Florence Humbert
Comment choisir un beurre
Cru, de baratte, d’appellation d’origine protégée, fin, extrafin, salé, à la fleur de sel, tendre, allégé… Pas facile pour le consommateur de s’y retrouver dans le rayon beurre des grandes surfaces. Décryptage des différents beurres pour choisir en toute connaissance de cause.
Le beurre, c’est quoi ?
Avec 8 kg par an, les Français sont les plus gros consommateurs de beurre dans le monde. Et pourtant, la plupart d’entre nous ignorent à peu près tout de ce produit, composant incontournable de notre gastronomie. Pour faire le bon choix, il est nécessaire d’avoir quelques connaissances de base sur sa composition et les différentes étapes de sa fabrication. Le beurre est un produit 100 % naturel, issu de la crème, la fraction grasse du lait. La législation n’autorise aucun additif, sauf l’ajout de bêtacarotène pour colorer le beurre en jaune. Le beurre doit contenir 82 % de matières grasses (80 % pour les beurres salés ou demi-sel), le reste étant composé d’eau (16 % maximum), de caséine (protéines du lait), de lactose et de sels minéraux. Si le taux de matières grasses est inférieur ou supérieur à 82 %, ou si d’autres ingrédients ou additifs entrent dans la composition du produit fini, l’appellation « beurre » doit être complétée (par exemple, beurre allégé, beurre concentré, beurre salé, etc.).
Beurre standard et beurre de baratte
Dans les rayons des grandes surfaces, on trouve des produits étiquetés « beurre de baratte ». Quelles est la différence avec ceux qui ne le sont pas, hormis leur prix souvent un peu plus élevé ? En fait, stricto sensu, tous les beurres sont issus du barattage car c’est le seul procédé autorisé pour fabriquer le beurre. Cette opération consiste à agiter énergiquement la crème pour séparer, de façon mécanique, la fraction grasse de la crème du lactosérum, ou babeurre (appelé aussi petit lait). Peu à peu, les globules gras s’agglutinent pour former les grains de beurre. Après élimination du babeurre, il ne reste plus qu’à achever l’élaboration du beurre en le lavant et en le malaxant pour lui faire rendre toute son eau et lui conférer une texture onctueuse.
Autrefois, les barattes étaient en bois. Elles avaient la forme d’un tonneau ou d’une jarre au centre desquels un bâton ou une manivelle permettait de battre le beurre. Ce procédé qui pouvait durer plusieurs heures a longtemps constitué l’unique méthode d’élaboration du beurre, avant que les barattes manuelles soient reléguées dans les écomusées et les brocantes. Aujourd’hui, seules les petites exploitations fermières, les laiteries qui privilégient la qualité et les producteurs de beurre AOP utilisent des barattes mécanisées en inox (les barattes en bois sont interdites par la réglementation européenne sauf dérogation), d’une capacité de plusieurs centaines de litres. Conformément à la méthode ancestrale, on laisse mûrir la crème pendant un jour ou deux pour développer ses arômes. Seule différence : l’ajout de ferments lactiques sélectionnés afin de donner au beurre la régularité de goût attendue par les consommateurs. On trouve ces beurres dits « de baratte » dans les rayons des grandes surfaces. Mais le procédé reste incompatible avec les exigences de l’agroalimentaire moderne : produire à bas prix et à faible coût, parfois au détriment de la qualité gustative.
Aujourd’hui, 90 % du beurre que nous consommons est fabriqué en continu dans des butyrateurs ou « canons à beurre » à partir de crèmes pasteurisées et non maturées, l’ajout de ferments lactiques intervenant en fin de fabrication. Le beurre lavé et malaxé sort à l’extrémité de ces appareils sous la forme d’un ruban ininterrompu qui est immédiatement découpé et empaqueté. Un canon à beurre peut ainsi fabriquer en une heure 13 tonnes de beurre à partir de 26 tonnes de crème.
Bon à savoir Que garantit la mention « beurre de baratte » ? Bien que ce terme ne soit pas réglementé, un arrêté de la cour d’appel de Rennes du 13 juillet 1993 stipule qu’il ne peut s’appliquer qu’aux produits fabriqués à l’aide d’une baratte pour la totalité du cycle de fabrication. Un beurre dont seul le malaxage final est réalisé en baratte mais dont la phase antérieure – la plus importante dans le processus de fabrication – est effectuée dans un butyrateur ne peut donc prétendre à cette appellation.
Beurre cru
Le beurre cru est obtenu à partir de crème n’ayant subi aucun traitement thermique, hormis la réfrigération du lait à 4 °C après la traite, en vue de sa conservation. Comme tous les produits laitiers crus, ce beurre est fragile et se conserve moins longtemps que les versions pasteurisées : 15 jours à 3 semaines pour un beurre cru, contre 2 à 3 mois pour un beurre pasteurisé. Mal conservé, il peut rapidement devenir rance. Il a en revanche la réputation d’être plus aromatique, plus riche en goût.
