Sophie Herbreteau
Qui peut faire du recouvrement amiable de créances ?
De nombreux professionnels peuvent intervenir dans le recouvrement amiable de créances. L’objectif est à chaque fois le même : faire pression pour que le consommateur paie spontanément sa dette sans avoir à passer par la voie judiciaire. Le règlement peut être exigé intégralement mais aussi faire l’objet d’un paiement échelonné lorsqu’il est accepté par le créancier. Il est important de bien identifier le professionnel qui vous réclame de l’argent afin de savoir notamment quelle réglementation est applicable. Il existe des sociétés spécialisées dans le recouvrement amiable de créances pour compte d’autrui dont l’activité est encadrée. Face à une demande de paiement, tentez de vous rappeler si vous devez de l’argent à ce professionnel et si vous avez pu laisser passer des lettres de relance. La facture fait souvent foi jusqu’à preuve du contraire.
Le professionnel créancier ou son service contentieux interne
Le professionnel à qui vous devez de l’argent, le créancier, utilise ses propres moyens pour se faire payer. Il recouvre sa créance pour son propre compte. Vous recevez, dans ce cas, des relances par courrier ou e-mail, voire par téléphone, de son propre service contentieux.
Ce qu’il faut savoir en cas de difficultés
Un service contentieux mis en place par une société dans le cadre de son organisation interne pour recouvrer ses propres créances est dépourvu de toute personnalité morale autonome. Il n'est pas soumis à la réglementation que doivent respecter les sociétés de recouvrement qui recouvrent pour le compte d'autrui (nécessité d’un mandat, mentions obligatoires sur la lettre de demande de paiement, etc.). En effet, il ne procède pas au recouvrement amiable des créances pour le compte d'une autre société mais bien pour son propre compte.
Quoi qu’il en soit, le professionnel ne doit pas abuser de son droit de recouvrer la somme en utilisant les mêmes pratiques contestables des sociétés de recouvrement (atteinte à la vie privée, confusion entretenue avec la profession d’huissier, etc.).
Après avoir saisi le service client, le médiateur de la société est compétent. Puis, vous pouvez saisir le tribunal judiciaire.
→ En cas de difficultés, n’hésitez pas à contacter votre association locale UFC-Que Choisir
→ Justice - Devant quel tribunal agir
Article 1353 du code civil.
Cour d'appel, Douai, 2e chambre, 1re section, 8 février 2018, n° 16/07329.
Une société de recouvrement amiable
La société qui recouvre pour le compte d’un autre professionnel (ex. : fournisseur d’énergie, opérateur de téléphonie, établissements financiers) est soumise à une réglementation particulière. Elle doit notamment détenir un mandat écrit de celui qui vous réclame de l’argent et ses courriers doivent comporter des mentions précises. Si vous acceptez de régler la somme à l’amiable, vérifiez qu’elle ne vous facture pas de frais supplémentaires. En effet, vous ne devez régler que les frais initialement prévus par le contrat.
Le rachat ou l’acquisition de créances
Les sociétés de recouvrement peuvent aussi pratiquer ce qu’on appelle le rachat ou l’acquisition de créances. La société rachète à un professionnel une dette et essaie ensuite d’en obtenir le paiement pour son propre compte. Il est donc inutile de chercher à contacter le créancier initial car celui-ci n’en est plus propriétaire. Inutile aussi d’invoquer la réglementation propre au recouvrement pour le compte d’autrui.
Vous avez pu consentir à cette cession de créance. Mais le plus souvent, vous en serez informé en recevant un courrier. La cession vous est d’ailleurs opposable à partir du moment où elle a été portée à votre connaissance par tous moyens, on parle alors de notification. Aucun texte ne régit le contenu ou la forme de la notification. Cette notification peut être faite par lettre recommandée ou acte d’huissier afin de faciliter la preuve. Mais elle pourra aussi découler d’une demande en paiement de celui qui a racheté la créance. En cas de doute, vous pouvez demander la preuve de l'existence de cette cession de créance. Attention, payer spontanément le nouveau créancier revient à prendre acte de cette cession et y consentir, même en l'absence de notification.
La cession comme la notification ne refont pas partir un nouveau délai de prescription. C’est bien le délai de prescription applicable à la créance initiale qui continue de s’appliquer.
