Anne-Sophie Stamane
La Haute autorité de santé retire ses recommandations
Avant même que le Conseil d’État ne se prononce sur une requête de l’association pour une Formation et une information médicale indépendante (Formindep), la Haute autorité de santé a retiré ses recommandations sur la prise en charge de l’excès de cholestérol et de triglycérides. En cause, les liens d’intérêt cachés des experts qui y avaient travaillé.
Une fois de plus, l’association pour une Formation et une information médicale indépendante (Formindep) a remporté son bras de fer contre la Haute autorité de santé (HAS). Dans le cadre d’une requête devant le Conseil d’État, la HAS a fini par jeter l’éponge, avant même que les juges ne se prononcent, et par abroger ses recommandations sur la prise en charge des dyslipidémies, à savoir l’excès de cholestérol et de triglycérides. En cause, les liens d’intérêt de six des neuf experts missionnés pour les formuler. C’est la deuxième fois, après les recommandations sur la maladie d’Alzheimer en 2009, que le Formindep doit rappeler la HAS à ses propres principes.
Sur les dyslipidémies, l’affaire débute en juin dernier, quand le Formindep montre que six des neuf participants au groupe de travail dédié ont des liens financiers étroits avec des laboratoires commercialisant des médicaments contre le cholestérol. Pire, ils ont caché ces liens à la HAS et déclaré publiquement ne pas en avoir. Or c’est interdit. Malgré l’évidence, la HAS refuse dans un premier temps de retirer ses recommandations. Le Formindep se tourne alors vers le Conseil d’État, demandant l’abrogation des recommandations, ainsi qu’un signalement au procureur des fausses déclarations de plusieurs experts. La procédure ne va pas à son terme puisque, dans un communiqué publié il y a quelques jours, la HAS a reconnu la distorsion inacceptable entre les déclarations officielles de ses experts et les données de financement publiées par les laboratoires pharmaceutiques eux-mêmes via la base Transparence Santé.
Les recommandations abrogées, le Formindep a obtenu l’essentiel de ses revendications. Il est en effet fondamental que les positions de la HAS, destinées à guider la pratique quotidienne de tous les médecins en exercice, soient au-dessus de tout soupçon et rigoureusement conformes à la science. C’est d’autant plus vrai pour la prise en charge de l’excès de cholestérol et de triglycérides : la pertinence des traitements, notamment la place des statines, fait l’objet d’un débat féroce dans la communauté médicale. La HAS n’a maintenant plus d’autre choix que de remettre l’ouvrage sur le métier.
Le dossier des dyslipidémies n’est pas clos pour autant. L’association Anticor, spécialisée dans la lutte contre la corruption, a pris le relais du Formindep et porté plainte contre les experts mis en cause pour « prise illégale d’intérêt ».