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EhpadLes grands groupes gagnent du terrain… mais pas forcément au bénéfice des familles

Rosine Maiolo

par Rosine Maiolo

Une étude de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees) met en lumière la concentration croissante du marché dans le secteur des Ehpad privés commerciaux, et les disparités territoriales, sociales et financières qui en découlent. Une radiographie précieuse pour les familles confrontées au casse-tête du choix d’un établissement pour leurs proches.

Malheureusement, l’étude de la Drees de septembre 2025 confirme ce que beaucoup de familles constatent sur le terrain : les grands groupes dominent de plus en plus le secteur privé lucratif, c’est-à-dire les Ehpad privés commerciaux, des établissements modernes et souvent confortables, mais à des tarifs élevés et avec une accessibilité sociale limitée.

Des mastodontes incontournables

En 2022, la France comptait près de 7 500 Ehpad, pour un total d’environ 615 000 places. Les Ehpad publics ne représentent que 44 % d’entre eux. Le reste est composé d’Ehpad privés, à but non lucratif (association, congrégation…) et à but lucratif (commercial). Cette dernière frange du secteur, déjà épinglée il y a 2 ans par une enquête de la Répression des fraudes (DGCCRF) à cause de ses pratiques commerciales trompeuses et ses clauses abusives, s’avère dominée en majorité par seulement 5 grands groupes, définis comme des ensembles de plus de 100 établissements sous une même direction. Ils sont connus du grand public sous les noms de Korian et Orpéa (devenus respectivement Clariane et Emeis à la suite du scandale révélé par le livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet), Domus Vi, Domidep et Colisée.

Installés dans les zones lucratives

L’enquête révèle que les établissements de ces grands groupes concentrent leurs efforts sur les zones urbaines : 74 % de leurs établissements s’y trouvent, contre 68 % pour les autres privés. Ils sont très présents en Île-de-France, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans certaines parties de la Nouvelle-Aquitaine. À l’inverse, dans l’Ouest et le Massif central, leur implantation reste marginale et l’offre demeure surtout publique. En d’autres termes, cela signifie moins de choix pour les familles rurales : les Ehpad privés des grands groupes privilégient les marchés les plus solvables… pas les zones où les besoins sociaux sont les plus criants.

→ Lire aussi : Ehpad – Quand les financiers se goinfrent

Du personnel en moins

Le taux d’encadrement est légèrement inférieur dans les établissements des grands groupes : 60,2 équivalents temps plein (ETP) pour 100 résidents, contre 62,7 dans les autres Ehpad privés, et 73 dans le public. Les différences se font surtout sentir dans les postes concernant l’animation, la direction et les services généraux. Sur le plan médical, le niveau est comparable, mais la répartition change : plus d’aides-soignants, moins d’infirmiers diplômés. Une nuance qui peut avoir son importance pour les familles recherchant un suivi médical régulier et qualifié.

Prestations et équipements : des points forts… et des faiblesses

Côté équipements spécialisés, les Ehpad des grands groupes affichent une bonne performance : 60 % disposent d’unités Alzheimer, contre 55 % dans les autres privés. Mais ils sont moins équipés en pôles d’activités et de soins adaptés (PASA) utiles pour l’accueil de jour des personnes atteintes de troubles cognitifs légers à modérés (16 % contre 33 % dans le public).

Quant aux unités d’hébergement renforcées (UHR), essentielles pour les résidents ayant des troubles graves du comportement, elles sont quasi inexistantes (1 %). On les trouve essentiellement en Ehpad publics hospitaliers.

Sur le plan matériel, les surfaces offertes par résident sont plus faibles que dans les autres établissements privés : 137 m2 d’extérieur et 49 m2 d’intérieur contre respectivement 151 et 58 m2.

En revanche, les grands groupes marquent un point fort : la proportion très élevée de chambres individuelles (90 %), un confort apprécié des familles.

Une facture finale plus salée

Avec des espaces plus petits, un taux d’encadrement moins élevé ou moins qualitatif, on aurait pu espérer que les tarifs soient plus bas… Mais, comme nous l’avions déjà dénoncé en 2022, les Ehpad des grands groupes pratiquent des prix supérieurs à la moyenne : 98 € par nuit pour une place non habilitée à l’Aide sociale à l’hébergement (ASH), contre 89 € pour les autres établissements commerciaux.

Autre problème : seules 19 % de leurs places sont habilitées à l’ASH, contre 25 % dans les autres privés lucratifs et 81 % en moyenne nationale. En clair, les Ehpad des grands groupes sont bien moins accessibles aux personnes modestes. À titre de comparaison, les Ehpad privés à but non lucratif affichent un tarif moyen de 67 € par nuit et proposent 84 % de lits habilités à l’ASH, à 63 €. Quant aux établissements publics, ils coûtent en moyenne 60 € par nuit et offrent 93 % de places habilitées à l’ASH.

Avant de signer un contrat, mieux vaut comparer plusieurs établissements, interroger les conditions d’accueil, les effectifs présents, et vérifier le taux de places habilitées. Dans un secteur où la perte d’autonomie est appelée à croître du fait du vieillissement de la population, le risque est grand de voir s’accroître aussi les inégalités.

Le site d’information pour les personnes âgées et leurs aidants (1) donne accès à un annuaire des Ehpad permettant de comparer plusieurs établissements avec des indications de prix, des informations sur les prestations complémentaires, les équipements, etc. Une bonne base pour commencer ses recherches.

1. https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/annuaire-ehpad-et-comparateur-de-prix-et-restes-a-charge

Rosine Maiolo

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