Elsa Casalegno
Grande distributionLa descente aux enfers de Casino
Confronté à des difficultés financières, Casino est en négociation avec Intermarché pour lui céder plusieurs dizaines de magasins. Il devrait également faire entrer plusieurs actionnaires au capital. D’ici là, le groupe est en pourparlers pour renégocier sa dette. Dans ce contexte, l’audition du PDG, Jean-Charles Naouri, dans une autre affaire judiciaire, est un télescopage inquiétant.
Casino n’en finit pas de s’enfoncer dans la crise. Fragilisée depuis des années par un endettement très élevé, l’enseigne de distribution a entamé le 25 mai une procédure de conciliation au tribunal de commerce de Paris, afin de renégocier sa dette abyssale (6,4 milliards d’euros) avec ses créanciers. Le groupe ne valait plus que 733 millions d’euros en Bourse, contre plus de 5 milliards en 2014. Rallye, la holding de contrôle de Casino (dans les mains du PDG du groupe Jean-Charles Naouri), est également en procédure de conciliation.
Des magasins vendus à Intermarché
Le 26 mai, Casino a également signé avec le groupement Les Mousquetaires (Intermarché, Netto) un « protocole pour étendre le champ de leurs partenariats et optimiser leurs réseaux respectifs ». En clair, Intermarché rachèterait une partie des magasins Casino (hypers, supers et magasins de proximité). Une première vague serait transférée d’ici la fin de l’année. La liste comporterait un nombre encore indéterminé de grandes surfaces, pour un montant global de chiffre d’affaires de 549 millions d’euros. Une deuxième vague de cessions pour un montant global de 502 millions d’euros interviendrait dans les trois ans. Une troisième vague (461 millions d’euros), facultative, pourrait être actée sous trois ans également. Ces achats contribueraient à désendetter Casino, qui se recentrerait sur les régions où il est le plus solide : Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Intermarché, lui, aurait l’opportunité de « compléter son maillage national », selon Casino.
Par ailleurs, les deux groupes procèderaient à des appels d’offres communs pour leurs marques de distributeurs (MDD) – chaque enseigne conservera ses propres marques, mais avec un fabricant commun. Et Casino bénéficierait d’un approvisionnement en boucherie et marée auprès du groupement Les Mousquetaires (qui possède des abattoirs et une flotte de pêche, ainsi que des usines de transformation). Cet accord, qui suppose aussi que Les Mousquetaires devienne actionnaire minoritaire de Casino, doit être soumis à consultation auprès des salariés du groupe.
Accord avec la coopérative InVivo
Pour tenter de sortir de cette mauvaise passe, le groupe avait déjà entamé le 9 mars des discussions exclusives avec Teract, qui deviendrait actionnaire. Cette société a comme actionnaire majoritaire InVivo, l’un des plus gros groupes coopératifs agricoles et agroalimentaires de l’Hexagone. L’autre actionnaire est la société 2MX Organic, aux mains des hommes d’affaires Moez-Alexandre Zouari, Xavier Niel et Matthieu Pigasse. L’accord permettrait la création de deux entités : la première, contrôlée par Casino, regrouperait les activités de distribution avec plus de 9 100 magasins sur tout le territoire ; la seconde, contrôlée par InVivo, serait en charge de l’approvisionnement agricole, en particulier pour les produits frais.
Le président de Casino en garde à vue
Dans ce contexte, l’audition du PDG de Casino, Jean-Charles Naouri, le 1er juin, par le Parquet national financier (PNF) ne devrait pas faciliter les choses. Le dirigeant et fondateur de l’enseigne, âgé de 74 ans, a été entendu en garde à vue dans le cadre d’une enquête pour « manipulation de cours en bande organisée », « corruption privée active et passive » et « délit d’initié commis courant 2018 et 2019 », a expliqué le PNF. La garde à vue a été levée dans la soirée, mais l’enquête préliminaire se poursuit.
Mise à jour du 8 juin 2023
Échec des discussions avec Teract
Les négociations exclusives entre Casino et Teract, lancées le 9 mars, se sont soldées ce 8 juin par un échec. Les deux groupes ont décidé « d’un commun accord, de ne pas poursuivre ces discussions », a annoncé Casino dans un communiqué. Mais si la coopérative In Vivo (l’un des actionnaires de Teract) renonce, il n’en va pas de même pour les hommes d’affaires Moez-Alexandre Zouari (actionnaire de Franprix), Xavier Niel et Matthieu Pigasse. Tous trois sont associés au sein de la société 2MX Organic, l’autre actionnaire de Teract. Ils proposeraient d’abonder au capital à hauteur de 300 millions d’euros.
Ce revirement remet un autre homme d’affaires, Daniel Kretinsky, sur le devant de la scène. Ce dernier, déjà actionnaire minoritaire du groupe Casino, a déjà proposé de renflouer l’enseigne à hauteur de 1,1 milliard d’euros via une augmentation au capital de sa société EP Global Commerce.
Les négociations semblent en revanche en bonne voie avec Intermarché, pour la reprise de plusieurs dizaines de grandes surfaces Casino (de 100 à 180 magasins selon les estimations de la presse professionnelle).
Affaire à suivre…
Les enseignes du groupe Casino
Le groupe Casino, en France, ce sont 8 enseignes de la grande distribution :
- Casino (Hyper, Super et Petit Casino ; sur un total de plus de 1 200 magasins, au moins une centaine, voire davantage, passerait sous la bannière d’Intermarché)
- Monoprix
- Franprix
- Leader Price
- Vival
- Spar
- Naturalia
- Sherpa
Au total, 5 870 magasins emploient 56 000 salariés dans l’Hexagone (208 000 dans le monde). Le groupe possède également l’enseigne de e-commerce Cdiscount.