Arnaud de Blauwe
Du simple au quadruple
La tarification au kilomètre du train a été abandonnée depuis des années. Mais il est quand même intéressant d’évaluer pour diverses liaisons son coût. À l’arrivée, de belles différences !
Notre enquête
Depuis longtemps maintenant, la tarification au kilomètre n’est plus de mise sur le réseau SNCF. Comme le transport aérien, elle a adopté le principe du « yield management ». En simplifiant, le prix du billet évolue selon la date d’achat (« Mais plus vous réservez tôt, plus vous avez de chances de trouver un prix intéressant », insiste la SNCF), du taux de remplissage du train, de l’état de la concurrence (auto, avion) sur le trajet acheté et de la période du voyage (normale ou pointe).Le décor étant planté, il nous a paru intéressant d’évaluer pour 80 liaisons directes en TGV le prix au kilomètre (Paris-province/province-province). Toutes nos recherches ont été effectuées sur le site Internet de la SNCF dans la matinée du 2 février 2015 à partir du même ordinateur. Le passager, un adulte de plus de 25 ans mais de moins de 60 ans, souhaitait réaliser un aller simple le vendredi 13 mars, sur le premier TGV à partir de 17 heures. Notre analyse de tarifs est basée sur le seul tarif TGV Loisir seconde classe, notre passager mystère ne bénéficiant d’aucune réduction. Pour chacune des liaisons retenues dans notre enquête, nous avons divisé le prix affiché par le nombre de kilomètres séparant la ville de départ de celle d’arrivée. De la sorte nous avons pu établir un tarif au kilomètre pour chacun de ces trajets, ce qui nous a permis ensuite d’effectuer diverses comparaisons.
Bon à savoir
Sur les 80 parcours TGV sélectionnés pour notre enquête, nous avons constaté que les tarifs Prem’s (billets à petits prix) n’étaient disponibles que pour 17 d’entre eux.
Prix et durée du trajet : plus c’est court, plus c’est cher !
Le prix moyen au kilomètre décroît en même temps que la durée du voyage croît. Autrement dit, plus le voyage est long, plus le prix au kilomètre est bas. Plusieurs raisons objectives l’expliquent en partie. Ainsi, que le trajet dure une heure (Paris-Lille, par exemple) ou trois heures (Paris-Marseille), divers coûts sont incompressibles pour la SNCF. Les péages qu’elle verse pour emprunter le réseau influent également. Leur montant n’est pas établi au kilomètre mais est fonction du tronçon de ligne emprunté et il peut représenter jusqu’à 41 % du prix d’un billet TGV.
Avant de rentrer dans le détail des résultats selon la durée du parcours (voir plus bas), une rapide synthèse de notre étude montre que c’est le trajet Perpignan-Aix-en-Provence-Marseille qui remporte la palme du prix au kilomètre le moins élevé pour les trajets province-province : 0,09 € ! Juste derrière, on trouve Lille-Marseille à 0,10 €. Les liaisons internationales (Bruxelles, Londres) affichent les coûts les plus élevés (autour de 0,30 € du km). En outre, partir de Paris est en moyenne plus cher (0,18 €/km) qu’un voyage province-province (0,15 €/km). Mais quelques destinations au départ de la capitale figurent parmi les moins chères de notre étude. C’est au départ de la capitale que l’on trouve d’ailleurs le prix le plus bas de notre étude : pour rallier Brest, le kilomètre revient à 0,08 € ! Mais si la collecte de ces dizaines de prix permet de tirer une règle générale (plus le trajet est long, plus le coût au kilomètre baisse), la compréhension des écarts que nous avons constatés sur nos 80 trajets passe par une analyse plus fine, liaison par liaison (par exemple, état de la concurrence sur l’axe considéré).
Trajets de moins d’une heure : chère, la minute supplémentaire !
