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Transport en commun

Il y avait bel et bien cartel

L'affaire remonte au siècle dernier mais les géants français des transport en commun (Véolia, Transdev et Kéolis) ont de nouveau été condamnés, en appel cette fois, pour ententes illicites.

En juillet 2005, le Conseil de la concurrence condamne les principaux opérateurs français de transport en commun, Véolia, Transdev et Kéolis, pour ententes illicites. À l'issue d'une enquête minutieuse portant sur la période 1994-1999, l'autorité estime que les trois prétendus concurrents s'entendent en réalité à merveille sur le dos des collectivités. « À l'occasion des appels d'offres [...], ces entreprises ne se font jamais concurrence », note le Conseil dans sa décision. Sur 122 marchés publics lancés par les villes ou les départements français de 1996 à 1998, les trois groupes sont tous candidats dans cinq cas seulement. La plupart du temps, ils ont conclu des « pactes de non-agression ». L'expression, qui vaut aveu, figure dans des documents internes saisis par les enquêteurs. « On échange Laval contre Chalon », écrit ainsi un cadre de Transdev (à l'époque, Kéolis tient Laval et Transdev, Chalon). Les coupables se voient infliger les amendes maximales prévues à l'époque par la loi. Elles sont modestes. Trois millions d'euros pour Transdev, 3,9 millions pour Kéolis et 5 millions pour Veolia Transport. Soit, dans le cas de ce dernier, moins d'un millième du chiffre d'affaires du groupe.

Mais au-delà du montant, il y a l'image de marque. Les trois condamnés, décidément au diapason, vont donc en appel en 2006, puis en cassation en 2007. Ils obtiennent un renvoi devant la cour d'appel de Paris, qui a donc rendu sa décision le 15 juin dernier. Sans surprise, vu la solidité du dossier, la condamnation des trois opérateurs est confirmée. Il y a bel et bien eu entente dans les années 1990 à Bordeaux, Rouen, Châteauroux, Toulon, Bar-le-Duc, Épernay, Laval, Chalon, Saint-Claude, Oyonnax ou Sens, sans oublier des marchés de transport scolaire ou interurbain dans les départements du Jura, du Doubs, de l'Ain et dans la région Lorraine.

250 euros par Lyonnais

Ces petits arrangements entre géants du transport ont des conséquences directes sur le porte-monnaie du contribuable. Partout en France, le service public du transport urbain est déficitaire. Mais la compensation versée par la collectivité est plus ou moins grande en fonction de l'efficacité des opérateurs. Il semble que dans les années 1980 et 1990, ces derniers aient surtout pensé à maximiser leur profit.

C'est moins vrai aujourd'hui. En 2004, la bataille a été rude pour le renouvellement du marché du syndicat des transports de l'agglomération lyonnaise (Sytral). Pour la première fois depuis des décennies, Kéolis se retrouvait face à Transdev. La concurrence a permis d'obtenir un rabais de 20 % sur la précédente délégation de service public, soit la bagatelle de 250 euros par Lyonnais pour un contrat de 6 ans... En 2009, Kéolis a soufflé à Véolia, qui le détenait depuis des décennies, le marché des transports en commun de la communauté urbaine de Bordeaux, à l'issue d'une compétition très rude.

De là à dire que la concurrence règne désormais sans équivoque, il y a un fossé. Elle va au contraire bientôt reculer d'un grand pas. Véolia et Transdev vont en effet fusionner cet automne. Le nouvel ensemble devrait gérer les transports en commun des deux tiers des agglomérations françaises de plus de 100 000 habitants. Quelques élus locaux s'en inquiètent, mais ils crient dans le désert. Il est vrai qu'en France, le marché de l'eau est quasiment partagé entre deux acteurs (dont Véolia...). Mais est-ce vraiment un modèle à suivre ?

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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