Morgan Bourven
Les droits des passagers
Pour les voyageurs français, les droits des passagers des compagnies aériennes sont fixés par les conventions de Montréal et de Varsovie, ainsi que par le règlement européen 261/2004. Le cadre européen est plus protecteur que le droit international. Il prévoit une indemnisation en cas de retard, d’annulation ou de refus d’embarquement, ainsi qu’en cas de perte ou de retard des bagages. Les compagnies oublient parfois de prévenir les passagers de leurs droits : il est donc important de bien les connaître.
Annulation, retards, surbooking
Quelle réglementation ?
Pour les cas d’annulation, de surbooking et de retard, ce sera surtout le règlement européen qui jouera. Il s’applique aux vols dits « européens », c’est-à-dire ceux qui décollent d’un aéroport situé en Union européenne (UE), quelle que soit la compagnie, ou ceux qui décollent vers l’UE à partir d’un État non membre, à condition que la compagnie aérienne soit européenne. La réglementation s’applique même lorsque le vol comporte une escale en dehors de l’Union européenne. Dans le cas d’un voyage Paris-Bangkok avec escale à Doha, par exemple, la réglementation s’appliquera même si le retard est imputable au second vol (Doha-Bangkok). En cas de retard important, d’annulation ou de refus d’embarquement, l’indemnisation varie de 250 à 600 € en fonction de la distance. Certaines compagnies tablent sur une méconnaissance de leurs droits par les passagers et proposent un dédommagement plus faible : prudence !
Annulation de vol
En cas d’annulation de vol, le passager peut choisir entre :
- le remboursement de son billet ;
- le réacheminement par la compagnie vers sa destination dans les meilleurs délais.
Il peut aussi prétendre à une indemnisation forfaitaire explicitement prévue. Elle est de :
- 250 € pour les vols de moins de 1 500 km ;
- 400 € pour ceux compris entre 1 500 et 3 500 km ;
- 600 € au-delà.
Les compagnies peuvent s’exonérer de cette obligation si l’annulation du vol est due à une « circonstance extraordinaire ». Au fil du temps, cette notion de « circonstances extraordinaires » s’est révélée compliquée à cerner. Le texte européen ne les ayant pas précisées, elles ont été précisées à travers la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Un problème technique découlant de l’exercice normal de l’activité ou une panne moteur inopinée ne sont pas une circonstance extraordinaire. Une grève de la compagnie n’est pas une circonstance extraordinaire, mais celle d’un tiers (bagagistes, contrôleurs aériens…) l’est. La météo peut être une circonstance extraordinaire (éruption volcanique, tempête de neige…) mais les compagnies ont tendance à utiliser l’excuse du mauvais temps de manière abusive.
À noter. Les compagnies ne sont pas obligées de verser cette indemnisation dans les cas suivants :
- si l’annulation a été annoncée plus de deux semaines avant l'heure de départ prévue ;
- si l’annulation a été annoncée entre 14 et 7 jours avant le départ mais que la compagnie propose un réacheminement permettant de partir au plus tôt 2 h avant l'heure de départ prévue et d'atteindre la destination finale moins de 4 h après l'heure d'arrivée prévue ;
- si l’annulation a été annoncée moins de 7 jours avant le départ mais que la compagnie propose un réacheminement permettant de partir au plus tôt 1 h avant l'heure de départ prévue et d'atteindre la destination finale moins de 2 h après l'heure prévue d'arrivée.
Vol retardé
En cas de retard, les droits du passager diffèrent en fonction du délai d’attente.
Si le retard au départ est d’au moins 5 h, et si le passager renonce à son voyage, il est en droit de se faire rembourser son billet.
En cas de retard de 3 h ou plus de l’avion à son arrivée, le passager peut prétendre à une indemnisation de :
- 250 € pour les vols inférieurs à 1 500 km ;
- 400 € pour des vols compris entre 1 500 et 3 500 km ;
- 600 € pour des vols supérieurs à 3 500 km.
En plus de cela, la législation européenne oblige le transporteur à proposer des rafraîchissements et la possibilité de se restaurer en attendant le prochain vol, voire un hébergement si l’attente est d’au moins une nuit. Deux appels téléphoniques doivent aussi être proposés.
Vol surbooké
En cas de situation de surbooking (surréservation), la compagnie est d’abord obligée de faire appel au volontariat. Le passager volontaire a le choix entre :
- le remboursement de son billet ;
- le réacheminement par la compagnie vers sa destination dans les meilleurs délais.
Il peut aussi négocier une indemnisation avec la compagnie aérienne et des prestations supplémentaires (repas en cas de longue attente, hôtel, etc.). S’il n’y a pas de volontaire ou que leur nombre est insuffisant, la compagnie peut demander à des passagers de changer de vol. Dans cette situation, l’indemnisation est aussi obligatoire et ne souffre aucune exception. Les montants d’indemnisation sont identiques à ceux du retard et de l’annulation. Ils peuvent néanmoins être réduits de moitié si le passager arrive à destination avec moins de 2, 3 ou 4 h (en fonction de la distance) de retard par rapport à l’horaire du vol initialement prévu.
Refus d’embarquement
En cas de refus d’embarquement pour des raisons autres que le surbooking, les mêmes règles s’appliquent. Ces refus peuvent être dus au remplacement de l’appareil par un modèle plus petit, par un manque de personnel de bord, une urgence médicale nécessitant la réquisition de plusieurs sièges pour un passager, etc.