Certaines sociétés de recouvrement rachètent d’anciennes dettes aux organismes de crédit et essaient ensuite par tout moyen de récupérer cet argent, y compris lorsque la dette est prescrite.
Articles R. 124-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution (recouvrement amiable pour le compte d’autrui).
Articles 1324 et s. du code civil (cession de créances).
Article 1353 du code civil.
Ce qu’il faut savoir en cas de difficultés
En cas de difficultés, une association locale UFC-Que Choisir peut vous épauler dans vos démarches.
Effectuez une première démarche auprès de la société, puis vous pourrez saisir le médiateur auquel la société adhère.
Sachez aussi qu’il existe des fédérations ou syndicats auprès desquels la société de recouvrement avec laquelle vous êtes en litige peut avoir adhéré. Ces organisations mettent en général en place des chartes qui ont valeur contraignante pour leurs sociétés adhérentes.
À titre d’exemple, la Fédération nationale de l'information d'entreprise et de la gestion de créances (Figec) regroupe de nombreux cabinets de recouvrement. Si vous avez un litige avec l’un des membres de la Figec, vous pouvez par l’intermédiaire d’un formulaire saisir leur commission de médiation.
Il existe aussi le Syndicat national des cabinets de recouvrement de créances (ANCR) et de renseignements commerciaux. Si vous avez un litige avec l’un de ses membres, vous pouvez saisir leur médiation.
→ Justice - Devant quel tribunal agir
→ Recouvrement de créances - Les points à vérifier sur un courrier de recouvrement de créances
Un huissier de justice
Un huissier de justice est un officier public ministériel. Il est chargé de faire exécuter les décisions de justice et de procéder au recouvrement forcé des créances (saisies sur compte bancaire, saisie sur mobiliers, saisie immobilière…). La loi l’autorise aussi à proposer des services de recouvrement amiable de créances pour compte d’autrui. Cette double casquette peut induire en erreur le débiteur sur la nature juridique du recouvrement (recouvrement forcé ou amiable). Si un huissier de justice vous adresse une demande de paiement, vous devez être en mesure de savoir à quel titre il intervient. Si vous avez un doute, n’hésitez pas à demander des précisions. Dans ce cas, en raison de son statut, l’huissier de justice n’est pas soumis aux mêmes règles que la société de recouvrement de créances. Pour autant, un huissier a, lors du recouvrement amiable, des pouvoirs limités tant qu’il n’est pas en possession d’un titre exécutoire (principalement un jugement).
Un huissier n’a pas besoin de mandat d’encaisser contrairement à la société de recouvrement. La remise des pièces à l’huissier vaut mandat d’encaisser. Il lui est interdit, comme à la société de recouvrement, de réclamer, en matière amiable, quelques frais que ce soit, à l’exclusion des frais prévus dans votre contrat avec le créancier.
Un huissier de justice envoie au stade du recouvrement amiable ce qu’on appelle une sommation (qui équivaut à une mise en demeure). Il s’agit d’un acte, en dehors d’une action en justice, qui donne ordre au débiteur de payer. Si vous devez les sommes mais rencontrez des difficultés temporaires, n’hésitez pas à solliciter un paiement échelonné.
Les sommes reçues par un huissier de justice doivent être reversées au créancier dans un délai maximum de trois semaines si le paiement est effectué en espèces, de six semaines dans les autres cas.
À noter. En cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la dette, un huissier peut, sans titre exécutoire et parfois sans l’autorisation d’un juge, procéder à une saisie conservatoire, par exemple, sur le compte bancaire du débiteur. C’est le cas dans l’hypothèse d’impayés de loyers d’un contrat de bail écrit mais aussi de chèques sans provision, d’impayés de pensions alimentaires. Il faut donc rester vigilant selon la nature de la dette.
Article 1 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers.
Article 18 du décret n° 56-222 du 29 février 1956 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice.
