Cyril Brosset
Des prélèvements douteux repérés dès 2018
À trois jours de l’ouverture du procès de la SFAM, Que Choisir révèle, chiffres à l’appui, les interrogations émises dès 2018 par un contrôleur des comptes de la société. À l’époque, aucune suite n’aurait été donnée à son alerte.
Les pratiques frauduleuses de la SFAM auraient-elles pu être mises au jour dès 2019 ? À en croire le témoignage d’un lanceur d’alerte ayant travaillé sur le contrôle des comptes de la SFAM à l’époque, la question mérite d’être posée.
En 2019, Antoine* est embauché par RSM Rhône-Alpes pour auditer les comptes 2018 de la SFAM. Son patron, Sadri Fegaier, a fait appel au commissaire aux comptes de Lyon pour valider le bilan financier de sa société, comme la loi l’y oblige. Antoine passe donc une semaine dans les locaux de la SFAM à Romans-sur-Isère à analyser les données financières du groupe. La mission est plutôt classique, si ce n’est une requête. « Dans ma liste de contrôle, on m’a demandé de vérifier si des prélèvements avaient été effectués sur les comptes des clients après la résiliation de leur contrat, se souvient-il. C’était un contrôle très précis et inhabituel. » Antoine a donc cherché, et il a trouvé.
Les tableurs d’analyses comptables, qu’il a conservés et que nous avons pu consulter, font état de 53 771 prélèvements ou tentatives de prélèvements effectués par les sociétés SFAM et Foriou sur les comptes de clients plus de 45 jours après la clôture de leur contrat. À en croire les mentions figurant devant certaines de ces opérations (« Montant contesté », « Provision insuffisante », « Compte soldé », « Mandat invalide », « Titulaire décédé »…), une partie de ces prélèvements n’aurait pas abouti. Mais 48 174 prélèvements abusifs auraient bel et bien été réalisés, pour un montant total de 959 922 €. La plupart varient entre 5,99 € et 75 €, mais on en trouve aussi des plus petits, à partir de 1,99 €, et d’autres dépassant les 100 €. Ces documents montrent que, déjà à l’époque, certains clients auraient subi plus d’une dizaine de prélèvements indus, dont certains plus de 2 ans après la date de clôture du contrat.
Suspicion d’activités frauduleuses
Antoine assure avoir fait part de sa découverte à ses supérieurs, sans qu’aucune suite n’y soit donnée. « On m’a dit que les sommes n’étaient pas significatives et qu’il y avait des travaux plus importants sur des montants de provision. » Peu de temps après, RSM Rhône-Alpes, de toute évidence, certifiait les comptes 2018 de la SFAM et de Foriou. Difficile de savoir si, à l’époque, des réserves avaient été formulées à la direction, le commissaire aux comptes ayant refusé de répondre à nos questions. Aucune alerte ne semble non plus avoir été transmise au procureur de la République, comme la loi l’y oblige pourtant en cas de suspicion d’activités frauduleuses.
Pourtant, une réaction de RSM Lyon à l’époque aurait peut-être pu éviter à des milliers de victimes d’être ponctionnées abusivement. Dans les années qui ont suivi, la SFAM a en effet multiplié les prélèvements frauduleux sur les comptes de ses clients, avec des montants toujours plus élevés. La SFAM et Sadri Fegaier comparaîtront, avec d’autres sociétés du groupe Indexia, à partir de lundi 23 septembre pour des faits de pratiques commerciales trompeuses devant le tribunal correctionnel de Paris.
* Le prénom a été changé.