Arnaud de Blauwe
Le mirage de l’annulation de crédit
Une association nommée SOS Entre aide démarche des consommateurs équipés en panneaux photovoltaïques. L’association prétend qu’elle peut faire annuler le crédit souscrit pour financer l’installation. Vraiment sérieux ?
« Mais comment ont-ils pu savoir ? » Cet après-midi de juillet, Gérard D., un habitant de Meurthe-et-Moselle, reçoit l’appel d’une jeune femme qui dit travailler pour l’association SOS Entre aide. Et elle paraît bien informée. « D’emblée, enchaîne le particulier démarché, elle m’a parlé des panneaux photovoltaïques installés chez moi et financés par un crédit. Elle m’affirme qu’il était possible d’obtenir son annulation, et donc d’être remboursé, dans la mesure où le contrat signé comportait sûrement des erreurs dans le calcul du TEG, dans l’offre de prêt ou sur le bon de livraison. » Gérard accepte un rendez-vous avec un « consultant régional de l’association ». C’est un retraité, Roland S., qui se présente chez lui. « Je lui ai fourni tous les documents qu’il réclamait, raconte notre consommateur. Il m’a assuré qu’il pourrait récupérer les 24 000 € empruntés plus 5 000 € de dommages-intérêts. L’association travaille en deux temps : d’abord la recherche d’un accord amiable avec l’organisme de crédit puis, en cas d’échec, une phase contentieuse avec envoi du dossier chez un avocat spécialisé. Mon visiteur m’a réclamé un chèque de 2 000 € et m’a prévenu que l’association touchera 24 % du montant des sommes récupérées. » Le représentant de SOS Entre aide s’engage toutefois à ne pas encaisser le chèque avant l’expiration du délai de rétractation de 14 jours. « Après son départ, j’ai quand même eu des doutes sur le sérieux de cette association, reconnaît Gérard. L’antenne locale de l’UFC-Que Choisir sollicitée les a confirmés. Du coup, j’ai rappelé Roland S. Il m’a répondu que si je n’étais pas convaincu, le mieux était de résilier. » C’est ce qu’a fait Gérard qui a depuis récupéré son chèque.
Un avocat qui tombe des nues
Pénétrer les coulisses de cette association, dont le siège social est situé dans un centre d’affaires de Marseille (13), c’est tomber sur quelques zones d’ombre. Dans les conditions générales du contrat remis à Gérard, il est écrit que son affaire pourrait être confiée à un avocat qui exerce dans le Nord, Me B. « Ah vous me l’apprenez, confie-t-il à Que Choisir. Je suis surpris car un client garde le libre choix de son défenseur. Effectivement, je collabore avec SOS Entre aide. J’ai reçu quelques coups de fil de personnes envoyées par eux. Mais encore aucun dossier. » Toujours est-il que cet avocat s’est associé dans une structure avec quelques confrères établis dans le Sud. Et qui, eux aussi, ont des contacts avec SOS Entre aide. Une technique pour rabattre des clients vers ces cabinets ?
Le site de l’association étonne en outre par le peu d’information que l’on y trouve. Le numéro de téléphone donné aboutit le plus souvent sur une boîte vocale qui ne prend pas de messages. Que Choisir a cependant fini par joindre Alain F., « ancien fonctionnaire du ministère des Finances », qui semble être « le » responsable de SOS Entre aide. « Pour démarcher les propriétaires de panneaux photovoltaïques, explique Alain F., nous pourrions acheter une liste qui les recense, mais on le fait pas. Nous travaillons avec Google earth, qui nous permet de repérer les maisons équipées, et avec une douzaine de délégués régionaux. Lorsqu’un client nous confie son dossier, nous le soumettons à un expert que nous payons 1 200 € environ. Si on n’arrive à rien, on rembourse les 2 000 € versés. On s’engage dans une voie plus contentieuse seulement si l’adhérent dispose d’une protection juridique. » Et Alain F. d’ajouter : « Nous ne prenons que les dossiers pour lesquels nous avons une chance de gagner. Nous en avons 250 d’actifs : pour une quarantaine d’entre eux, des assignations en justice ont été envoyées et pour une douzaine d’autres nous négocions une transaction. »
Les juges n’annulent pas automatiquement
Tout en précisant qu’avec « le photovoltaïque on est face à des escrocs de haut vol », Alain F. est catégorique : « Les tribunaux nous donnent raison. » Il se garde bien, néanmoins, de nous adresser quelques témoignages ou jugements appuyant ses dires… SOS Entre aide n’est pas la seule structure « à vendre » cet espoir de voir son crédit annulé. Et attention aux mirages. Aux tracas que le photovoltaïque a causé chez de nombreux particuliers, il ne faudrait pas en ajouter d’autres. Comme le notait une enquête publiée par Que Choisir en 2016, les tribunaux sont loin d’annuler « automatiquement » les prêts viciés par des irrégularités. « Et puis, dans le cas de Gérard D., on voit mal un juge prendre une telle décision. Cela fait tout de même 4-5 ans qu’il utilise ses panneaux », note l’UFC-Que Choisir de Nancy qui a examiné son dossier.