par Anne-Sophie Stamane
Franchises médicalesDe lourdes augmentations en perspective
Le projet de financement de la Sécurité sociale pour 2026 prévoit de fortes hausses des franchises médicales et des participations forfaitaires sur les soins, ainsi que leur extension aux dentistes et aux dispositifs médicaux.
Si le projet de loi de financement de la Sécurité sociale actuellement en discussion au Parlement est adopté tel quel par nos représentants, la facture risque de s’alourdir considérablement pour les usagers du système de soins. Car les participations forfaitaires et franchises, qui s’appliquent respectivement depuis 2004 et 2008 suite à la dernière grande réforme de l’assurance maladie, vont s’étendre à des actes et produits jusqu’alors épargnés. Ainsi, il est prévu que les chirurgiens-dentistes entrent à l’avenir dans le champ d’application des participations forfaitaires. Concrètement, une consultation chez le dentiste occasionnerait, comme chez le généraliste ou le cardiologue, un prélèvement de 2 €. Et si une radio ou un détartrage sont réalisés lors des soins, 2 € seraient facturés en plus pour chacun de ces actes. Bien entendu, ni l’Assurance maladie ni la complémentaire santé ne couvriraient ces montants : c’est l’objectif de ces participations que de n’être pas remboursées. Même les personnes bénéficiant du dispositif d’affectation de longue durée (ALD), dont les soins sont pris en charge à 100 % par la Sécu, paient les franchises.
Même chose pour les dispositifs médicaux, à savoir les audioprothèses, lunettes, béquilles, etc. : jusqu’ici exonérés des franchises prises sur chaque boîte de médicament, acte paramédical ou transport sanitaire, ils seraient concernés par la retenue de 1 €.
De 2 à 4 € pour une consultation médicale
Du moins dans l’hypothèse où le montant actuel, déjà passé de 0,50 € à 1 € il y a un an et demi, ne changerait pas. Il est permis de douter d’un statu quo, le gouvernement ayant déjà annoncé son intention de doubler le montant de toutes les franchises et participations forfaitaires, par voie de décret. Une consultation médicale ferait de ce fait l’objet d’un paiement de 4 €, la délivrance d’une boîte de médicaments, de 2 €. Au passage, les plafonds annuels au-delà desquels les franchises et participations cessent de s’appliquer doubleraient également, passant de 50 € aujourd’hui à 100 €. Notons aussi qu’un nouveau « compte » serait ouvert pour les seuls transports sanitaires, avec un plafond spécifique.
En somme, tous les leviers sont actionnés pour augmenter la participation directe des malades au coût de leurs soins, au prétexte d’une responsabilisation dont l’efficacité reste à prouver. Dans un contexte où les complémentaires santé appliquent, chaque année, de nouvelles hausses sur leurs contrats, ce serait un coup dur. L’UFC-Que Choisir s’oppose au doublement des franchises et de leur plafond, et a demandé aux parlementaires de ne pas voter les propositions étendant les franchises aux dentistes et dispositifs médicaux.
Le Nutri-Score revient sur la scène
L’Assemblée nationale aurait-elle changé d’avis sur le Nutri-Score ? Elle a adopté, le 7 novembre, un amendement instituant l’obligation d’afficher le logo coloré. Il « vise à rendre obligatoire la mention du Nutri-Score sur tous les supports publicitaires pour les denrées alimentaires, sauf à ce que les industriels versent une contribution dont le produit sera fléché à la Sécurité sociale », expliquent les députés. Les entreprises peuvent donc ne pas l’afficher, en contrepartie d’une taxe de 5 % sur leur chiffre d’affaires. Ce texte, déposé par les groupes socialiste et écologiste, n’est pas la première tentative d’adoption du logo : de précédentes moutures avaient déjà été déposées, en vain, en 2019, puis lors de l’examen de la dernière loi sur le financement de la Sécurité sociale. Depuis, le Nutri-Score a fait son chemin ; il est désormais connu et plébiscité par l’immense majorité des consommateurs. Il est dès lors devenu plus difficile de s’y opposer.
Néanmoins, un sous-amendement proposé par Renaissance dispenserait les denrées alimentaires sous signes officiels de qualité, afin de « protéger ces produits du terroir ». « Il entend notamment couvrir l’appellation d’origine contrôlée (AOC), l’indication géographique protégée (IGP), la spécialité traditionnelle garantie (STG), le Label rouge, ainsi que les dénominations “produits de montagne”, “produits fermiers”, etc. », précisent les députés porteurs du texte. Reste à en définir la liste par voie réglementaire.
Lors de la même séance, un autre amendement du PS, également adopté, a institué une taxe sur la publicité pour les boissons alcoolisées. Cet impôt concernera les entreprises de plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, exonérant donc les petits producteurs. Il est destiné à financer le Fonds de lutte contre les addictions.
Le vote concernant le Nutri-Score, tout comme celui sur les franchises médicales, n’est pas définitif. Les textes doivent être transmis au Sénat.
Anne-Sophie Stamane