ACTUALITÉ
Haute Autorité de santé

Conflit d’intérêts avéré

Saisi par l’association de médecins Formindep, le Conseil d’État vient d’annuler une recommandation de la Haute Autorité de santé sur le diabète de type 2 pour non-respect des règles de conflits d’intérêts des experts.

S’il s’agit d’un nouvel effet secondaire du Mediator, il est positif. Le Conseil d’État a rendu le 27 avril un arrêt imposant l’abrogation d’une recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS). Elle est relative au diabète de type 2 mais, en l’occurrence, c’est secondaire. En effet, le Conseil ne se prononçait pas sur le bien-fondé de cette recommandation mais sur des vices dans la manière dont elle a été adoptée.

La juridiction administrative avait été saisie en 2009 par le Formindep, une association qui se bat pour une formation médicale indépendante des industriels de la pharmacie. Le Formindep reprochait à la HAS de ne pas avoir respecté le code de la sécurité sociale en laissant des experts ayant des liens d’intérêt avec des laboratoires fabricant des traitements contre le diabète siéger au sein du groupe chargé de la recommandation. Le Conseil d’État a suivi le Formindep sans réserve. L’association a bel et bien « produit à l’appui de ses allégations des éléments susceptibles d’établir l’existence de liens d’intérêts entre certaines personnes ayant participé au groupe de travail et des entreprises ou établissements intervenant dans la prise en charge du diabète ». La HAS, pour sa part, n’a pas été « en mesure de verser au dossier l’intégralité des déclarations d’intérêts dont l’accomplissement était pourtant obligatoire de la part des membres de ce groupe de travail ».

La recommandation litigieuse date de 2006, mais pose un problème très actuel. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) doit en effet dire à la fin du mois de mai si elle met fin ou non à la distribution de deux traitements du diabète à base de pioglitazone. Ils sont suspectés d’accroître les risques de cancer de la vessie. Or, un de ces traitements est fabriqué par le laboratoire Takeda, nommément mis en cause à travers la personne d’un expert par le recours du Formindep.

L’association attend désormais avec espoir l’issue d’un second recours, introduit contre une recommandation portant sur le traitement de la maladie d’Alzheimer. L’association, qui déplore depuis des années l’influence des médecins travaillant pour l’industrie dans les groupes de travail de la HAS, estime en outre avoir enregistré une avancée sur un point juridique important. Le Conseil d’État admet que les recommandations de la Haute Autorité « font grief ». Autrement dit, ce sont des actes produisant des effets en droit. Ils sont attaquables à ce titre devant la justice administrative par n’importe quel citoyen ayant un intérêt à agir. Une pression supplémentaire sur les experts, mais qui va cette fois dans le bon sens : celui de la responsabilité.

Entretien avec Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de santé (HAS)

« Une nouvelle recommandation début 2012 »

Quelles suites la HAS va-t-elle donner à la décision du Conseil d’État ?

Nous avons retiré tout de suite la recommandation abrogée de notre site. Nous n’avions pas attendu la décision du Conseil d’État pour créer un nouveau groupe de travail sur la prise en charge du diabète de type 2. Il est en place depuis 2010 et il devrait avoir terminé sa recommandation début 2012.

L’arrêt du Conseil précise que la HAS n’a pas été en mesure de produire toutes les déclarations de liens d’intérêt des experts. Qu’est-ce qui vous a empêché de le faire ?

 La recommandation attaquée date de 2006 mais le comité qui l’a élaborée a commencé son travail en 2003, à une époque où la HAS n’existait pas. L’Afssaps (agence du médicament, voir ci-dessus) n’a pas récupéré les recommandations de l’époque. Je ne mets pas en doute le travail des experts mais je comprends la sanction du Conseil d’État. Formellement, juridiquement, la recommandation était attaquable. 

Le Formindep a un autre recours devant le Conseil d’État au sujet d’une recommandation sur Alzheimer. Comment anticipez-vous l’issue de ce recours ?

Nous ne savons pas dans quel sens tranchera le Conseil d’État, mais là encore, nous n’attendons pas sa décision pour avancer. Une réévaluation des traitements de l’Alzheimer est en cours et sera prête cet été, entre juillet et septembre.

Sur le fond, comment la HAS va-t-elle désormais appréhender la gestion des déclarations de liens d’intérêt ?

Nous sommes une autorité administrative indépendante et la question de notre indépendance est essentielle. En 2009, nous avons mis en place un comité de déontologie. Toutes les déclarations de nos experts sont examinées, un expert qui a des conflits majeurs est exclu.

Nous attendons les conclusions des Assises du médicament avec impatience, en particulier sur le statut de l’expert. Une expertise est un travail long et complexe, ce qui pose la question de la contrepartie financière. Il faut avoir les moyens de l’indépendance. 

La HAS est par ailleurs favorable à des mesures améliorant la transparence, comme la publication par les laboratoires de ce qu’ils ont versé chaque année aux médecins, ou l’enregistrement et la diffusion de ses propres délibérations.

Propos recueillis par ES

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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