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Herbicide

Des résidus de glyphosate dans les bières allemandes et suisses

Une étude de nos confrères suisses de FRC Mieux Choisir parue en juin épingle la présence de glyphosate dans des bières artisanales brassées en Suisse. En février, une ONG allemande dénonçait déjà la présence dans les principales bières consommées en Allemagne de cet herbicide jugé probablement cancérogène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) et dont la reconduite de l’autorisation de mise sur le marché, imminente, fait actuellement l’objet d’un vif débat à Bruxelles.

À défaut d’une météo clémente, l’Euro fait les beaux jours des brasseurs qui profitent des festivités footballistiques pour écouler des stocks parfois impressionnants de bière. Mais si en France la bière coule à flot, en Suisse et en Allemagne des affaires de contamination aux résidus d’un pesticide, le glyphosate, éclaboussent les « mousses » nationales. Cet herbicide chimique, le plus vendu au monde notamment sous la marque Roundup, a en effet été classé « cancérogène probable pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), en mars 2015.

Des bières artisanales largement contaminées

Or nos collègues suisses de FRC Mieux Choisir ont publié en juin les résultats de tests effectués sur des bières artisanales. Les analyses ont révélé que quasiment toutes les bières analysées étaient contaminées par du glyphosate ou de l’acide aminoéthylphosphonique (AMPA). « Le glyphosate n’étant pas un produit chimique très stable dans l’environnement, il est utile de rechercher  également l’AMPA qui est un produit de sa dégradation. Outre le fait qu’il est un indicateur fiable de la présence de glyphosates sur les échantillons, il est soupçonné des mêmes effets délétères pour la santé que le glyphosate », précise Lionel Cretegny qui a réalisé l’enquête pour Mieux Choisir. Selon l’auteur, cette contamination est probablement liée à l’épandage de glyphosate sur les champs d’orge et de houblon servant à la fabrication du malt, qui sont principalement exportés d’Allemagne, la Suisse en cultivant peu. Mais aussi, dans une moindre mesure, du fait de la contamination de l’eau utilisée pour le brassage.

Un précédent allemand qui a fait grand bruit

Mais l’affaire ne concerne pas que la Suisse puisqu’en février dernier, une ONG environnementale allemande avait déjà signalé la présence de résidus d’herbicide dans les principales bières allemandes. L’étude, menée par l'Institut de l'environnement de Munich sur quatorze marques de bières allemandes, avait également montré que tous les échantillons testés étaient contaminés par des résidus de glyphosates. Certaines bières, à l’instar de la Pils de Hasseröder, en contenaient même près de 30 µg/l, soit plus de 300 fois la dose de glyphosate autorisée en Allemagne dans l'eau potable, qui est de 0,1 µg/l.

Afin de désamorcer la polémique, le BFR (Bureau d’évaluation des risques en santé allemand) a publié un avis sur la question. Tout en reconnaissant que « la présence de résidus de glyphosate dans les bières est plausible dans la mesure où l’usage de produits phytosanitaires contenant du glyphosate est autorisé dans les champs de céréales », l’institut précise qu’« en Allemagne, l’étiquetage des produits contenant du glyphosate mentionne l’interdiction de leur usage sur les céréales destinées au brassage ». Le BFR se veut toutefois rassurant, précisant que les quantités retrouvées par l'institut munichois dans les échantillons de bières testées étaient trop infimes pour être considérées comme dangereuses. « Pour absorber une quantité de glyphosate représentant un risque pour la santé, un adulte devrait boire environ 1 000 litres de bière en une journée ».

Polémique et agenda politique

Une telle polémique autour de la bière peut prêter à sourire, l’abus d’alcool s’avérant dangereux à des quantités bien moindres. Mais ces études allemandes et suisses soulèvent le problème de l’omniprésence des contaminations au glyphosate, présent dans quasi tous les échantillons analysés. « Preuve que cette molécule est partout, même du côté des paysans brasseurs qui veulent bien faire », commente Lionel Cretegny dans son article.

Ces résultats ont de plus eu un énorme retentissement en Allemagne, où ils ont été rendus publics le jeudi 25 février. Soit le jour même où le Bundestag devait se prononcer sur une proposition des Verts allemands visant à voter contre le renouvellement européen du glyphosate, et finalement rejetée à 446 voix contre 117.

À l’heure actuelle, Bruxelles légifère en effet sur la reconduite de l’autorisation de mise sur le marché européen du glyphosate qui expire au 30 juin 2016. Une décision qui suscite un vif débat entre les écologistes d’une part et les lobbys agro-industriels de l’autre. Et bien que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), à la demande des États membres, ait rendu (quelques mois après l’avis négatif du CIRC) un rapport concluant « qu’il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l'homme », le doute semble persister puisque la France et d’autres pays membres ont décidé de voter contre sa réautorisation ou de s’abstenir.

Bruxelles peine à légiférer

Après trois reports de décision, l’exécutif européen a soumis une nouvelle fois, le vendredi 24 juin, la question à un nouveau vote requérant une majorité qualifiée. Mais la Commission européenne a échoué une fois de plus à obtenir la réautorisation du glyphosate, sept pays, dont l’Allemagne, s’étant abstenus de voter. La France a quant à elle voté contre. Faute d’avancée, le glyphosate pourrait donc être interdit à compter du 29 juin.

Du côté de la Suisse, si la décision de l’Union n’a pas d’influence directe sur l’usage du glyphosate en Suisse où l’herbicide est actuellement autorisé, « une interdiction au sein de l’UE serait néanmoins un signe fort envoyé en direction du Parlement suisse qui pourrait également suivre cette voie », estime Lionel Cretegny.

Le glyphosate plus dangereux en association ?

Le 20 juin 2016, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) annonçait son intention de procéder au retrait de 132 produits phytosanitaires associant le glyphosate à un coformulant : le POE-Tallowamine. L’Agence précisait avoir identifié un « point de préoccupation » concernant la présence de cette molécule censée amplifier l'activité des herbicides dans les préparations à base de glyphosate. L’agence, qui précise que « des risques inacceptables, notamment pour la santé humaine, ne pouvant être exclus pour ces produits », a donc informé courant avril les entreprises commercialisant ces herbicides de son intention de procéder à leur retrait du marché. Ces derniers devraient probablement avoir disparu des rayons d’ici 3 mois et ne pourront plus être utilisés par les particuliers à compter du 31 décembre 2016.

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