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Labels alimentairesLa biodiversité inégalement prise en compte

EC

par Elsa Casalegno

Bio, Label rouge, AOP, pêche MSC… Les labels alimentaires, publics ou privés, intègrent pour la plupart des éléments concernant la protection de la biodiversité, mais de façon inégale et souvent lacunaire. De plus, l’impact réel de leurs cahiers des charges, donc des pratiques de production, est difficile à mesurer. Néanmoins, certaines certifications, en particulier le bio, se distinguent. C’est en substance ce que conclut une étude conjointe Inrae-Ifremer publiée en avril 2025.

Les labels alimentaires – bio, Label rouge, AOP, IGP, mais aussi Rainforest Alliance, pêche MSC, aquaculture ASC, etc. – sont bien connus des Français, qui les apprécient pour la qualité des produits ou des pratiques de production plus vertueuses qu’en conventionnel sur le plan environnemental. L’Inrae et l’Ifremer se sont appuyés sur ces certifications afin d’évaluer leur impact sur la biodiversité.

Ce travail était demandé par les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture. En effet, la loi Climat de 2021 instaure la mise en place d’un affichage environnemental des aliments, mais ce dernier est confronté à une difficulté majeure : évaluer – et chiffrer – la biodiversité. Les deux organismes de recherche se sont donc penchés sur les labels, et plus particulièrement sur leurs cahiers des charges, afin d’évaluer l’impact sur la biodiversité des pratiques mises en œuvre, en les comparant à celles des exploitations conventionnelles. Les chercheurs impliqués soulignent que l’étude comporte plusieurs limites : ainsi, les pratiques peu étayées par la littérature scientifique ou aux impacts indirects sur la biodiversité n’ont pas été prises en compte, pas plus que les critères portant sur d’autres sujets tels que le bien-être animal, la déforestation importée ou la qualité gustative du produit – alors que c’est parfois l’objectif premier de certains d’entre eux, à l’instar des AOP, de Rainforest ou du Label rouge.

Ce focus sur la biodiversité donne une vision partielle des certifications, et ne propose pas de classement. Néanmoins, il met en exergue des tendances. Ainsi, concernant l’agriculture, les labels d’agriculture biologique – AB, Demeter, Nature&Progrès – s’avèrent logiquement « présenter des bénéfices avérés pour la biodiversité », l’environnement étant au cœur de leur philosophie, souligne Françoise Lescourret, de l’Inrae. Mais l’AOP Comté ne démérite pas, non plus que Rainforest Alliance, bien qu’ils n’incluent pas de pratiques concernant les cultures, c’est dommage. RSPO et RTRS mériteraient d’être renforcés, mais présentent eux aussi quelques mesures intéressantes. Bleu-Blanc-Cœur, en revanche, s’avère inefficace sur ce plan, mais cette certification est centrée sur l’alimentation. Elle comporte néanmoins une mesure sur la biodiversité, celle destinée à se prémunir de la déforestation importée (non prise en compte dans l’évaluation). Quant au label HVE (Haute Valeur environnementale), il ne paraît performant que sur un seul point, la présence d’habitats semi-naturels pour la faune sauvage, d’autres mesures étant trop peu ambitieuses sur le plan de la biodiversité (sur les pesticides ou la fertilisation, par exemple), voire carrément absentes (sur les rotations des cultures et les prairies).

Concernant l’aquaculture, l’étude souligne que, globalement, « les seuils d’exigence sont davantage motivés par le bien-être animal que par la protection de la biodiversité ». Néanmoins, « les cahiers des charges reflètent bien les enjeux », nuance Clara Ulrich, de l’Ifremer. C’est le label AB qui s’avère, de loin, le moins défavorable à la biodiversité, mais le Label rouge « saumon » et la certification MSC s’en sortent relativement bien, malgré un manque d’exigence sur l’impact de l’alimentation ou la densité des élevages. Le label ASC « mollusques », lui, manque d’ambition sur la plupart des pratiques étudiées.

Enfin, pour la pêche, c’est plutôt une bonne surprise. Les cahiers des charges des deux labels étudiés, MSC et Écolabel Pêche durable (label public français créé par le ministère de l’Agriculture), abordent la plupart des pratiques défavorables à la biodiversité. En particulier, le label MSC (qui étiquette 22 % des pêches débarquées en France), fortement contesté pour certifier des pêcheries industrielles et autoriser des pratiques destructrices des fonds marins telles que le chalutage, s’avère « offrir des garanties fortes sur l’absence de surpêche, qui est le premier objectif d’une pêche durable », précise Françoise Lescourret. Dommage, il passe par ailleurs complètement à côté des problématiques de captures accidentelles d’espèces protégées, d’émission de CO2 et de l’abandon de matériel ou de déchets en mer… Les deux certifications présentent aussi une sérieuse limite : trop peu de mesures sont obligatoires, et aucune des deux n’exclut les engins de pêche destructeurs.

Le rapport souligne que, en général, les cahiers des charges des labels étudiés ne sont pas assez exigeants concernant la biodiversité : trop de préconisations restent facultatives ou trop peu ambitieuses. Ce qui dégage autant de pistes pour renforcer le volet « biodiversité » de ces certifications, à l’avenir !

Extrait du rapport de l’Inrae et de l’Ifremer sur les impacts des modes de production labellisés sur la biodiversité.

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