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Traitement anti-poux

Faut-il utiliser l’ivermectine ?

Indiquée dans le traitement de certaines affections parasitaires comme la gale, l’ivermectine n’est pas autorisée en France dans le traitement des poux. Des études ont pourtant prouvé son efficacité dans cette indication. Mais le risque de voir émerger des résistances incite les professionnels à la prudence.

Sur le papier, l’ivermectine a tout du traitement idéal. Ce médicament antiparasitaire que l’on trouve en France sous le nom Stromectol (laboratoire Merck Sharp and Dohme) ou ses formes génériques (laboratoires Mylan, Biogaran, Pierre Fabre…) s’avère non seulement efficace contre les poux de tête mais il ne nécessite qu’une seule prise par voie orale (avec un nombre de comprimés déterminé en fonction de l'âge et du poids). C’est pourquoi certains parents et médecins y voient le remède miracle contre cette infestation certes sans danger (les poux de tête ne transmettent aucune maladie) mais extrêmement désagréable et laborieuse à endiguer.

Non indiqué contre les poux malgré son efficacité

Pourtant, en France, la substance n’est pas indiquée dans le traitement des poux, faute d'autorisation de mise sur le marché (AMM). Les médecins qui la prescrivent « hors AMM » engagent donc leur responsabilité. L’ivermectine reste en effet réservée au traitement d’autres infections parasitaires telles que la gale et des parasitoses tropicales (filariose lymphatique et anguillulose). Des aspects économiques pourraient en partie expliquer cet « oubli », comme l’expliquait en 2014 le professeur Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses, dans le magazine Le Point : « Est-ce que le laboratoire l'ayant découvert (Merck) ne veut pas investir d'argent, car décrocher l'agrément d'une indication nouvelle pour un médicament est un processus très coûteux […] ? Probablement, car ce médicament ancien peut être utilisé comme générique et, dans ces conditions, les études de mise sur le marché ne seront jamais rentabilisées pour le laboratoire. »

Mais au-delà de ces considérations économiques existent également des arguments scientifiques. Les spécialistes redoutent l’émergence de résistances qui ont déjà rendues inefficaces un pan entier des traitements anti-poux, à savoir la famille des insecticides neurotoxiques. Ces produits très populaires il y a une vingtaine d’années ont alors peu à peu disparu du marché français. Ainsi le Prioderm (malathion), leur dernier représentant, a cessé d’être produit fin 2018. Or dès 2010, une étude parue dans The New England Journal of Medicine indiquait que le traitement par ivermectine présentait une efficacité significativement supérieure aux traitements insecticides habituels (malathion). Et à l’époque déjà, l’article concluait que cette prescription devait demeurer exceptionnelle en raison du risque d’émergence de résistances.

Des premiers cas de résistances apparaissent

Car malgré les gros avantages thérapeutiques de ce médicament, des premiers cas de résistances de poux de tête ont été documentés au Sénégal et relayés par des publications scientifiques, notamment en 2018 dans la revue PloS Genetics (1). Ces données incitent donc à la mesure et à la prudence.

En premier lieu car il serait dommageable de créer des résistances contre un produit utile dans des cas sévères : l’ivermectine est notamment utilisée pour lutter contre les poux de corps qui touchent surtout les populations vulnérables – sans-abris, réfugiés – et qui, contrairement aux poux de tête, sont vecteurs de bactéries pathogènes (Rickettsia prowazekii, Bartonella quintana, Borrelia recurrentis).

En second lieu car ce produit demeure un médicament neurotoxique. Il présente certes très peu d’effets secondaires connus chez l’homme mais, selon la Société canadienne de pédiatrie, en raison de sa neurotoxicité, il ne doit pas être utilisé chez les enfants de moins de 15 kg. Or le caractère bénin des poux de tête doit conduire à choisir en première intention des traitements exposant à un minimum d’effets indésirables, d’autant que les réinfestations appellent à répéter le traitement de nombreuses fois.

Il convient donc désormais de privilégier les produits étouffeurs en raison du peu d’effets indésirables connus qu’ils entraînent et de l’efficacité prouvée de certains d’entre eux lors de nos tests.

(1) https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27211825

Marie-Noëlle Delaby

Marie-Noëlle Delaby

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