De même, en matière de recouvrement amiable de créances publiques (par exemple, une dette auprès d’un hôpital public, d’une collectivité territoriale), il existe un monopole au bénéfice des huissiers de justice. Les sociétés de recouvrement ne peuvent donc, quant à elles, y participer. On parle alors de « phase comminatoire amiable » menée par le comptable public en lien avec un huissier. Cette phase consiste en un certain nombre de démarches qui doivent conduire le débiteur à s’acquitter spontanément de sa dette (courriers, relances téléphoniques…). Dans ce cas, alors que nous sommes pourtant dans une phase amiable, le débiteur supporte des frais d’huissier. Ceux-ci sont dus directement auprès de l’huissier (et non au comptable) et sont proportionnels aux sommes recouvrées (12,55 % hors taxe des sommes recouvrées avec un plafond de 300 € hors taxe par dossier transmis). En l'absence de recouvrement pendant la phase comminatoire, l'huissier de justice n'est donc pas rémunéré.
Article 128 I. de la loi de finances rectificative n° 2004-1485 du 30 décembre 2004.
Arrêté du 11 juin 2008 fixant le taux de rémunération, proportionnel aux sommes recouvrées, des huissiers de justice en cas de recouvrement obtenu selon la procédure prévue au 7° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et à l'article 128-I de la loi de finances rectificative pour 2004.
L'Union nationale des huissiers de justice (UNHJ) a établi une charte éthique pour le recouvrement amiable dans un souci de moralisation des pratiques. Chaque étude qui adhère à cet organisme doit respecter ces engagements. Sur chaque correspondance doit alors figurer le logo « Charte éthique UNHJ ».
Le rachat de créances est, en revanche, une activité strictement interdite aux huissiers de justice.
Bon à savoir. Pour les créances inférieures à 5 000 €, les huissiers de justice peuvent également vous proposer une procédure simplifiée. En quoi cela consiste-t-il ? La procédure simplifiée de recouvrement amiable des petites créances permet au professionnel créancier d’obtenir un titre exécutoire, lorsque les conditions sont remplies, en s’adressant à un huissier de justice, sans avoir à saisir le tribunal. Concrètement, à la demande du créancier, l’huissier de justice vous enverra une lettre recommandée avec demande d’avis de réception vous invitant à participer à cette procédure. Lorsque l’huissier de justice reçoit l’accord du créancier et le vôtre, il délivre alors un titre exécutoire afin que le professionnel puisse procéder au recouvrement de sa créance, selon les modalités fixées d’un commun accord avec le débiteur. Si vous refusez de payer la dette, alors que vous avez accepté la procédure, un huissier de justice pourra procéder au recouvrement forcé de la créance par le biais de saisies, sans passer par le juge. Pour des raisons déontologiques, l’huissier de justice qui procède au recouvrement forcé ne peut pas être celui qui a mis en œuvre la procédure simplifiée de recouvrement amiable de créances. Cette procédure assez récente, puisqu’elle date de 2016, dont les huissiers ont l’exclusivité, est relativement peu utilisée.
Article R. 125-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
Ce qu’il faut savoir en cas de difficultés
Il est possible de saisir la chambre départementale des huissiers de justice dans le ressort de laquelle est établi l’huissier. Celle-ci a pour attribution d'examiner toute réclamation de la part de tiers contre les huissiers à l'occasion de l'exercice de leur profession. Elle est notamment compétente pour traiter les réclamations qui concernent la taxation des frais. Les études d'huissier de justice sont par ailleurs placées sous la surveillance du procureur de la République.
D’autres professionnels (syndics, avocats)
Les syndics
Les syndics procèdent aussi au recouvrement d’impayés. Le recouvrement des sommes impayées par les copropriétaires fait partie des pouvoirs propres du syndic. Ce dernier doit mettre personnellement en œuvre cette prérogative sans pouvoir la déléguer à un tiers comme à une société de recouvrement. L'autorisation que donnerait l'assemblée générale ne légaliserait pas cette pratique.
Article 18 de la loi n° 65-557, 10 juill. 1965 - Rép. min. n° 79285 : JOAN Q, 15 sept. 2015, p. 7051.
Les avocats
Un professionnel peut s'adresser à un avocat pour engager une procédure de recouvrement devant le juge. Au titre de ses fonctions d'assistance préalablement à un procès, l'avocat peut demander au débiteur paiement des sommes dues. Il adresse alors une mise en demeure préalable avant d’engager un procès.
Article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Ce qu’il faut savoir en cas de difficultés
Un avocat n’est pas soumis aux mêmes règles que la société de recouvrement de créances. Si vous ne payez pas la somme demandée, vous risquez que le créancier mandate l’avocat pour entamer la procédure. En cas d’abus, vous pouvez contacter l’ordre des avocats.