Yves Martin
Le courant passe mal
2011 sera l’année de la voiture électrique. Déjà parce que pour la première fois une voiture électrique, la Nissan Leaf, a été élue voiture de l’année. Ensuite parce que les constructeurs commencent à en proposer dans leur catalogue. Mais, malgré des avantages indéniables, la voiture électrique peine à s’imposer et souffre de nombreux défauts. Reportage et premières impressions en vidéo.
Électricité et automobile sont indissociables et ont toujours cohabité. La Jamais Contente du Belge Camille Jenatzy ne fut-elle pas la première automobile terrestre à dépasser la barre des 100 km/h en 1899 ? Pour autant, ce succès n’a pas suffi à imposer ce mode de propulsion. Déjà, à l’époque, les contraintes étaient trop nombreuses pour rivaliser avec une énergie plus pratique : le pétrole. Le poids des batteries, le temps de charge, l’autonomie : autant d’inconvénients que ne rencontrait pas l’Or noir. La voiture électrique ne pouvait pas rivaliser face à cette énergie dotée d’un excellent pouvoir énergétique, permettant des ravitaillements faciles et, surtout, très facile à transporter et à stocker. La voiture électrique a dû baisser les bras. Un bilan encore d’actualité, plus de 110 ans après.
L’histoire se répète
Au fil des ans, les expériences n’ont jamais été concluantes. Dans les années 1990, les Citroën Saxo et Peugeot 106 électriques n’ont pas séduit davantage. Toujours pour les trois mêmes raisons : coût d’achat trop élevé, autonomie insuffisante et temps de recharge trop long. Un triptyque qui colle à la peau de la voiture électrique. Le regain d’intérêt n’est arrivé que dans les années 2000, avec la prise de conscience de la nécessité de protéger l’environnement. On en oublierait presque les avantages que procure cette solution. Car la voiture électrique ne manque pas d’intérêt, bien au contraire. L’absence de vibrations, le silence de fonctionnement et le moteur très performant (le couple maximum est disponible dès les premiers tours et la puissance arrive de façon linéaire) rendent l’engin vraiment idéal en ville. En milieu urbain, il est, c’est une certitude, bien plus agréable que les mécaniques à essence ou diesel. C’est en effet là que les arrêts et les démarrages sont les plus fréquents : le moteur électrique y prend tout son sens. Quoi de plus agréable que de rouler en silence, sans vibrations et sans bruit à l’arrêt ?
Un bilan énergétique à détailler
Bien sûr, l’autre véritable atout de la voiture électrique est son absence totale de pollution. Est-ce donc LA solution miracle contre la pollution automobile ? Eh bien ! non. En effet, si la voiture devient propre, il est judicieux de savoir comment est produit le courant qui servira à recharger les batteries. C’est ce qu’on appelle le bilan énergétique « du puits à la roue ». En effet, si la pollution locale est effectivement nulle dans le cas d’une voiture électrique, le problème se déplace vers la production du courant. Quel moyen utiliser ? Une centrale nucléaire qui crée des déchets radioactifs ? Une centrale hydroélectrique qui impose de noyer une vallée et de détruire un écosystème ? Des champs d’éoliennes à perte de vue ? Une centrale au charbon qui pollue énormément ? Et pour quel prix ? L’équation écologique n’est pas aussi simple à résoudre. Reste également à résoudre le problème du recyclage des batteries. La principale technologie de batterie utilisée actuellement par les constructeurs est l’association lithium-ion. Le lithium est un composant coûteux et très difficile à recycler aujourd’hui. Quid des réserves de matière première (déjà à l’origine de spéculations !) et du traitement des déchets ? Par ailleurs, il faut parler du prix. Car, même si la voiture électrique offre un coût d’entretien à l’usage très limité par rapport aux mécaniques à essence ou diesel, le prix d’achat est rédhibitoire. Au bas mot 30 000 euros soit 2,5 fois le prix d’un modèle équivalent doté d’une mécanique traditionnelle.
En fait, il faut être conscient qu’il n’est pas possible de se déplacer sans polluer en tenant compte d’un bilan énergétique du puits à la roue. La diminution de l’impact de l’automobile sur la planète pourra se faire grâce à la multiplication de solutions de plus en plus adaptées à un usage précis. Comme par exemple la solution de l’Auto’Lib (voiture électrique en libre-service en s’acquittant d’une cotisation) mise en place depuis le début de l’année, mais certainement pas par la fermeture des centres-villes à la circulation. Une solution qui ne résout rien et ne fait, encore une fois, que déplacer le problème.
Les principaux constructeurs sur le marché de l’électrique
2011 sera le début de la commercialisation des voitures électriques « nouvelle génération ». Mais ce n’est qu’un début : de nombreux constructeurs se lanceront dans le marché au fil des mois.
Renault : le constructeur français proposera en 2011 plusieurs véhicules électriques dont la Fluence, une voiture familiale. Disponible en septembre, elle s’affiche à un prix de 26 300 euros… sans les batteries ! Pour disposer de ces dernières, li faudra débourser un loyer mensuel de 79 euros. De son côté, le Kangoo ZE sera proposé à 20 000 euros HT plus un loyer de 72 euros HT pour les batteries. Même scénario pour la citadine Zoé et la voiture à deux places Twizy, dont les prix restent à découvrir.
Nissan : La Leaf, voiture de l’année 2011, arrive sur notre marché à un prix avoisinant les 35 000 euros.
Citroën, Peugeot, Mitsubishi : les trois constructeurs ont collaboré pour créer une citadine électrique vendue par les trois marques sous les noms respectifs de C-Zéro, Ion et i-Miev. Les prix atteignent les 35 000 euros.
Smart devrait proposer une version électrique de sa micro-citadine d’ici 2012. Mais, si le grand public doit attendre, de nombreux modèles sont d’ores et déjà en test dans les grandes villes d’Europe et aux États-Unis.
Mini teste actuellement 50 Mini E auprès de particuliers et entreprises françaises pour 500 euros par mois.
Ford essaiera en 2011 une version électrifiée de la Focus et prévoie de commercialiser à terme cinq modèles électriques.
Tesla : la marque américaine propose en Europe, depuis plusieurs années, une gamme de véhicules sportifs électriques.
Fam, Venturi, Mega, Micro-Vett, GEM, Bi-Scot, Electric Car… sont autant de « petits » constructeurs qui proposent des voitures électriques, ou adaptent des modèles provenant des « grands constructeurs ». Leurs applications concernent soit un usage professionnel, soit des utilisations spécifiques, comme les voitures de golf par exemple.
Volkswagen : la version électrique de la Golf, la Blue-e-motion, devrait voir le jour d’ici 1 an.