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Taux d’usure

La Banque de France lâche du lest

À compter du 1er février 2023, et durant 5 mois, le taux d’usure fera l’objet d’un ajustement mensuel et non plus trimestriel. Une mesure technique temporaire et exceptionnelle pour mettre fin au blocage des dossiers de crédit. Explications.

À travers la fixation du taux d’usure, la Banque de France remplit l’importante mission de protéger les emprunteurs de taux excessifs et de préserver un large accès au prêt. Pour ce faire, depuis 1966, elle révise trimestriellement le taux annuel effectif global (TAEG) maximal auquel les établissements de crédit ont le droit d’accorder un emprunt, c’est le taux d’usure. Elle le calcule à partir des données collectées sur les taux de crédit pratiqués au cours du trimestre précédent. Depuis le 1er janvier 2023, ce taux s’élève par exemple à 3,53 % pour les emprunts de moins de 20 ans et 3,57 % pour les crédits de plus de 20 ans, des seuils qui ont été publiés au Journal officiel à la fin du 4e trimestre 2022 et qui devaient normalement s’appliquer jusqu’au 31 mars 2023.

L’institution vient d’annoncer qu’elle dérogera à cette règle en procédant à une publication mensuelle pour les taux applicables du 1er février au 1er juillet 2023. Ces plafonds resteront toutefois établis sur la base de la moyenne des taux pratiqués lors des trois mois précédents.

Pourquoi un tel changement ?

L’Europe traverse une période de forte remontée des taux d’intérêt pratiqués par les établissements de crédit, provoquant en France un effet de seuil à l’intérieur de chaque trimestre. Concrètement, certains dossiers de demande de prêt sont bloqués en fin de trimestre et sont reportés en début de trimestre suivant dans l’attente de la prochaine hausse significative du taux d’usure. En conséquence, la distribution du crédit est mécaniquement plus forte en début de période et plus faible en fin de période. C’est pour mieux lisser les relèvements du taux d’usure que la Banque de France a opté pour cet ajustement technique temporaire, le temps que les taux d’emprunt se stabilisent. L’objectif est d’ajuster de façon plus régulière le taux d’usure et d’éviter la grande marche d’escalier trimestrielle.

Il y a quelques jours, et à la surprise générale, l’idée avait été mise sur la table lors d’une réunion entre la Banque de France, Bercy et les professionnels du crédit. Jusqu’alors l’institution avait été sourde aux demandes des professionnels du crédit qui criaient au blocage ; les courtiers avaient même manifesté le 20 septembre dernier devant le siège de la Banque de France avant qu’une délégation soit reçue par son gouverneur.

L’excellent crédit made in France

Selon la Banque de France, cet ajustement technique permet bien de faire face aux circonstances exceptionnelles actuelles, c’est-à-dire à la remontée rapide des taux d’intérêt, tout en respectant pleinement l’esprit protecteur de la loi. Mais elle rejette tout argument de blocage du marché. Elle défend par la même occasion la formule (1) utilisée pour la fixation du taux d’usure qui conduit à des hausses proportionnées. Pour preuve, elle cite ce chiffre : la production de nouveaux crédits immobiliers sur l’ensemble de l’année 2022 est estimée à 218 milliards d’euros et reste supérieure à celles de toutes les années précédentes, hormis l’exception historique de 2021.

Par ailleurs, selon l’institution, « les banques ont bien continué ces derniers mois à servir les emprunteurs de toutes classes d’âge, de revenu et ce pour tous les motifs d’acquisition, confirmant l’absence de blocage du marché ». Et le crédit immobilier en France serait « le plus abondant, le moins cher et le plus sûr des grands pays européens ».

Les emprunteurs peuvent donc souffler, leur dossier ne sera pas recalé en raison d’un taux d’usure trop bas et ce, jusqu’à l’été, date à laquelle le ralentissement de la hausse des taux de crédit devrait rendre le seuil trimestriel moins problématique pour obtenir un crédit immobilier.

Pouvoir d’achat réduit

Reste toutefois l’essentiel. Des taux d’intérêt d’emprunt plus élevés signifient avant tout un pouvoir d’achat en berne. Actuellement, les accédants à la propriété sont contraints d’emprunter une somme moindre et donc d’accepter d’acheter un logement plus modeste.

Imaginons un couple gagnant 4 000 € nets par mois avec une assurance à 0,34 % incluant une couverture à 50 % sur chaque tête :

  • en janvier 2022, ils empruntaient 285 000 € à 1,1 % sur 20 ans, soit une mensualité de 1 400 € et un taux d’endettement de 35 % ;
  • à la fin du 1er trimestre 2023, si le taux de 3 % se confirme, 1 660 € de mensualité seront nécessaires pour obtenir un prêt de 285 000 €, soit un endettement impossible de 41 %. Ils devront se contenter d’un prêt de 240 000 € pour espérer un avis favorable, soit une perte de pouvoir d’achat de 45 000 €.

Autre solution, engager une négociation du prix. Encore impensable il y a quelques mois où tout se vendait à n’importe quel prix, la tentative pourrait désormais se révéler fructueuse selon les secteurs géographiques et les défauts du bien convoité (rez-de-chaussée, mauvais DPE, travaux importants, manque de luminosité…).​​​​​

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(1) La Banque de France calcule le taux d’usure selon la règle des 4/3 : les taux moyens pratiqués par les banques au cours des trois derniers mois augmentés d’un tiers.

Rosine Maiolo

Rosine Maiolo

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