par Laure Dasinières
Compléments alimentairesAttention aux pilules « anti-TDAH »

Portés par la médiatisation croissante du trouble du déficit de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH), les fabricants de compléments alimentaires investissent un marché en forte demande. Mais leurs produits n’ont pas fait la preuve de leur efficacité, et certains pourraient même s’avérer dangereux.
En résumé
- Les compléments alimentaires présentés comme des solutions pour le TDAH n'ont pas démontré leur efficacité. Contrairement aux médicaments, ils n'ont pas l'obligation de prouver leur action avant d'être mis sur le marché.
- Certains de ces produits peuvent se révéler dangereux. Certains ingrédients peuvent devenir toxiques à fortes doses, provoquer des effets secondaires ou interagir avec des traitements médicamenteux.
- Face à la complexité du TDAH, le recours exclusif aux compléments alimentaires, sans suivi médical et psychologique, retarde une prise en charge médicale efficace.
Ils s’appellent Brainzyme, Zenkids, Hyperkid, ou encore Safran B6. Depuis quelques années, ces compléments alimentaires se multiplient, promus activement en ligne, sur les réseaux sociaux et parfois en pharmacie. Ils affirment atténuer naturellement les manifestations du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), chez l’enfant comme chez l’adulte : difficultés de concentration, impulsivité, troubles de la mémoire… Certains se présentent même comme des alternatives à la Ritaline, médicament à base de méthylphénidate, couramment prescrit.
Leur succès s’explique : le diagnostic du TDAH est souvent chaotique, les approches psychothérapeutiques sont longues et coûteuses, et les patients font face à des ruptures d’approvisionnement des médicaments depuis un an et demi. Face à ces difficultés, les personnes concernées, parents ou adultes, peuvent être tentées par des solutions sans ordonnance, perçues comme rapides et sans effets secondaires. Mais prudence : les preuves d’efficacité sont absentes, et les risques d’effets secondaires bien réels.

Le cas du safran
Parmi les produits en vogue, ceux à base de safran connaissent un fort engouement. Proposés par Mium Lab, Naali ou encore Terravita, ils s’appuient principalement sur une étude publiée en 2019 et souffrant de nombreuses limites méthodologiques. À ce jour, la communauté scientifique s’accorde à dire qu’aucune preuve d’efficacité du safran n’existe dans la prise en charge du TDAH. Et pour cause : les compléments alimentaires, contrairement aux médicaments, n’ont pas à faire la preuve de leur efficacité avant d’être mis sur le marché !
Autre point de vigilance : si le safran ne semble pas provoquer d’effets indésirables aux doses recommandées, il peut devenir toxique à fortes doses, tout comme la vitamine B9 avec laquelle il est parfois associé. D’autant plus problématique que le format gummies (gommes à mâcher) sous lequel il est souvent commercialisé peut entraîner une confusion avec de simples bonbons. Enfin, cette vitamine peut aussi interagir avec certains traitements antiépileptiques.

Le safran et la vitamine B9 ne sont pas les seuls ingrédients mis en avant. Les fabricants rivalisent d’inventivité avec des formulations complexes, à l’image des produits Brainzyme, qui affichent de longues listes de vitamines, extraits de plantes et minéraux. Aucun de ces composants, pris isolément ou en combinaison, n’a démontré d’efficacité claire contre le TDAH. Contactée, la marque nous a renvoyés vers des avis positifs d’utilisateurs et rappelé sa conformité réglementaire au Royaume-Uni et dans l’Union européenne.
Des composants à risque
Mais cette conformité ne garantit pas l’innocuité. Certains ingrédients posent question. Le ginkgo biloba, par exemple, est déconseillé aux moins de 18 ans, et peut entraîner des maux de tête, troubles digestifs, et interagir avec des traitements (antiépileptiques, antidiabétiques). D’autres composants sont également problématiques. Le maca (une plante de la famille du radis, parfois appelée ginseng andin) n’a pas démontré son innocuité, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et de la santé (Anses). Le ginseng peut provoquer nervosité, troubles du sommeil, diarrhées, hausse de la tension artérielle et palpitations. Il serait aussi capable d’interagir avec d'autres substances comme le ginkgo biloba. Une supplémentation prolongée en zinc peut, elle, affaiblir l’immunité et provoquer une carence en cuivre.

Autre exemple : la rhodiole, présente dans le complément Hyperkid du laboratoire Synapsya. En 2007, l’Afssa (ex-Anses) avait estimé que les données disponibles sur un complément en contenant ne permettaient pas d’en établir l’efficacité ni la sécurité. Cette plante peut aussi provoquer des effets indésirables et interagir avec de nombreux médicaments, notamment les antidépresseurs. Enfin, concernant les oméga 3, si des études semblent montrer une légère efficacité pour réduire l'impulsivité, une revue de la littérature scientifique à leur sujet concluait, en 2024, qu’ils « n'ont aucun effet sur les symptômes du TDAH par rapport à un placebo ». Ils peuvent, de plus, présenter des risques (cardiovasculaires, digestifs…) quand ils sont pris sous forme de compléments alimentaires.
L’importance d’un suivi médical
De manière générale, recourir exclusivement aux compléments alimentaires n’est pas recommandé. Sans suivi médical et psychologique structuré, le risque est grand de retarder une prise en charge efficace. Or, le TDAH est un trouble neurodéveloppemental complexe qui, sans accompagnement, peut entraîner des difficultés scolaires, professionnelles et sociales, ainsi qu’un risque accru de troubles anxieux, dépression, addictions ou comportements à risque. Les compléments alimentaires ne remplacent donc pas une prise en charge médicale, seule capable de réduire durablement les symptômes et leurs conséquences.
Des promesses pas toujours légales
« Alternative à la Ritaline », « aussi efficace que le méthylphénidate », « idéales pour le TDAH » : les différentes marques repérées en pharmacie et sur Internet sortent le grand jeu pour convaincre leurs clients potentiels. Quitte à enfreindre la loi... Certes, grâce à une très grosse faille dans la réglementation européenne, certaines promesses non prouvées demeurent autorisées : c'est le cas par exemple des affirmations « le guarana aide à améliorer la concentration » ou encore « la DHA contribue au maintien d’une fonction cérébrale normale ». Mais beaucoup d'autres ne le sont pas. En particulier, il est strictement interdit d’établir un lien entre la prise d’un complément alimentaire et un effet thérapeutique, ou encore de présenter le produit comme une alternative à un médicament. Pour éviter une lourde amende, les fabricants ont récemment fait un peu de ménage dans leur argumentaire marketing... mais notre enquête révèle qu'il reste encore de nombreuses traces de ces promesses illégales, notamment sur les réseaux sociaux et sites de parapharmacie.
Audrey Vaugrente
Laure Dasinières