par Perrine Vennetier
par Perrine Vennetier
Deux nouveaux vaccins contre la grippe, destinés aux plus de 65 ans, sont commercialisés cette année, présentés comme plus protecteurs pour cette population. La mise à disposition de ces nouveaux produits éclaire en creux le manque d’efficacité des vaccins standards sans toutefois régler complètement le problème.
La saison est ouverte. Depuis le 14 octobre, la campagne de vaccination contre la grippe est à l’œuvre en France. Médecins, pharmaciens mais aussi sages-femmes et infirmiers peuvent prescrire et injecter l’un des 5 vaccins actuellement commercialisés : 3 vaccins standards (Influvac, Vaxigrip, Flucelvax) et, c’est la nouveauté cette année, 2 vaccins dits « renforcés » (Fluad et Efluelda). Ces derniers sont destinés aux plus de 65 ans à qui ils offriraient une meilleure protection contre cette infection respiratoire.
En effet, l’efficacité du vaccin contre la grippe n’est pas totale. Loin de là. Pour commencer, la composition des vaccins ne correspond pas toujours aux virus en circulation. La production des vaccins étant lancée 9 mois avant les campagnes d’injection, les laboratoires intègrent les souches virales qui sont celles en circulation dans l’hémisphère sud au moment de la mise en production. Le problème, c’est que les virus influenza, responsables de la grippe, peuvent muter extrêmement vite. Si bien que les souches intégrées dans le vaccin que vous recevez peuvent être très différentes de celles auxquelles vous serez exposé.
Certaines années, cela rend le vaccin inopérant. C’est probablement ce qui s’est passé en 2014, aux États-Unis, avec une efficacité de moins de 20 %. En revanche, quand il existe une bonne correspondance entre les souches du vaccin et celles en circulation, l’efficacité peut monter à 60 %. En se basant sur les chiffres américains (1), l’efficacité moyenne sur les 15 dernières années est de 43 %. En France (2), les données sont moins faciles à trouver mais semblent comparables. Pour la saison 2023/2024 par exemple, le réseau Sentinelles en charge de la surveillance de la grippe estimait l’efficacité vaccinale à 44 %. À la mi-novembre, il est trop tôt pour savoir quelle sera l’efficacité en 2025/2026 même si certains signaux sont positifs pour la souche H1N1. Mais on peut dire qu’en moyenne, le vaccin protège à moitié contre les infections.
→ Lire aussi : Vaccins - Quel délai entre deux injections ?
« Derrière ces moyennes, il existe des variations selon les souches, relativise le Dr Antonin Bal, directeur adjoint du CNR virus des infections respiratoires aux Hospices Civils de Lyon. L’an dernier, par exemple, l’efficacité contre les virus de type B était de 80 % ! En revanche, l’efficacité était moins bonne contre l’une des souches de type A (H3N2) : de l’ordre de 25 % et moins (20 %-25 %) chez les personnes âgées. »
Chez les seniors en effet, le vaccin protège généralement moins bien. En 2023-2024 par exemple, l’efficacité du vaccin qui était de 59 % chez les moins de 65 ans était seulement de 38 % chez les plus de 65 ans selon la Haute Autorité de santé. Cette perte d’efficacité s’explique par le fait que le vieillissement diminue la réponse du système immunitaire. Un phénomène appelé immunosénescence. Or, en raison de cet amoindrissement des capacités de défense, les personnes âgées sont aussi davantage victimes de complications et d’hospitalisations dues à la grippe. Elles ont représenté l’essentiel des 17 000 décès liés à cette infection respiratoire l’hiver dernier. Paradoxe donc : le vaccin protège le moins ceux qui en ont le plus besoin – et à qui il est recommandé.
Dans l’optique d’améliorer cette protection, les laboratoires ont donc lancé des vaccins aux formules renforcées : l’Efluelda (Sanofi) qui est 4 fois plus dosé que le vaccin standard et le Fluad (Vifor France) qui intègre un adjuvant (c’est-à-dire un composant qui va augmenter la réponse du système immunitaire). Ils coûtent environ deux fois plus cher.
En pratique, les preuves de leur supériorité ne sont pas très convaincantes. D’après les études menées par les fabricants, l’un comme l’autre de ces vaccins seniors semblent légèrement plus efficaces contre l’infection que les vaccins standards mais ce n’est pas tout à fait certain. Des études d’observations suggèrent qu’ils diminuent la fréquence des hospitalisations. Mais aucun des deux n’a montré de réduction supplémentaire en termes de mortalité.

Pour juger de ce qu’un produit de santé apporte en termes de bénéfices pour la santé par rapport à un autre, il existe un indicateur, l’amélioration du service médical rendu (ASMR). Dans un premier temps, les autorités sanitaires avaient jugé cette amélioration nulle. Finalement, cette amélioration a été cotée comme « mineure » et ces deux vaccins renforcés sont recommandés « préférentiellement » aux personnes de plus de 65 ans.
Mais en tout état de cause, les souches intégrées dans Fluad et Efluelda sont les mêmes que celles qui composent les vaccins standards. Les mêmes incertitudes sur la concordance avec les souches circulantes et donc leur efficacité pèsent sur ces vaccins pour seniors. Être vacciné n’est pas inutile mais ne dispense en aucun cas des mesures barrières comme le lavage des mains régulier et le port d’un masque en cas de symptômes respiratoires, tant pour soi que pour les autres.
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(1) CDC Seasonal Flu Vaccine Effectiveness Studies, Agence nationale de santé publique des États-Unis.
(2) Dossier thématique Grippe Saison 2023/2024 (pdf), Réseau Sentinelles, Iplesp, Inserm - Sorbonne Université.
Perrine Vennetier
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