ENQUÊTE
Pompes funèbres

Contrats obsèques : Prévoir sans se faire avoir

Une progression à deux chiffres, des millions de contrats obsèques souscrits. Ce qu’il faut savoir pour éviter les désillusions.

Le marché des contrats ­obsèques augmente de 10 % par an. Sur le ­premier semestre 2011, environ 220 000 nouveaux contrats ont été signés, portant le nombre de Français couverts à 3 millions. « 10 % des décès sont aujourd’hui préfinancés, chiffre qui atteindra 40 % en 2025 », ­prévoit Philippe Martineau, directeur du réseau Le Choix funéraire. La Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA) a sorti sa calculette : le cap du milliard d’euros de cotisations annuelles vient d’être franchi. Les contrats obsèques sont ­devenus une manne. D’abord apanage des pompes funèbres, elle s’est élargie. « En 2003, le Crédit lyonnais, devenu LCL, est arrivé sur le marché, se souvient Philippe Martineau. Ils ont ­engrangé 30 000 contrats en quelques mois. » Aujourd’hui, les banques-assurances ­représentent la moitié d’un marché opaque. Assurance décès, contrat obsèques ou ­testament prévoyance, les ­intitulés sont déclinables à l’infini – simple emballage qui cache en fait deux types de contrats très différents.

Le contrat en capital

Le discours des acteurs de la prévoyance est unanime : les Français veulent éviter de faire peser la facture de leurs obsèques sur leurs enfants. Le contrat en capital peut donc être une réponse : il permet de bloquer une somme (en un seul versement ou sur plusieurs années) dédiée à leur financement. Au décès de l’assuré, ce capital (3 730 € en moyenne en 2009, selon la FFSA) est versé au bénéficiaire désigné. Libre à lui d’organiser les obsèques comme il l’entend… Les opérateurs voyaient d’un mauvais œil ce type de contrats, qui ne prévoient aucune prestation d’obsèques. « Ce ne sont pas des contrats ­obsèques, les banques et les ­assurances gardent cette ­dénomination parce que cela les arrange », dénonce Philippe Martineau. La position d’OGF, leader français des pompes ­funèbres (PFG, Roblot…), est plus pragmatique : « Il y a quelques années, nous avions retiré de notre offre les contrats en capital pour finalement les réintégrer car tout le monde les propose », confie Didier Rolland, directeur des ventes. Pour ­Olivier Sentis, président d’Auxia, intervenant majeur du secteur avec plus de 736 000 contrats en gestion, « leur nom est adapté, leur objectif restant bien de financer les obsèques ». Un simple livret d’épargne, avec seulement des frais en plus ? « Non, ils ont une valeur ajoutée : rapatriement du corps, service d’information pré et post-­obsèques… Auxia ne fait pas de différence entre les deux ­formules. Les personnes de 60 ans préfèrent seulement financer les obsèques, les plus âgés voudront vraiment tout organiser. » Au demeurant, même dans les contrats en capital, on peut ­signaler ses volontés essentielles (crémation ou inhumation, cérémonie civile ou religieuse…). Et elles devront être appliquées si elles sont connues. Le législateur, pour éviter les dérives, a réglementé ces contrats. Depuis la loi du 26 juillet 2013, il est expressément prévu dans les contrats en capital que le bénéficiaire doit utiliser le capital pour financer les obsèques.

Le contrat en prestations

Aujourd’hui, le contrat en capital représente 75 % du ­marché de la prévoyance. Il progresse de 10 à 15 % par an, contre 5 à 10 % pour le contrat en prestations. Ce dernier, le seul qui organise réellement les funérailles, ne représente qu’un quart des ventes. Contrairement au contrat en capital, il commence par l’élaboration d’un devis. Du capiton au caveau, il permet de tout organiser comme on le souhaite. La facture totale est ensuite réglée à un assureur adossé à l’entreprise de pompes funèbres, en une seule fois ou en plusieurs versements.