Distance : le vol d’oiseau fait foi
Seule la distance à vol d’oiseau entre les aéroports de départ et d’arrivée (et non le plan de vol) doit être prise en compte pour fixer l’indemnisation prévue par la législation, a jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt publié le 7 septembre 2017. Cela afin que les passagers faisant le même trajet obtiennent une indemnisation identique, qu’ils voyagent en vol direct ou avec une escale. Attention, les vols vers les départements d’outre-mer ne sont indemnisés qu’à hauteur de 400 €, car ils sont considérés comme des vols entre États membres de l’Union européenne, même s’ils sont à plus de 3 500 kilomètres de distance.
Indemnisation complémentaire
Au titre de la convention de Montréal (art. 19), le passager en retard peut réclamer une indemnisation complémentaire afin d’être pleinement indemnisé du préjudice occasionné (par exemple, perte de journées de travail). La convention de Montréal limite cette responsabilité à la somme de 4 500 « droits de tirage spéciaux » (environ 4 500 €) par passager. Préparez-vous donc à prouver et chiffrer votre préjudice. Attention, en cas de préjudice léger occasionné par un retard (par exemple : frais de taxi à l’arrivée, repas supplémentaires sur place, etc.), il n’est pas possible de demander d’indemnisation complémentaire : l’indemnisation prévue par la réglementation sert à couvrir ces frais.
5 ans pour agir
Le règlement européen n’indique pas de délai pour demander l’indemnisation, mais la Cour de cassation, dans deux arrêts distincts du 10 octobre 2019 (arrêts 18-20.490 et 18-20.491), a confirmé qu’il est de 5 ans. La Cour, dans ces arrêts, a donné tort à la compagnie Air France, qui estimait que le délai était de 2 ans.
Bon à savoir. La compagnie est tenue de vous indemniser en espèces ou par tout autre moyen de paiement (chèque, virement bancaire, etc.). Elle ne peut vous régler sous forme d’avoir ou de bon d’achat qu’avec votre accord écrit. Dans ce cas, négociez un petit extra !
Prise en charge d’un vol de remplacement
En cas d’annulation de vol, la réglementation prévoit que la compagnie aérienne doit donner au passager le choix entre le remboursement de son billet initial et un réacheminement dans les meilleurs délais vers sa destination finale. Mais que se passe-t-il si, faute d’avoir obtenu une proposition de nouveau vol, le passager décide de prendre les choses en main et d’acheter lui-même un billet auprès d’un autre transporteur ? Dans ce cas, la compagnie doit rembourser le billet initial et supporter les frais de réacheminement engagés par le passager pour rejoindre sa destination finale, en remboursant la différence tarifaire entre le billet initial et le nouveau billet acheté.
Perte ou retard de bagages
La plupart des États ayant désormais ratifié la convention de Montréal (elle remplace celle de Varsovie), c’est, par conséquent, elle qui joue le plus souvent en cas de perte, détérioration ou retard de bagages. L'indemnisation est limitée à un plafond qui dépend de l'origine de la compagnie aérienne.
- En cas de compagnie originaire de l’Union européenne, elle est de 1 220 € maximum.
- Pour une autre compagnie, elle est de 20 € par kilo de bagages. Si le montant des dommages est supérieur à ce plafond, le passager ne pourra prétendre à une indemnisation plus élevée que s’il a fait une « déclaration spéciale d’intérêt » avant le départ.
Pour un bagage endommagé, le délai pour agir est de 7 jours à compter de sa restitution.
Pour les retards, il est porté à 21 jours après la date de livraison initialement prévue.
Enfin, en toutes circonstances, le client peut agir en justice dans les 2 ans contre la compagnie aérienne qui a perdu, endommagé ou acheminé avec retard son bagage.
Bon à savoir. Il est conseillé de conserver tous les justificatifs de la valeur des bagages et les factures correspondant aux achats de première nécessité.
Faillite de la compagnie aérienne
Il n’existe pas de législation française ou européenne prévoyant des droits pour les passagers en cas de faillite de la compagnie aérienne.
Comme lors de la faillite de n’importe quelle société, la compagnie aérienne ne peut plus disposer de son argent, qui sera utilisé pour rembourser les créanciers. Or, les clients ne sont pas prioritaires : l’argent disponible est d’abord réquisitionné pour rembourser les créanciers prioritaires que sont les services fiscaux, les salariés ou les banques…
Bien que les chances de remboursement soient très minces, les consommateurs lésés peuvent déclarer leur créance auprès du liquidateur nommé par le tribunal. Lorsque la société se situe à l’étranger, il est possible de se tourner vers le Centre européen des consommateurs France (CEC) pour obtenir les coordonnées du liquidateur.
En cas de réservation avec une carte de crédit, il est possible de contacter sa banque pour faire opposition au paiement. Certaines cartes bancaires incluent des assurances : vérifiez si elles permettent le remboursement en cas de faillite.
Bon à savoir. Les assurances annulation vendues par les compagnies au moment d’acheter un billet couvrent le passager (en cas de maladie, de licenciement…) et non la compagnie : elles ne permettent donc pas de se faire rembourser en cas de faillite.
En cas d’une réservation de séjour à forfait (vol + hôtel), l’agence de voyage doit vous garantir un suivi en cas de faillite d’un prestataire et vous proposer une solution de remplacement. En cas de réservation unique d’un vol via une agence de voyage, celui-ci peut aussi être couvert par les assurances.