Elsa Casalegno
Les serres chauffées de nouveau autorisées
L’interdiction de commercialiser des légumes bio cultivés sous serres chauffées, décidée le 11 juillet 2019 par l’Institut national de l'origine et de la qualité (Inao), était contestée par les sections légumières de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et de la Coopération agricole. Le Conseil d’État leur a donné raison.
La mesure n’aura tenu que trois ans. Pour entraver le chauffage des serres destinées à la production de légumes bio, l’Institut national de l'origine et de la qualité (Inao) avait voté en 2019 l’interdiction de commercialiser la production cultivée sous ce type de serres, entre le 21 décembre et le 30 avril inclus. Or pour des légumes comme le concombre ou la tomate, les serres chauffées n’ont alors plus d’intérêt : au 1er mai, la production du sud de la France (sous serres non chauffées) est sur le point d’être récoltée. Cette mesure, proposée par le ministre de l’Agriculture de l’époque, Didier Guillaume, mettait fin à plusieurs semaines de polémiques entre puristes et productivistes. À la surprise générale, elle se rapprochait davantage de la position défendue par les acteurs historiques de la bio en France, la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) et le Syndicat des transformateurs et distributeurs bio (Synabio), que de celle du syndicat agricole majoritaire FNSEA et ses alliés.
Mais ces derniers n’ont pas lâché l’affaire. Légumes de France (section spécialisée de la FNSEA) et Felcoop (section spécialisée de la Coopération agricole) ont attaqué la décision de l’Inao et du ministère de l’Agriculture devant le Conseil d’État en 2020. La haute juridiction française a rendu sa décision le 28 juin 2023, cassant l’interdiction de l’Inao pour « excès de pouvoir ». Lors de l’audience, qui s’est tenue le 12 mai 2023, l’avis du rapporteur public laissait peu d’espoir à l’Inao et à la Fnab. Il avait en effet recommandé « l’annulation » de cette décision, estimant que l’Inao était allé « trop loin dans l’interprétation du règlement européen sur la bio », sortant alors de ses prérogatives en créant du droit, et non en l’interprétant, comme l’avait alors relaté l’agence Agra Presse. Ce règlement contient des principes trop généraux pour permettre une interprétation claire concernant les serres chauffées, et il ne permet pas non plus d’interdire, même temporairement, la commercialisation de produits bio. La haute juridiction a donc suivi le rapporteur public, estimant dans sa décision que le règlement européen « définit de manière exhaustive » les modalités de production biologique et que, par conséquent, « les autorités nationales ne sont pas compétentes pour édicter » des dispositions complémentaires.
Pratiques peu respectueuses de l’environnement
« Pourtant, la pratique du chauffage des serres au gaz contrevient de façon particulièrement manifeste aux principes généraux du règlement », qui stipulent une utilisation responsable de l’énergie, le respect des cycles naturels et l’adaptation aux conditions climatiques locales, proteste la Fnab. Des arguments qui n’ont visiblement pas suffi pour faire pencher le Conseil d’État. Une modification rapide du règlement européen, afin d’encadrer l’usage du chauffage pour les serres, est illusoire, alors qu’une version rénovée est entrée en vigueur il y a peu, en janvier 2022. Seule une interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne pourrait supplanter la décision du Conseil d’État.