ACTUALITÉ
Rénovation énergétique

Le tout-électrique revient en force

Décidément, nos dirigeants ne jurent plus que par l’électricité pour le chauffage. Au point de faire passer les économies d’énergie et la réduction de la facture des ménages au second plan. Aberrant !

Après le tour de passe-passe qui va imposer l’électricité comme mode de chauffage dans tous les logements neufs à compter de 2021, le gouvernement récidive sur la rénovation du parc existant. En l’état actuel du projet de réglementation soumis à consultation, sa stratégie nationale de rénovation énergétique des bâtiments modifie l’orientation jusque-là suivie, qu’il s’agisse du niveau de la rénovation basse consommation ou des classes du diagnostic de performance énergétique (DPE). L’objectif étant, en effet, de faire en sorte que l’électricité soit favorisée et que le chauffage électrique devienne la norme en rénovation.

À l’heure des grands discours sur l’urgence de la transition énergétique, ce projet confirme que la France du tout-électrique et du tout-nucléaire est de retour, même si personne n’ose le crier sur les toits en haut lieu. Tout se trame dans les ministères. On y ajuste des critères hypertechniques et on les insère dans chaque réglementation, sans grand débat. Même s’il y a des mises en consultation publiques, elles ne parlent qu’aux experts.

Les conséquences sur le budget des ménages vont pourtant être lourdes. D’abord avec la refonte complète du niveau BBC (bâtiment basse consommation) rénovation. Chez Effinergie, l’association qui a élaboré et créé ce label, on n’en revient pas. « Il est inadmissible que le gouvernement modifie ses critères et le détériore sans aucune concertation préalable et sans nous avoir associés à la réflexion, tonne Yann Dervyn, son directeur. Actuellement, BBC rénovation repose sur une forte isolation qui minimise les besoins de chauffage. Avec cette réforme, il y en aura beaucoup moins à faire pour les logements chauffés à l’électricité, ils pourront consommer deux fois plus. Ils seront classés BBC tout en conservant une facture énergétique élevée pour les occupants. C’est un non-sens, d’autant plus que les pompes à chaleur performantes sont déjà compatibles avec notre label BBC rénovation. » Et puis, il y a le fameux DPE, obligatoire en cas de vente ou de location. Il est pour l’heure exprimé en énergie primaire (1), conformément à la directive européenne. « L’exécutif veut le passer en énergie finale (1) pour faire entrer massivement les convecteurs électriques dans les habitations et surclasser tous les logements chauffés à l’électricité au lieu de les rénover », dénonce Olivier Sidler, porte-parole de l’association NégaWatt, un organisme qui prône une rénovation énergétique très performante débouchant sur des économies d’énergie spectaculaires.

Les consommateurs dindons de la farce

Ainsi, les logements chauffés à l’électricité aujourd’hui étiquetés C vont passer par magie en B, sans qu’on ait amélioré le moins du monde l’isolation de leur bâti. Les résidents continueront à payer autant pour leur chauffage, mais officiellement, leur domicile sera devenu performant ! Ceux en E s’amélioreront en D, etc. On n’aura même plus besoin d’en rénover, les passoires thermiques chauffées à l’électricité n’existeront plus alors qu’elles resteront tout aussi inconfortables et ruineuses pour les foyers ayant la malchance de les occuper. En revanche, les habitations chauffées au gaz ou au bois ne bougeront pas, voire seront rétrogradées, en fonction des modifications apportées à l’étiquette énergie. Enfin, les pouvoirs publics envisagent un « niveau BBC équivalent », que l’on atteindra par une simple règle de calcul « en agrégeant les petits gestes de rénovation » réalisés au fil des années. Là encore, Effinergie s’en étrangle. « Une rénovation BBC, même si on la fait par étapes, c’est une approche globale, avec une interaction entre tous les travaux. Elle est indispensable pour obtenir une bonne étanchéité à l’air. Saucissonner l’acte de rénovation en accumulant les opérations à 1 € ne mènera jamais à un niveau BBC », tacle Yann Dervyn. Elles donneront pourtant droit à la classe B de l’étiquette énergie. On n’y comprendra plus rien… « La classe énergétique est actuellement révélatrice des coûts, on sait qu’en A et B, on ne consomme pas beaucoup, ce ne sera plus le cas. C’est une vraie tromperie pour les locataires et les propriétaires, s’insurge NégaWatt. Le gouvernement a décidé de tout passer à l’électricité pour décarboner en oubliant les économies d’énergie, ça va coûter cher aux consommateurs. »

Point de vue

Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l’Isère (LREM)

« Le DPE ne doit pas être influencé par les énergies »

Coanimatrice du plan de rénovation énergétique des bâtiments et membre du Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique, Marjolaine Meynier-Millefert suit de près les évolutions réglementaires. Que Choisir lui a demandé ce qu’elle pensait du projet national de rénovation thermique des logements. La réponse de la députée : « Si la priorité reste l’efficacité énergétique, la neutralité carbone devient un enjeu très important. Mais la décision politique et le débat doivent précéder les arbitrages techniques, pas l’inverse. La réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE) est nécessaire. Il devrait porter sur la qualité de l’enveloppe, l’isolation du bâti, pas sur l’énergie qui est utilisée pour chauffer le logement. Il faut parvenir à neutraliser cette problématique d’énergie primaire ou finale (1), le DPE doit dire si le bâti est efficace ou pas, le diagnostic ne doit pas être influencé par les énergies. L’objectif politique est d’avoir la meilleure enveloppe possible. »

Décarboner

Un impératif pour le climat

Neutralité carbone en 2050 : tel est l’objectif fixé aux bâtiments. S’il est indispensable d’y parvenir pour tenter de contenir les effets du changement climatique, les moyens à employer font débat.

Le gouvernement compte sur le tout-électrique, en grande partie grâce au nucléaire, qui est, de fait, très peu émissif en gaz à effet de serre. Mais au lieu de miser avant tout sur la réduction des consommations d’énergie, il assouplit les règles pour laisser la part belle au chauffage électrique par radiateurs, bon marché en investissement mais très coûteux à l’usage.

Une diminution drastique des consommations d’énergie avec la rénovation thermique au niveau BBC de 780 000 logements par an est prônée, à l’inverse, par NégaWatt, qui regroupe des experts en efficacité énergétique. Habitats que l’on peut chauffer au bois énergie ou à l’électricité, mais uniquement par des pompes à chaleur à coefficient de performance (COP) élevé. En 2050, les énergies renouvelables pourraient couvrir en totalité ces besoins très réduits.

(1) Énergie primaire et énergie finale : l’énergie primaire est celle qu’il faut consommer pour apporter 1 kWh d’énergie finale au compteur de l’usager. Pour la plupart des énergies c’est à peu près équivalent, elles existent dans la nature. Sauf l’électricité, qui est produite à partir du nucléaire, du charbon, du gaz. Il faut donc en moyenne 2,58 kWh d’énergie primaire pour en obtenir 1 en électricité. Logiquement, on multiplie la consommation affichée par 2,58 pour l’avoir en énergie primaire. Compter en énergie finale, celle qui est inscrite au compteur, est un artifice destiné à favoriser l’électricité.

Élisabeth Chesnais

Élisabeth Chesnais

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