Arnaud de Blauwe
Nouveau règlement à l’embarquement
Modifier ou adopter un texte européen prend traditionnellement du temps. La révision du règlement européen 261/2004 qui renforce les droits des passagers européens ne contredira pas ce constat. La nouvelle mouture ne devrait pas être prête avant, au mieux, 2013/2014. La phase de concertation a débuté.
La Commission européenne a annoncé qu’elle souhaitait modifier le règlement 261/2004 sur les droits des passagers aériens. Pour l’heure, elle en est au stade des premières consultations organisées dans chacun des pays membres de l’Union.
Cette modification s’inscrit dans un contexte qui a beaucoup évolué ces derniers mois. En 2010, le volcan islandais et les épisodes neigeux ont révélé les « lacunes » face à des événements aussi exceptionnels. Et l’année précédente, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) avait rendu un arrêt remarqué (arrêt Sturgeon) dans lequel elle considérait que les indemnisations forfaitaires (250 à 600 euros selon la distance du vol), prévues par le règlement européen pour les seuls cas d’annulation et de surréservation, devaient aussi s’appliquer aux retards de plus de 3 heures (lire notre article).
Les compagnies refusent néanmoins d’appliquer cette décision de justice, avec l’aval plus ou moins explicite des autorités nationales de l’aviation civile. Pour légitimer cette position, les transporteurs aériens évoquent les questions préjudicielles que des juridictions des États membres (par exemple, la Haute Cour de justice britannique) ont posées à la cour de Luxembourg pour qu’elle explicite son arrêt.
Péril en la demeure
Mais la vraie raison est ailleurs. Les compagnies aériennes estiment que cette décision est totalement déséquilibrée et pourrait mettre en péril l’existence de certaines d’entre elles. « Imaginez que la personne a acheté un billet 100 euros : si son avion a plus de trois heures de retard, elle pourrait obtenir une indemnisation forfaitaire d’au moins 250 euros. Ce n’est pas raisonnable : il faut que les montants à verser soient proportionnels au prix du billet payé par le passager », tranche François Bacchetta, directeur général France d’Easyjet.
Malgré ces réticences, les tribunaux nationaux (en France, la juridiction de proximité, le plus souvent) ont d’ores et déjà la possibilité de condamner une compagnie à indemniser un passager en retard en se fondant sur l’arrêt de la Cour européenne. À condition que le retard soit imputable au transporteur, ce qui n’est pas toujours facile à prouver quand celui-ci le conteste.
Le futur règlement devrait permettre de clarifier la situation, mais il ne sera pas bouclé avant, au mieux, 2013/2014. Un temps que les compagnies aériennes mettront sûrement à profit pour convaincre la Commission de ne pas reprendre dans son texte la position de la CJCE. Les transporteurs souhaiteraient également que le futur règlement précise les obligations de prise en charge des passagers (restauration, hébergement…) qui leur incombent en cas de perturbations. « Il faudrait qu’elles soient limitées dans le temps, par exemple une nuit au maximum », plaide le représentant d’une compagnie française.