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Accessibilité des commerces

Démarchage sauvage

Les commerces, hôtels, restaurants, cabinets libéraux, doivent s’engager dans une démarche de mise en conformité afin d’être accessibles aux personnes handicapées. Certaines sociétés pratiquent un démarchage agressif et laissent planer la menace d’une forte amende pour vendre des prestations présentées à tort comme obligatoires. 

Les alertes se suivent et se ressemblent. Mi-janvier, une fleuriste de Saint-Denis (93) alertait la chargée de mission handicap de sa ville après avoir été démarchée par une société prétextant une circulaire (inexistante) du 6 janvier 2016 sur l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) pour l’accompagner dans ses diagnostics et travaux, sous peine de sanctions.

Le 18 janvier, c’est l’Ordre des dentistes qui mettait en garde les praticiens contre « certaines sociétés commerciales se présentant aux praticiens comme étant un passage obligé pour l’évaluation de l’accessibilité ». Puis c’était au tour de la chambre des métiers et de l’artisanat de la Vienne, à la fin du mois, de mettre en garde contre ce démarchage « qui aboutit au paiement d’une prestation de plusieurs centaines d’euros ».

« Ce sujet est remonté à la délégation ministérielle à l’accessibilité (DMA) », confirme Alain Tricon, directeur de la division accessibilité du bureau d’études et de conseil A2CH (groupe Acceo). Le cabinet, qui accompagne notamment le groupe Casino dans sa démarche de mise en conformité, a eu vent « de plusieurs petits commerçants et de grands magasins » ayant reçu des messages commerciaux « assez agressifs » leur enjoignant de « se mettre en conformité » pour éviter une forte amende. « C’est du marketing de la terreur », dénonce ce professionnel.

Pour rappel, la loi handicap du 11 février 2005 avait donné 10 ans aux établissements recevant du public (ERP) pour se rendre accessibles aux personnes handicapées. Face à des délais jugés « intenables », le gouvernement avait annoncé en février 2014 la mise en place d'agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP) pour que les acteurs non encore en conformité programment des travaux. Ces agendas, qui permettaient d’obtenir un délai pour la mise en conformité (de 3 à 9 ans, en fonction du type d'ERP), devaient être déposés en préfecture avant le 27 septembre 2015.

Malgré ce délai, un très grand nombre d’ERP ne sont toujours pas engagés dans la démarche. Face à ce retard important, les préfectures ont reçu pour consigne de continuer à instruire tous les dossiers qui leur sont déposés. Un décret prévu pour la fin du premier trimestre 2016 définira les modalités de sanctions infligées à ceux qui n’auront toujours pas déposé leur Ad’AP.

Une seule obligation : l’Ad’AP

Contrairement à ce que laissent  entendre certains démarcheurs peu scrupuleux, il n’y a pas d’obligation pour les ERP de faire réaliser un diagnostic d’accessibilité par une société spécialisée. Seul le dépôt d’un Ad’AP est obligatoire, et celui-ci peut tout à fait être réalisé par le commerçant ou le professionnel libéral. Pour les aider, « le ministère a mis en place un outil d’autodiagnostic très bien fait, très pédagogique », souligne Alain Tricon (1).

Il précise que produire un Ad’Ap tout seul « peut devenir compliqué », surtout pour les professionnels (commerçants ou artisans) peu habitués à ce type de démarche, qui s’apparente à une autorisation de travaux. Pour autant, c’est possible. Et la phase de diagnostic peut se faire « sans passer par un professionnel, encore moins un professionnel qui fait du rentre-dedans », insiste Alain Tricon.

Parmi ces démarcheurs, la société Diagnostic Accessibilité (voir encadré ci-dessous) a attiré l’attention du Perifem, l’Association technique du commerce et de la distribution. Elle a mis en garde ses adhérents contre une démarche commerciale pouvant « mettre dans le doute certains magasins ».

Elle adresse notamment des fax surtitrés « Déclaration obligatoire d’accessibilité » et ayant pour objet « Obligation réglementaire relative à votre établissement ». La société y écrit, avec un ton officiel : « Votre établissement n’apparaît pas dans la liste des ERP entrés dans la démarche d’Ad’AP ou ayant fourni une attestation auprès de votre préfecture. (…) Nous vous invitons dès à présent à vous mettre en conformité. » S’en suit les coordonnées de l’entreprise.

Outre les petits commerçants, « ils envoient ce message à n’importe qui », relève le responsable accessibilité d’un grand groupe de distribution. Ses magasins ont ainsi été sollicités à titre individuel bien que l’enseigne se soit engagée dans la démarche Ad’AP au niveau national.

En cas de doute ou d’interrogation, Alain Tricon recommande aux exploitants d’ERP de se tourner vers leur syndicat professionnel, leur chambre des métiers ou leur chambre de commerce. Beaucoup ont mis en place un accompagnement à la mise en conformité sur l’accessibilité ou ont négocié des tarifs préférentiels avec des sociétés de conseil, indique-t-il.

Exemple de fax envoyé par la société Diagnostic Accessibilité

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(1) http://www.accessibilite.gouv.fr/index.html

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