Dans notre échantillon des trajets inférieurs à une heure assurés par TGV, la durée du voyage varie de 21 à 55 minutes. Entre le haut et le bas de la fourchette, l’écart atteint 0,15 €, ce qui n’est pas négligeable. Et pour une petite minute de différence, le coût au kilomètre peut fortement varier. Par exemple, il faut 48 minutes pour aller de Paris à Reims, pour un prix au kilomètre de 0,31 €. Mais les 47 minutes qui séparent Dax de Pau et Aix-en-Provence d’Avignon sont facturées moins chères : respectivement 0,16 et 0,21 €. À noter que comme le voulait notre protocole d’enquête, nous n’avons retenu que des trajets effectués en TGV. Mais certaines de ces courtes liaisons sont aussi assurées par des Intercités et des TER… sans que le tarif ramené au kilomètre ne soit forcément très différent.
Trajets d’une à deux heures : les écarts se creusent
De 0,10 à 0,32 € le kilomètre. La différence (0,22 €) entre la liaison la moins chère et la plus chère est plus forte que pour les trajets de moins d’une heure. C’est d’ailleurs dans cette « catégorie » que l’on trouve le voyage qui affiche le coût kilométrique le plus élevé : 0,32 € pour Lille-Londres. Le fait que l’Eurostar doive emprunter le tunnel sous la Manche (payant) n’est probablement pas étranger à cette réalité. Et, pour preuve que la distance parcourue n’est pas directement corrélée au coût kilométrique, on peut par exemple comparer Paris-Nancy à Paris-Tours. Si ces deux trajets font environ 300 kilomètres chacun, il y a 0,08 € d’écart au kilomètre entre le premier (0,19 €/km) et le second (0,27 €/km). Heureux habitués de la ligne Poitiers-Bordeaux : dans notre estimation, le kilomètre ne revient qu’à 0,10 € !
Trajets de deux à trois heures : moins de différences
Nous l’avons évoqué plus haut, dans la synthèse de notre étude : plus le trajet est long (cela se vérifie toutefois davantage pour la distance que pour le temps), plus le coût au kilomètre a tendance à baisser. Cela se vérifie bien avec cette catégorie de trajets, stratégique pour la SNCF. Car au-delà de trois heures, il est plus difficile pour le train de capter de la clientèle, celle-ci pouvant être tentée par l’avion, surtout si celui-ci offre des tarifs compétitifs. Résultat, la plupart des trajets retenus ne dépassent pas les 0,17 € du kilomètre. Et la fourchette se resserre : 0,09 € pour le moins cher et 0,22 € pour le plus coûteux, si l’on met à part le cas particulier de Paris-Londres (0,29 €/km), qui doit emprunter le tunnel sous la Manche, ce qui est facteur de coûts supplémentaires pour l’Eurostar.
Trajets de trois à quatre heures : le cours du kilomètre continue de chuter !
Le réseau des lignes à grande vitesse (LGV) qui s’est tissé progressivement sur tout le territoire a eu pour effet de considérablement réduire le nombre de voyages en train de plus de trois heures. En 2017, cela sera encore plus marqué, lorsque Paris-Bordeaux se fera quasi de bout en bout à environ 300 km/h (560 km en un peu plus de deux heures) et que la ligne grande vitesse vers l’Ouest sera prolongée du Mans à Rennes. Le coût au kilomètre passe sous la barre des 0,20 € pour toutes les liaisons sélectionnées, avec un écart de 0,10 € seulement entre la plus et la moins intéressante côté coût.
Trajets de plus de quatre heures : pour 7 centimes de plus…
0,08 € du kilomètre, pour Paris-Brest (qui dure 4 h 07 dans notre configuration) : le coût le plus bas de cette étude. Mais logiquement, dans cette catégorie, on ne flirte pas avec les sommets ! Le prix kilométrique le plus élevé atteint 0,15 €, soit un centime de moins que le prix le plus bas constaté pour les trajets de moins d’une heure. Comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs ? Si la SNCF suivait une autre approche, vu les distances parcourues, le prix du billet serait tout simplement prohibitif. Autant dire que ces liaisons par train, qui sont aujourd’hui loin d’être toutes rentables, auraient encore moins de raisons d’être.
Isabelle Bourcier
Observatoire de la consommation