BILLET DE LA PRÉSIDENTE
Les coulisses des lobbys anti Nutri-Score

Ferrero à la manœuvre ?

La Commission européenne s’est engagée à présenter un logo nutritionnel obligatoire et harmonisé, afin d’aider les consommateurs à faire des choix alimentaires éclairés. Alors que celui-ci est attendu de pied ferme, notamment par l’UFC-Que Choisir qui souhaite voir adopté le Nutri-Score, il semble avoir disparu du calendrier bruxellois. Un simple oubli ? Rien n’est moins sûr ! D’après un article du Monde paru pendant la dernière trêve des confiseurs, la raison de ce report est à chercher du côté des lobbys anti Nutri-Score, au premier rang desquels se dissimulerait le géant italien Ferrero, père du fameux Nutella.

On assiste en effet à une véritable bataille diplomatique à l’initiative de l’Italie, où tous les coups semblent permis. C’est ce qu’a révélé l’enquête très documentée, menée par des journalistes du Monde sur les coulisses de ce lobbying qui réunit tous les ingrédients d’un bon roman : suspense, stratégies dissimulées, partenariats insoupçonnés et quelques menaces…

Si je devais résumer l’argument principal des opposants, je vous dirais que le Nutri-Score est une invention machiavélique pour nuire à la bonne gastronomie. À force d’être répété aussi bien par l’extrême droite italienne que par des petits producteurs italiens et français, cette affirmation commencerait à s’instiller dans les esprits bruxellois. S’il n’est pas simple d’identifier l’origine de cette ligne de défense, l’enquête nous apporte toutefois un éclairage intéressant en indiquant que « sous couvert de protéger le régime méditerranéen, Ferrero fait son lobbying sous la table ». Les journalistes évoquent « une convergence inattendue entre producteurs de junk food et coopératives de produits d’excellence ».

Les véritables enjeux de santé publique ne feraient pas le poids face aux intérêts économiques du secteur agro-industriel italien (qui représente 8 % du PIB national), tant et si bien que certaines voix dissonantes auraient été réduites au silence. Le professeur italien Walter Ricciardi, ancien président de l’Institut supérieur de santé publique, en aurait fait les frais en mars 2021, lorsque le simple fait d’avoir signé une pétition en faveur du Nutri-Score avec 300 autres collègues, lui aurait valu un flot d’appels à la démission.

Les lobbys, dont le plus visible “Must and Partners”, agissent également au cœur de la capitale européenne. Son fondateur italien, Luciano Stella, est à l’origine de la “No-Nutriscore Alliance” censée représenter les nombreux opposants au logo, citoyens comme scientifiques (dont l’identité reste inconnue en parcourant leur site). Alors qu’elle ne manque pas une occasion sur les réseaux sociaux d’illustrer son implication (aussi bien lors de réunions organisées par des parlementaires, que par la représentation permanente italienne à Bruxelles), l’Alliance ne déclare employer que 0,3 équivalent temps plein, n’avoir aucun membre accrédité auprès des institutions européennes, ni de budget…

La Commission européenne, tout comme les représentants des États ayant adopté le Nutri-Score, ne peuvent laisser ces détracteurs prendre possession du débat. Alors que 53 % de la population européenne est en surpoids, et que 22 % souffre d’obésité, j’appelle la Commission à tenir compte des très nombreuses études scientifiques favorables au Nutri-Score et à publier rapidement sa proposition pour remettre l’enjeu de santé publique au cœur des débats et ne pas céder à ces pratiques de l’ombre contraires à l’intérêt général.

Alain Bazot

Alain Bazot

Président de l'UFC-Que Choisir

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