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Retraite

Vers la fin du malus Agirc-Arrco ?

Le recul de l’âge légal de départ prévu par le projet de réforme des retraites pourrait entraîner la disparition du malus temporaire, spécifique au régime Agirc-Arrco. Pour les salariés du secteur privé qui vont quitter la vie professionnelle, ce serait une bonne nouvelle.

Le coefficient de solidarité ou malus qui affecte les pensions Agirc-Arrco depuis janvier 2019 est pour le moins pénalisant : durant 3 ans (36 mois), dans la limite de leur 67e anniversaire, les salariés du secteur privé ou agricole nés à compter de 1957 qui partent dès l’obtention de leur taux plein voient leur pension de retraite complémentaire minorée de 10 %. Autrement dit, celle-ci n’est versée qu’à hauteur de 90 % durant les 3 premières années qui suivent la cessation de leur travail (1).

Inciter les futurs retraités à travailler plus longtemps

Adopté en 2017 par les partenaires sociaux pour ramener à l’équilibre les finances de l’Agirc-Arrco (ce qui est désormais chose faite), ce malus n’a jamais caché son sous-jacent : inciter les futurs retraités à décaler leur date de départ, c’est-à-dire à travailler plus longtemps ! Jouer les prolongations durant 12 mois permet en effet d’échapper totalement à ce malus et donc de percevoir immédiatement 100 % de sa pension Agirc-Arrco (des bonus temporaires de 10 %, 20 % ou de 30 %, applicables durant 1 an, ont également été prévus pour les personnes qui continuent à travailler respectivement 2, 3 ou 4 ans de plus au-delà de la date d’obtention de leur taux plein).

Une évidente double peine

Avec le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, prévu par le projet de réforme des retraites actuellement en cours de discussion, le maintien du malus Agirc-Arrco équivaudrait à une double peine : non seulement la réglementation obligerait les personnes nées à partir du 1er septembre 1961 à partir plus tard qu’aujourd’hui, mais en plus, leur pension Agirc-Arrco continuerait à être grevée par cette pénalité s’ils n’acceptaient pas un décalage encore plus lointain de leur date de départ en retraite.

Un dispositif au succès relatif

La question du maintien du malus se pose donc avec acuité, d’autant qu’au regard des derniers chiffres disponibles, ce dispositif de solidarité n’a vraisemblablement pas obtenu le succès escompté : en 2021, selon l’Agirc-Arrco, sur les 616 946 personnes ayant fait valoir leur pension complémentaire (hors celles ayant perçu un versement unique du fait de droits trop faibles), 42,5 % seulement ont été confrontées à une baisse temporaire du montant de leur pension de 5 % ou de 10 %. Pour 2022, cette proportion est de 46,4 %, ce chiffre étant toutefois provisoire car ne comportant pas les deux derniers mois de l’année.

La question se pose désormais avec acuité

Hasard du calendrier ? Les partenaires sociaux qui doivent fixer le prix d’achat du point Agirc-Arrco pour 2023 (c’est le montant de cotisation qui permet d’acquérir un point de retraite Agirc-Arrco), avaient prévu de se réunir au cours de ce premier semestre, sans qu’une date soit pour le moment fixée. « Cela pourrait être l’occasion de discuter de l’avenir du coefficient de solidarité », fait-on savoir du côté du régime, tout en refusant formellement « toute politique fiction » quant au maintien ou à la suppression du fameux malus.

Une première piste sur la table

Pour autant, raisonnablement, plusieurs pistes sont aujourd’hui sur la table. Avec le retour à meilleure fortune des finances du régime, les partenaires sociaux pourraient d’abord être tentés, à la lueur du contexte actuel de forte inflation et donc de perte en pouvoir d’achat, de supprimer purement et simplement le malus (ainsi que les bonus qui vont avec) à partir de la date prévisionnelle d’entrée en vigueur de la réforme, c’est-à-dire à compter du 1er septembre prochain.

Les personnes nées après le 1er septembre 1961 qui seront, en l’état du projet de loi, les premières à être affectées par le recul de l’âge de départ (puisqu’elles ne devraient pouvoir faire valoir leurs droits retraite qu’à partir de leurs 62 ans + 3 mois avec 169 trimestres retraite pour des pensions calculées à taux plein) auraient ainsi l’opportunité de passer entre les mailles du filet du malus. Dans ce cas, pour échapper à ce malus, les personnes nées entre janvier et fin août 1961 pourraient avoir intérêt à attendre quelques mois de plus avant de partir en retraite puisqu’il est prévu qu’elles échappent aux effets de la réforme en cours, celle-ci ne commençant à s’appliquer qu’aux générations nées à compter du 1er septembre 1961. Même chose pour les personnes nées avant fin août 1961, qui n’auraient pas encore fait valoir leurs droits retraite faute d’avoir atteint leur taux plein.

Perspectives et inconnues

Seconde hypothèse : les partenaires sociaux pourraient décider d’une disparition non plus totale, mais progressive du malus, au fur et à mesure des générations impactées par le recul de l’âge de départ. Certaines devraient ainsi travailler 9 mois de plus pour échapper au malus, d’autres 6 mois de plus, et d’autres enfin 3 mois de plus… Mais il leur faudrait dans ce cas faire preuve d’une très grande pédagogie pour que cette fin progressive et programmée du malus, applicable différemment selon les générations, soit parfaitement comprise (à défaut d’être acceptée…), ce qui fait dire à nombre d’experts que cette perspective n’est ni plus ni moins qu’une « usine à gaz ». Troisième et dernière hypothèse, la moins favorable, certes peu vraisemblable actuellement, mais pas impossible : un maintien en l’état du malus, avec l’instauration d’une clause de revoyure fin 2023 ou en 2024 par exemple, afin de décider, à terme, de son devenir.

Au-delà de ces différentes hypothèses, reste encore une inconnue de taille : le sort réservé aux personnes fraîchement retraitées ou à celles qui vont demander leur retraite dans les semaines qui viennent, sachant que leur pension est soit d’ores et déjà grevée par ce fameux malus, soit en passe de l’être… Devront-elles aller jusqu’au bout de leurs 3 ans de coefficient de solidarité quoi qu’il leur en coûte, ou auront-elles la bonne surprise de voir leur pension Agirc-Arrco passer du jour au lendemain ou presque, de 90 % à 100 % ? Réponse dans les semaines qui viennent.

(1) Sont aujourd’hui totalement exonérées de ce coefficient de solidarité les personnes ayant atteint les conditions du taux plein avant 2019 ; non soumises à la CSG avant leur départ en retraite ; qui obtiennent leur retraite de base au titre de l’inaptitude au travail, du handicap ou du dispositif amiante notamment et celles qui se sont vues reconnaître une incapacité permanente partielle de 20 % ou plus à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Les personnes seules dont le revenu fiscal de référence est aujourd’hui compris entre 11 614 € et 15 183 € en 2023, avec un taux de CSG applicable de 3,8 %, ont pour leur part un malus de 5 % durant 3 ans.

Roselyne Poznanski

Roselyne Poznanski

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