BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Accord UE-Mexique

Vous avez dit « jour d’après »?

«Déléguer notre alimentation (…) à d'autres est une folie », avait estimé Emmanuel Macron mi-mars à l’aube du confinement, parlant de « rupture », de « jour d’après » avant de prolonger mi-avril en appelant à « rebâtir une indépendance agricole »… « Rien ne sera plus comme avant »… Vraiment ? Que penser alors de l’accord commercial avec le Mexique annoncé le 28 avril dernier par la Commission européenne… ?

Un nouvel accord de libre-échange après le (feu) TTIP, le CETA (dont le projet de ratification est bloqué au Parlement) prolongeant son entrée en vigueur provisoire…. Que peuvent réellement attendre les consommateurs de ce nouvel accord bouclé et négocié en toute opacité ?

 Cet accord entend réduire fortement ou exempter de droits de douane la quasi-totalité des biens échangés. Se traduira-t-il au moins par un gain de pouvoir d’achat ? Rien n’est moins sûr ! Les précédents accords nous ont appris à être méfiants. Pour ce qui est des avantages pour les consommateurs, ceux-ci sont bien hypothétiques là où les risques sont bien réels !

Les citoyens Français et Européens recherchent avant tout à bénéficier de garanties sanitaires, surtout en cette période de crise. L’Union européenne est réputée être l’une des régions les plus protectrices dans ce domaine. Toutefois, des voix s’élèvent, dont celle de l’interprofession française de l’élevage et de la viande, pour dénoncer les 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine qui pourront intégrer le marché européen, alors qu’elles ne respecteraient pas les exigences sanitaires requises. Ces affirmations posent la légitime question de la capacité de contrôle des États membres. Une étude réalisée il y a quelques mois, démontrait la réduction considérable, en Europe et plus particulièrement en France, des effectifs des services officiels de contrôle et les risques qu’elle comporte pour les consommateurs. À titre d’exemple, les services de contrôle français avaient relevé 17% d’infraction dans les lots de viande fraîche entrant sur notre territoire depuis les autres pays européens, 21% dans les produits laitiers et 25% dans les produits transformés à base de viande sur la période 2010-2011. Si le nombre et la qualité des contrôles sont alarmants au sein des États membres, qu’en est-il aux frontières européennes ? L’UE et les États ont-ils les moyens de leurs ambitions ?

Par ailleurs, les consommateurs doivent détenir les clés pour opter s’ils le souhaitent pour une consommation plus durable. Si certains désirent consommer européen, ils doivent bénéficier d’une information claire sur l’origine du produit. Dans le cadre de l’alimentation, nous appelons à une pérennisation de l’expérimentation de l’affichage de l’origine pour le lait et la viande dans les produits transformés. Cette obligation d’information mériterait également d’être étendue à d’autres catégories de produits. De la même manière, malgré les belles promesses selon lesquelles il n’encouragera pas les politiques « moins disantes », l’accord, qui entend démultiplier les échanges et les flux entre les deux continents, ne semble comprendre aucune mesure contraignante en matière d’environnement ou de préservation de la biodiversité… Ne semble car oui, à part quelques synthèses ou discours, cet accord, comme les autres, est entouré d’opacité… Sous la pression, un comité stratégique associant la société civile avait été mis en place par le gouvernement français pour le TTIP mais là, rien ni à l’échelon européen, ni à l’échelon français…

Prenant le Président de la République au mot, j’ose donc espérer qu’afin d’assurer notre souveraineté alimentaire et sanitaire, ainsi que la protection de notre environnement, la France va œuvrer à renforcer les garanties pour les consommateurs, ainsi que de la transparence, avant d’envisager toute ratification... Ce n’est sans doute qu’une question de jours… « d’après » !

 

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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