par Marie Bourdellès
ArnaqueDe faux primeurs ambulants à l’assaut des particuliers

Sonnant à votre porte, des pseudo-maraîchers parviennent à vous vendre des quantités hors norme de fruits et légumes, à un prix exorbitant : cette escroquerie n’est pas nouvelle mais continue de sévir. Les témoignages des consommateurs en attestent.
« Une fourgonnette m’a vendu des oranges sanguines (5 kg) et des oignons (7,8 kg) pour 120 €. J’ai 80 ans, j’ai réalisé trop tard que c’était une escroquerie. » Les témoignages déroulent tous des scénarios semblables. Deux ou trois personnes toquent à votre porte. Ils se présentent comme des producteurs et vous proposent leurs produits prétendument bios, locaux, direct producteur ou encore issus de la permaculture… Ces marchands ambulants censément venus, le plus souvent, de Normandie ou de Bretagne, vous invitent à saisir cette opportunité. Ils vous convainquent d’acheter de grandes quantités, vous assurant que ces variétés se conservent particulièrement longtemps. Les prix au kilo de leurs denrées, non affichés et débités rapidement pendant leur discours de vente, s’élèvent au-dessus des tarifs généralement pratiqués. Mais surtout, les doses faramineuses achetées par les clients, bien souvent augmentées par ces pseudo-producteurs au moment du dépôt, font très vite grimper la facture. Généralement de plusieurs centaines d’euros, certaines additions peuvent même dépasser 1 000 € ! Une fois la vente lancée, et surtout les cageots entreposés chez eux avec empressement, les clients n’osent plus se rétracter et s’acquittent du paiement, à contrecœur.
Aucune garantie sur la qualité
Or, rien ne garantit ni la qualité des produits ni le poids réel de la marchandise vendue. Ces pseudo-primeurs contreviennent à leurs obligations d’affichage non seulement des prix mais aussi de la variété, de l’origine ou encore, si cela existe, de sa catégorie de qualité et de son calibre (arrêté du 3 août 1994 relatif à l’information du consommateur sur les prix des fruits et légumes). Madame D., adhérente à l’UFC-Que Choisir vivant dans le Maine-et-Loire, a acheté avec son mari 100 kg de pommes de terre, 128 kg de pommes, 45 kg de carottes et 34 kg d’oranges. Elle analyse les ficelles de cette supercherie : « Débit de parole rapide, mensonges, déchargement express des marchandises à l’intérieur de notre garage, encaissement par carte bancaire le jour même… Nous avons été dépassés par ces pratiques commerciales trompeuses et avons payé une facture mirobolante de 1 143,80 €. »

La surconsommation comme appât
Cette fois, on ne peut pas dire que les vendeurs vous fassent miroiter quelque chose dont vous ne verrez jamais la couleur. Au contraire, ces marchands malhonnêtes incitent à consommer bien plus que ce dont vous avez besoin et surchargent votre garage de denrées. Ils ciblent en priorité les personnes âgées ou isolées. Les victimes indiquent toutes l’absence d’affichage des prix et témoignent d’arguments fallacieux, qui varient d’une histoire à l’autre. Notamment, ces soi-disant maraîchers prétendent provenir de Normandie ou de Bretagne et pratiquer une agriculture bio, locale ou encore issue de la permaculture. Dans le meilleur des scénarios, certaines de ces entreprises existent bel et bien, et contacter le professionnel après coup reste donc possible. Mais même dans ce cas, ces établissements sont loin de couvrir une activité locale ou encore bio comme annoncé. « Les Terroirs de la table est en fait un grossiste. On ne connaît donc pas la provenance des produits, certains semblant pourrir très rapidement, contrairement aux discours rassurants de ces faux agriculteurs », relate l’une des personnes piégées, qui habite dans le Val-d’Oise et a eu affaire à un soi-disant producteur de Normandie. Petite victoire, la société lui a concédé un geste commercial de 53 € sur les 267,50 € déboursés. Mais un tel dédommagement reste rare. Dans l’Oise, monsieur H. tient un récit similaire, à propos de l’entreprise Fruits et légumes Collet. Il résume : « Ils m’ont proposé des produits alimentaires (pommes de terre, échalions, pommes) sans aucune traçabilité ni indication d’origine. […] Rien n’a été pesé devant moi. La facture est manuscrite, illisible et indique des prix et poids invérifiables. » Dans ces conditions, difficile de savoir ce qui atterrit réellement dans notre assiette !

Vente hors établissement, on fait le point
Ces escroqueries constituent des pratiques commerciales trompeuses voire agressives (fausses allégations ou mentions d’origine, l’interlocuteur ment sur sa profession, pas d’étiquetage…), soit un délit passible de deux ans de prison et 300 000 euros d’amende.
De plus, réclamer le paiement le jour même de la commande s’avère dans ce cas de figure illégal. Il s’agit d’une vente dite « hors établissement ». Pour les denrées alimentaires, le délai de rétractation de 14 jours ne s’applique pas. En revanche, le Code de la consommation dispose qu’à compter de la conclusion du contrat, le professionnel n’a pas le droit de recevoir le paiement avant un délai de 7 jours, qu’il livre la marchandise ou non au moment de l’accord. Réclamer le paiement immédiat comme le font ces vendeurs est donc interdit. À noter que la violation de cette règle d’ordre public entraîne la nullité du contrat. Et le professionnel encourt jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Notre conseil Avant tout engagement auprès d’un vendeur ambulant, vérifiez l’identité du professionnel, demandez un devis et refusez le paiement le jour même.
Marie Bourdellès