CONSEILS

CancerComment protéger ses ongles pendant les chimiothérapies

FM

par Fabienne Maleysson

Parmi la litanie d’effets indésirables potentiels dus aux traitements anticancéreux, ceux affectant les ongles, et plus largement les mains et les pieds. Les patients peuvent tenter de les prévenir en adoptant de bonnes habitudes. Mais parmi les informations délivrées sur Internet ou en magasin, l’influence du marketing se fait sentir. Le point sur les gestes utiles et les autres.

Décoloration, décollement voire chute : les traitements anticancéreux présentent divers risques pour les ongles. Ils sont essentiellement dus aux taxanes, molécules largement utilisées, notamment pour soigner les cancers du sein et de la prostate, mais peuvent survenir avec d’autres types de chimiothérapies ou avec des thérapies ciblées.

La prévention consiste d’abord à éviter les agressions : on choisit des chaussures confortables, pas trop serrées, et on protège ses mains avec des gants lorsqu’on sort dans le froid, ainsi que pour les tâches ménagères, le bricolage et le jardinage. On coupe ses ongles courts mais on laisse tranquille ses cuticules. L’hydratation revêt également une importance capitale : on applique une crème efficace sur les mains et les pieds. Sur les ongles eux-mêmes, sans oublier les cuticules, le beurre de karité, particulièrement riche en vitamine E, antioxydante, permettra d’éviter que la kératine, constituant principal de l’ongle, ne s’oxyde. Il faut le choisir brut (Ethiquable, Aroma-Zone ou Avril, notamment, en proposent) car la teneur en vitamine E s’amoindrit avec le raffinage. On peut aussi opter pour un produit raffiné mais enrichi en vitamine E. À titre d’exemple, L’Occitane affirme que le sien en contient 91 mg/kg, ce qui n’est pas négligeable.

Budget important

L’utilisation de vernis, elle, n’est pas unanimement recommandée. L’idée qu’il faut, dans le but de protéger les ongles, appliquer une base, deux couches de vernis, puis un top coat (couche de finition) est largement répandue, notamment dans les articles destinés aux patientes et les conseils prodigués en magasins spécialisés. Des recommandations auxquelles les marques de cosmétiques ne sont certainement pas étrangères… (1) Les suivre peut finir par représenter un budget important. La littérature scientifique, elle, est beaucoup plus réservée. Ainsi, dans une synthèse publiée en avril dernier, une équipe de dermatologues européens écrit : « L’utilisation de vernis devrait être limitée, en particulier celle de vernis semi-permanents. Les risques potentiels associés aux cosmétiques pour les ongles devraient toujours être pris en compte. » Même scepticisme en ce qui concerne les produits durcisseurs : « Ils devraient également être évalués avec soin car ils peuvent paradoxalement rendre les ongles cassants si leur usage est prolongé », écrivent les scientifiques. Vernis ou durcisseurs, le problème est qu’ils doivent être retirés périodiquement. Or, ajoutent les chercheurs, « les dissolvants sont des produits déshydratants ». Pour celles qui souhaitent se vernir les ongles pour des raisons esthétiques, ils conseillent notamment les produits à base d’hydroxypropyl et de chitosan (plusieurs marques en pharmacie) ou de silicium (Même ou Eyecare, par exemple).

« Quant à celles et ceux qui n’ont pas envie d’avoir les ongles colorés, une base suffit, de toute façon les couches supplémentaires ne sont pas en contact avec l’ongle, donc elles n’exercent pas d’action propre, indique Hédi Chabanol, podologue, responsable de l’Espace de soins et d’étude de la peau à l’Institut Curie à Paris. On peut même s’abstenir d’appliquer une base si on trouve cela trop contraignant et préférer masser les ongles quotidiennement avec du beurre de karité, cela sera tout aussi efficace. Il peut aussi être judicieux d’alterner : réserver une soirée par semaine où l’on retire le vernis et où l’on applique le beurre de karité. »

La couleur du vernis n’a pas d’incidence

Sans que l’on en connaisse les raisons, l’onycholyse (décollement de l’ongle) semble favorisée par l’exposition solaire. C’est, entre autres, sous ce prétexte que le conseil d’appliquer un vernis coloré est souvent prodigué. Pour la podologue, cet effet n’est en tout cas pas flagrant : « Je constate autant de problèmes sur les ongles des pieds maintenus dans des chaussures fermées que sur ceux des mains », assure-t-elle. Dans tous les cas, ce n’est pas une raison suffisante pour se vernir les pieds lorsqu’ils ne sont pas exposés au soleil ni les mains lorsque l'ensoleillement est limité, comme c'est le cas en général entre octobre et mars sous nos climats. Concernant la couleur du vernis, des chercheuses françaises ont analysé le niveau de protection contre les UV de 65 références et montré que ce n’est pas la nuance qui compte : quasiment tous les produits assurent un très haut niveau de protection et certains beiges rosés ou blancs font aussi bien que des marrons ou vert foncé. Même quelques bases incolores font barrière aux UV.

Pour retirer le vernis, une huile dissolvante est préférable car son pouvoir hydratant contrecarre l’effet agressif du dissolvant. On peut le faire le jour de son traitement afin de montrer ses ongles « au naturel » au médecin ou à l’infirmière, pour contrôle. Le fait qu’ils ne soient pas protégés au moment même de la perfusion ne revêt pas une importance capitale.

En revanche, il ne faut pas négliger de continuer l’hydratation après la fin des traitements. Car un ongle met un an à repousser entièrement ‒ jusqu’à 18 mois pour le gros orteil ‒ et s’il est fragilisé au départ, il peut ne pas repousser correctement.  

Comment prévenir le syndrome mains-pieds

Plus fréquent avec le traitement par capécitabine, utilisé dans le cadre de nombreux cancers, mais possible aussi avec les taxanes, le syndrome mains-pieds consiste en une inflammation des plantes des pieds et des paumes. « Un message important à faire passer est que ce syndrome ne se produit pas tout de suite donc il ne faut pas attendre de constater des symptômes mais jouer la prévention dès le début du traitement », avertit Hédi Chabanol. Là encore, l’hydratation est le maître mot. Les crèmes à base d’urée ont montré leur efficacité, au moins pour prévenir les formes sévères. D’autres crèmes réparatrices peuvent aussi être utilisées, notamment celles dont le nom contient le terme « cica » (Uriage, Bioderma, La Roche-Posay, Avène, etc.). Elles sont à appliquer quotidiennement jusqu’à la dernière chimiothérapie. « Si le syndrome est installé, pour augmenter l’efficacité, on peut recouvrir avec des gants jetables, et du film étirable pour les pieds, un jour sur deux, pendant une demi-heure maximum pour éviter la macération. Dans le cas où la peau est inflammatoire et la sensation de chaleur désagréable, la crème peut être mise au réfrigérateur. Et si l’on souffre de crevasses, on peut appliquer un stick à lèvres dessus après avoir hydraté la peau », poursuit la professionnelle. Si le syndrome est diagnostiqué, l’oncologue pourra prescrire des visites chez le podologue. Deux consultations, plafonnées à 30 €, sont remboursées par l’assurance maladie. 


(1) Dans le même ordre d’idée, la marque spécialisée Même propose sur son site un « diagnostic ongles » qui, même si on répond « non » à toutes les questions (je ne vis pas dans un environnement pollué, ne fais pas de travaux ménagers, n’ai pas de problème de sécheresse des mains, n’utilise pas de vernis semi-permanents, etc.) conclut « vos ongles sont soumis à des agressions quotidiennes » et incite à acheter des produits pour les contrecarrer.

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