Le législateur a pris des dispositions pour protéger le souscripteur en imposant que le contrat soit assorti d’un dispositif détaillé des prestations et non plus présenté sous forme de prestations standardisées. Au moment du décès, le devis ­devra être respecté à la lettre et la famille n’aura rien à payer. Si les coûts ont augmenté entre-temps, elle pourra être amenée à régler la différence, mais de plus en plus d’opérateurs s’engagent à ne pas demander de surcoût. En 2004, les contrats en prestations représentaient 40 % du marché. Depuis, leur part a fortement baissé après l’adoption de la loi Sueur, qui a réglementé le secteur. « Le législateur a voulu favoriser la prestation, mais c’est l’inverse qui a eu lieu », constate Sylvie Gautherin, sous-directeur ­juridique à la FFSA. Le texte prévoit notamment que les ­intérêts produits par le capital placé du contrat obsèques sont toujours supérieurs au coût de l’inflation – pour éviter de ­demander à la famille un supplément. De plus, dans le cas où le montant du capital et des intérêts produits est supérieur aux frais d’obsèques, le surplus devra être versé aux héritiers. Enfin, les prestations inscrites au descriptif et qui n’auraient pas été réalisées au moment des obsèques devront être remboursées au bénéficiaire.

Le souscripteur peut également changer les prestations et de prestataire à tout moment. Les souscripteurs ne sont donc plus « captifs ». Autant de contraintes pour les organismes de prévoyance, qui ont tendance à diriger les clients vers des contrats en capital.

En une fois ou en viager ?

Reste la question du financement. « Pendant des années, mes versements ne m’ont pas rapporté un seul centime », écrit à Que Choisir Madeleine C., une habitante de Haute-Garonne. « N’est-ce pas une sorte ­d’arnaque ? », demande pour sa part André B., de Nice. Il a versé 2 634 € sur dix ans, pour un capital garanti de 1 524 €. Il faut dire que les contrats en viager – avec un paiement minime mais jusqu’à la mort – représentent près de la moitié des paiements (seul un quart des souscripteurs verse tout le capital en une fois). Or, il s’agit de prévoyance (pas d’un livret A !) et les cotisations acquittées sont des primes d’assurance. Ainsi, avec le viager, si l’on meurt après une seule mensualité, l’assureur paiera la différence… qu’il récupérera sur les cotisations des assurés qui vivent plus longtemps. Il est donc conseillé d’éviter cette formule qui peut conduire à payer plus que le montant du capital. « Les cotisations contiennent cette part de mutualisation, de même que des charges, détaille Olivier Sentis. Il est toujours plus avantageux de constituer son capital en un nombre limité d’échéances, quand on en a les moyens. » Payer 15 € par mois jusqu’à sa mort – que l’on ­espère lointaine ! – peut en effet coûter plus cher que de verser 3 000 € d’un coup…

Comment bien souscrire

– Capital ou prestations ? Pour l’organisation des obsèques, préférez le second contrat. Celui en capital ne sert qu’au financement. Vérifiez qu’il existe une clause qui prévoit le versement du solde du capital au bénéficiaire dans le cas où les frais des obsèques seraient inférieurs au montant facturé par l’opérateur funéraire.

– Demandez des devis. Même après la signature du contrat, on peut changer de prestataire funéraire à tout moment.

– Recherchez la précision. Ne vous contentez pas d’un nom de cercueil, mais demandez-en les caractéristiques. Depuis la loi du 26 juillet 2013, les prestations doivent être détaillées et personnalisées. Relevez le caractère optionnel de certaines prestations.

– Ne versez pas d’argent au ­prestataire funéraire. Les contrats doivent passer par une compagnie d’assurances. En Charente, un gérant de pompes funèbres a escroqué des dizaines de clients en empochant les chèques.

– Méfiez-vous des exclusions. Vérifiez que certains types de décès (accidents de moto, etc.) ne sont pas exclus, et assurez-vous qu’il n’y a pas de délai de carence : si vous décédez ­pendant ce laps de temps, ­l’assureur n’aura rien à verser. Pas de questionnaire santé : les contrats sont ouverts à tous.

– Demandez un relevé annuel des cotisations versées.

– Évitez le viager. À terme, il peut coûter cher.

– Prévenez vos proches que vous avez souscrit un contrat.

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