par Arnaud Murati
Scandale du dieselgateL’étau se resserre sur les constructeurs

La Cour de cassation a livré un arrêt en faveur des propriétaires d’une voiture Volkswagen aux éléments de dépollution truqués. Le propriétaire d'un véhicule concerné peut en contester l'achat pendant 5 ans après avoir été informé du défaut, et non 5 ans après l'achat. D’autres procès devraient se tenir prochainement non seulement contre la marque allemande, mais aussi envers les constructeurs français.
Comme le résume Me Arnaud Gossement, « l’arrêt rendu le 24 septembre 2025 par la Cour de cassation présente le mérite de faire converger le droit de la consommation et le droit de l’environnement ». Il faut dire que la plus haute juridiction française n’a pas cillé : selon son propos, la conformité d’un bien « se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’acquéreur a connu ou aurait dû connaître le défaut de conformité allégué ». L’affaire est donc désormais limpide pour cet acheteur d’une Volkswagen diesel en 2010 : sa demande de « résolution du contrat de vente initial du fait du défaut de délivrance conforme » est parfaitement recevable puisqu’elle a été effectuée en 2016, soit quelques mois à peine après que Volkswagen France l’a informé par courrier que son auto comportait un dispositif de dépollution frauduleux !
Cet arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire du dieselgate ouvre la porte à de potentielles nouvelles actions de justice dans l’Hexagone, n’en déplaise à la filiale du constructeur : « Volkswagen Group France reste convaincue que les consommateurs français n’ont subi aucun préjudice. Les tribunaux français ont d’ailleurs régulièrement rejeté depuis 10 ans les actions en justice formées contre Volkswagen à ce sujet. »
Tromperie
Car outre la Cour de cassation, d’autres autorités judiciaires se sont récemment préoccupées du dossier du dieselgate : la Cour de justice européenne d’abord, qui a fait savoir le 1er août 2025 qu’un « constructeur automobile ne peut s’exonérer de sa responsabilité par un dispositif d’invalidation illicite du fait que le type du véhicule ou du dispositif même a été réceptionné par l’autorité nationale compétente », ce qui était l’un des axes de défense du constructeur en Allemagne ; le parquet de Paris ensuite, dont le pôle de santé publique a requis en février dernier la tenue d’un procès contre Volkswagen devant le tribunal correctionnel. Le parquet considère en effet que le constructeur a « trompé les acquéreurs de véhicules dotés des moteurs diesels de type EA189 TDI 1,2, 1,6 et 2 litres de marque Volkswagen, Volkswagen utilitaires, Seat, Audi, Skoda, sur les qualités substantielles des véhicules ».
Un parquet de Paris qui n’a pas que Volkswagen dans sa ligne de mire, d’ailleurs. Peugeot, Fiat et Citroën (soit Stellantis) sont aussi mis en examen pour « tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme ou de l'animal », à l’instar du groupe Renault. Celui-ci se trouverait mis en cause par l’autorité judiciaire car selon les réquisitions consultées par France Inter, Renault « savait que les véhicules dotés de moteurs litigieux polluaient bien davantage en oxydes d'azote que le passage du test d'homologation pouvait le laisser penser ». Les moteurs en question seraient les diesels vendus par la marque entre 2009 et 2017. Et curieuse coïncidence, le groupe Renault a justement publié un communiqué de presse le 16 septembre qui indiquait que le groupe proposait désormais gratuitement aux « propriétaires de modèles diesels Euro 5 ou Euro 6b » une « mise à jour du calculateur moteur du véhicule » visant à revoir les plages de fonctionnement de la vanne EGR et du NOx trap, soit des deux principaux organes de dépollution… Le constructeur nie néanmoins farouchement toute volonté de manipulation.
11 millions de voitures frauduleuses
Pour l’ICCT, qui a été à l’origine de la divulgation du scandale du dieselgate, « le problème des émissions excessives n’est pas encore résolu », et ce 10 ans après les faits. Selon l’organisme, 11 millions de voitures frauduleuses (de toutes marques) seraient toujours en circulation à l’heure actuelle en Europe. Difficile de faire un état des lieux, cependant. Volkswagen avait admis en 2015 que 948 064 autos qui circulaient dans l’Hexagone comportaient un dispositif illégal. Aujourd’hui, Volkswagen France refuse de communiquer le nombre de voitures qui ont été modifiées par ses soins depuis cette date. À l’occasion d’un rapport sur la pollution de l’air, la Cour des comptes avait établi que 75 % de ces presque un million de véhicules avaient été revus et corrigés au 30 avril 2019.
Arnaud Murati