultat de l’élection présidentielle, une énième nouvelle réforme pourrait venir, une fois de plus, chambouler la donne… « Toute la question est de savoir jusqu’à quel mois de naissance on va appliquer les 62 ans et 9 mois. La réforme de 2023 a concerné toutes les personnes nées à partir du 1er septembre 1961. Si l’on adopte ce même schéma, la prochaine réforme, ou la reprise de la réforme de 2023, pourrait concerner toutes les personnes nées à partir du 1er avril 1965 », fait remarquer Pascale Gauthier, directrice associée chez Novelvy Retraite, cabinet spécialisé dans les bilans retraite. De ce fait, nul ne peut dire aujourd’hui quel sort sera réservé à une partie de la génération 1965, et à plus forte raison aux suivantes (1966, 1967 et 1968), même si Sébastien Lecornu a indiqué que toutes ces générations seraient concernées par une suspension de la réforme, soit potentiellement 3,5 millions de personnes.
Les personnes en carrière longue seront-elles impactées ?
Normalement oui, même si aucune annonce n’a encore été faite de ce côté-là. La logique qui vaut pour les carrières classiques devrait valoir aussi pour les personnes ayant commencé à travailler tôt et qui, parce qu’elles réunissent certaines conditions de cotisation, notamment en tout début de carrière, peuvent partir à taux plein 1 an, 2 ans, voire 3 ans avant les autres. « Les personnes en carrière longue nées au 1er trimestre 1965, ayant validé 5 trimestres avant la fin de l’année de leurs 20 ans, ont pu commencer à faire valoir leurs droits à compter de ce 1er octobre 2025. Celles nées plus tardivement en 1965, ainsi que celles nées en 1966, 1967 et même en 1968, pourraient bénéficier du gel de la durée d’assurance à 170 trimestres attendu en 2026. Selon l’âge auquel elles ont validé des trimestres en début de carrière, elles rempliront donc plus tôt les conditions d’éligibilité à un départ en carrière longue. Ce gel de la durée d’assurance devrait mécaniquement élargir le nombre de personnes concernées par ce type de départ anticipé », relève Pascale Gauthier.
Roselyne Poznanski