Beurre fin et extrafin
Le beurre extrafin est fabriqué exclusivement à partir de crème non congelée, mais seulement pasteurisée. La mise en fabrication doit intervenir 72 heures maximum après la collecte de lait et le barattage ainsi que la pasteurisation, 48 heures au plus tard après l’écrémage du lait. En revanche, pour le beurre fin, jusqu’à 30 % de la crème entrant dans sa fabrication peut avoir été congelée.
Doux, demi-sel ou salé
Traditionnellement, on salait le beurre pour mieux le conserver. Aujourd’hui, le sel est utilisé avant tout comme exhausteur de goût. Le beurre demi-sel contient entre 0,8 et 3 g de sel par 100 g et le beurre salé 3 g ou plus. Nos analyses sur une dizaine de beurres salés et demi-sel confirment ces fourchettes. La mention « doux » n’est pas explicitement définie dans la réglementation, mais elle permet de distinguer les produits qui n’ont pas fait l’objet d’adjonction, ou qui ont une teneur en sel inférieure à 0,5 g par 100 g.
Moulé, à la motte ou en plaquette
Évoquant le retour à la tradition, le beurre moulé à l’ancienne a le vent en poupe. Quelle différence avec le beurre standard en plaquette ? Aucune, c’est uniquement une question d’esthétique, le goût du beurre ne change pas en fonction des conditionnements. Il en va de même pour le beurre vendu à la motte, chez les crémiers.
Les beurres aromatisés
Lancés il y a une quinzaine d’années par Jean-Yves Bordier, les beurres aromatisés sont à la mode. Il est vrai que le beurre, comme tous les corps gras, est un exhausteur de goût fabuleux. Aux épices, aux fines herbes, aux champignons, aux algues… on en trouve aujourd’hui à tous les parfums. Mais rien n’empêche de les faire soi-même : c’est facile et bien moins coûteux.
Les beurres sous labels
Beurre AB
Le label AB donne l’assurance que le mode de production de la crème dont est issu le beurre respecte le cahier des charges de l’agriculture biologique. En revanche, il n’offre aucune garantie sur la qualité gustative du produit fini, ni sur son mode de transformation. Un beurre bio peut donc avoir été fabriqué en continu, dans un canon à beurre, de la même façon qu’un beurre standard.
Beurres AOC (appellation d’origine contrôlée)
Il existe aujourd’hui trois beurres AOC : le beurre Charentes-Poitou, le beurre d’Isigny, et le beurre de Bresse. L’appellation d’origine atteste un lien du produit au terroir et un mode de fabrication traditionnel, lui conférant sa typicité. Mais les critères varient considérablement d’un label à l’autre. Les cahiers des charges les plus anciens ne sont pas très contraignants. C’est le cas des appellations d’origine Charentes-Poitou et d’Isigny. En revanche, l’appellation d’origine beurre de Bresse qui a obtenu le label AOC en 2012, transformé en AOP (appellation d’origine protégée) en 2014, offre des garanties bien plus strictes, notamment en ce qui concerne l’alimentation des vaches et les paramètres de fabrication, ce qui confère au beurre de Bresse une grande richesse aromatique.
Les nouveaux beurres
À côté des beurres classiques, les nouvelles gammes de beurre surfent sur la praticité (beurre tendre, facile à tartiner) ou sur la phobie des consommateurs pour les matières grasses.
Beurre tendre, facile à tartiner
Pour que le beurre soit facile à tartiner, même quand on a oublié de le sortir à l’avance du réfrigérateur, les industriels ont mis au point un beurre tendre. Sa composition est la même que celle d’un beurre classique, comptant 82 % de matières grasses. La modification de texture est obtenue par un procédé technologique qui, en maîtrisant les températures de fonte et de refroidissement, permet de séparer le réseau d’acides gras qui composent la matière grasse. La partie la plus molle (majoritairement constituée d’acides gras saturés, dont le point de fusion est inférieur à celui des acides gras insaturés) est alors récupérée puis malaxée avec du beurre standard. Le mélange obtenu fond alors à une température plus basse que le beurre classique. Il reste mou à la température de nos frigos !
Beurres allégés et légers
Ces produits contiennent moins de matières grasses laitières que le beurre classique : entre 60 et 62 % pour le « beurre allégé » ou « à teneur réduite en matières grasses » ; 39 à 41 % pour le « beurre léger ». Les produits dont les teneurs en matières grasses se situent en dehors de ces fourchettes n’ont pas droit à l’appellation « beurre » et doivent se contenter de la dénomination « matière grasse laitière à tartiner à x % ». Côté composition, tous ces produits comportent nombre d’additifs : des émulsifiants pour permettre la bonne tenue des produits malgré leur forte teneur en eau ; des conservateurs (comme l’acide sorbique et des sels de potassium ou de calcium), des correcteurs d’acidité (acides citriques ou lactiques), etc. La liste s’allonge encore pour les produits dont la teneur en matières grasses est inférieure à 41 % : on y trouve notamment des épaississants (amidon modifié) et des arômes (comme le diacétyle). Si l’on veut éviter l’invasion de la chimie dans son assiette, mieux vaut donc opter pour le vrai beurre, un produit 100 % naturel et sans additif excepté éventuellement le bêtacarotène qui lui confère sa couleur jaune.