ENQUÊTE
Compteur Linky

Des ratés... et beaucoup d’interrogations

21 millions de compteurs Linky sont déjà posés, soit 60 % du parc total et pourtant, la polémique ne faiblit pas. Outre les militants anti-Linky qui saisissent un peu partout les tribunaux, les usagers se posent toujours autant de questions. Entre refus du compteur, danger des ondes, intrusion dans la vie privée, surconsommations d’électricité, risque d’incendie, ce nouveau dossier y répond. Et deux ans après la première enquête sur le compteur Linky, Que Choisir a fait réaliser un sondage auprès d’un échantillon représentatif de la population équipée. Les motifs d’insatisfaction sont nombreux, les dysfonctionnements et les problèmes d’installation persistent.

L’avalanche d’e-mails, de courriers et d’appels qui déferle toujours chez Que Choisir en témoigne. Linky suscite autant d’interrogations qu’au début de son déploiement. Que 60 % des compteurs soient à présent posés n’y change rien. Alors, deux ans après notre première enquête sur ce compteur, il nous a semblé indispensable de faire le point. D’une part, pour répondre à vos questions (sur le refus du compteur, le danger des ondes électromagnétiques qu’il génère, l’intrusion dans la vie privée, les surconsommations d’électricité et le risque d’incendie). D’autre part, pour savoir si le nombre de dysfonctionnements qui apparaissaient juste après sa pose restait d’actualité.

Enquête maison et sondage indépendant

Pour se faire une idée précise de la situation, nous avons inséré, fin mai 2019, un questionnaire dans la newsletter hebdomadaire de Que Choisir. Au total, 5 230 consommateurs équipés d’un compteur Linky y ont répondu, preuve d’un vif intérêt. En 2017, notre panel de participants (déjà recrutés via cette newsletter) avait été jugé trop lié à Que Choisir pour être fiable. Alors, cette fois, en parallèle de notre étude, nous avons commandé un sondage auprès d’un échantillon représentatif de la population de 1 200 personnes, constitué selon la méthode incontestable des quotas. Aucun groupe ayant des lectures ou des centres d’intérêt communs, aucune génération, aucune catégorie socioprofessionnelle n’y est donc sur ou sous-représentée.

Bilan : les résultats de notre questionnaire et ceux du sondage convergent. Enedis devra donc rechercher d’autres arguments pour contester nos critiques. Les motifs d’insatisfaction sont identiques, les ennuis mentionnés, également. Poses mal réalisées, coffrages qui ne ferment plus alors qu’Enedis fournit aux installateurs des supports spéciaux pour compenser la surépaisseur de Linky, coupures de connexion sur les box Internet, installations qui disjonctent, chauffe-eau électriques ne fonctionnant plus pendant les heures creuses, appareils en panne… Sur ces anomalies, relevées aussi bien par les usagers sondés que par les abonnés à notre newsletter, nous avions déjà épinglé Enedis en 2017. Or elles persistent, même s’il s’en produit un peu moins.

Réalisé entre le 23 et le 31 mai 2019 sur un échantillon représentatif (constitué selon la méthode des quotas) comptant 1 200 personnes équipées d’un compteur Linky.

Mauvais branchements, confusion de fils…

En cause, la formation des installateurs, trop lacunaire. Dès que l’on quitte l’abonnement de base, on entre dans un festival d’incompétences. Le taux de problèmes consécutifs à la pose du compteur est de 20 % pour les abonnés en option heures pleines/heures creuses, 27 % en triphasé et même 35 % en offre Tempo ! Le rythme de travail des sous-traitants d’Enedis ­n’arrange pas la situation. Pour toucher une prime, ils doivent installer plus de 10 compteurs par jour. Alors, ils se dépêchent, confondent parfois les fils, les rebranchent mal, font un mauvais serrage, oublient le fil pilote… À leur décharge, ils ne sont pas électriciens. Le job est trop peu payé pour ces derniers. Enfin, comme il faut faire vite, ils ne s’embarrassent pas de politesses ; le compteur accessible est parfois changé sans même que les particuliers soient prévenus ! Ainsi, 35 % des ménages sont absents lors de sa pose, révèle notre sondage.

Pourtant, les propres experts d’Enedis nous le certifiaient il y a deux ans : « Une coupure de courant abrupte peut faire flancher des matériels ou compliquer leur réinitialisation. Nous conseillons d’éteindre tous les équipements, en particulier les box, les ordinateurs et les téléviseurs. S’ils restent branchés, il peut y avoir des perturbations à la remise sous tension. » Les appareils les plus anciens et ceux possédant des composants électroniques sensibles sont bien sûr les plus vulnérables.

La sévérité du Médiateur

Le Médiateur national de l’énergie a publié des recommandations sévères à l’encontre d’Enedis. « Nul n’ignore qu’une coupure brutale suivie d’une remise en marche puisse avoir des effets sur le fonctionnement de certains matériels, assène-t-il. Une information préalable sur l’intervention et la coupure qui s’ensuit est indispensable pour donner au consommateur la possibilité de se prémunir de tout risque d’incident en débranchant les appareils sensibles. » Or, Enedis se permet d’écrire aux usagers que « leur présence n’est pas obligatoire », sans que les autorités réagissent ! La Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’a pas prévu de lui infliger des pénalités pour les dégâts causés, le Parlement et les gouvernements successifs, non plus. Si bien qu’obtenir le passage d’un technicien Enedis pour corriger un mauvais branchement effectué par l’installateur exige une belle ténacité. Et se faire indemniser pour des cartes électroniques à remplacer dans les appareils, des moteurs de volets roulants à changer ou des contenus de congélateur avariés relève même du tour de force. « Dès que nous recevons une réclamation, nous la traitons rapidement, certifie néanmoins Jean-François Finck, responsable de la communication du programme compteur Linky chez ­Enedis. Si c’est lié à notre intervention, un technicien revient chez le client, ou nous l’indemnisons, selon les cas. »

Ce propos détonne tant il paraît aux antipodes de la réalité vécue par les consommateurs. Cependant, Enedis n’est pas le seul fautif. D’après notre sondage, 83 % des usagers rencontrant un problème ne sollicitent pas le gestionnaire de réseau (lire l’encadré ci-dessous). Une grave erreur, puisque la pose du compteur est de sa seule responsabilité. Nous leur conseillons donc de le joindre par téléphone et de lui envoyer un courrier recommandé avec accusé de réception pour tout dommage consécutif à l’installation de Linky. Puis de saisir l’association locale UFC-Que Choisir la plus proche si Enedis n’intervient pas.

EDF ou Enedis ?

Personne n’y comprend rien…

La confusion continue de régner plus de dix ans après l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie. En cas de problème, la plupart des clients appellent d’abord EDF, qui leur demande de contacter Enedis qui, à son tour, se débarrasse d’eux en leur enjoignant de se tourner vers leur fournisseur, EDF ou autre. Tout ce petit monde se renvoie la balle.

À qui s’adresser ?

L’opérateur historique ne joue plus qu’un rôle de fournisseur, comme ses concurrents, et gère la facturation et le paiement. À moins d’habiter sur les 5 % du territoire desservis par une entreprise locale de distribution, le compteur relève bien de sa filiale Enedis. Pourtant, d’après notre sondage, seuls 17 % des usagers ayant un problème avec Linky pensent à solliciter Enedis. Voilà donc un réflexe à acquérir. 

Élisabeth Chesnais

Élisabeth Chesnais

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