CONSEILS
Assurance vie

Les pièges à éviter

Sous le capot de l’assurance vie, les écueils sont nombreux. En voici 8 à connaître, et nos conseils pour s’en prémunir.

1. Un placement cher payé

Passons la facture à la loupe, et débusquons les déconvenues qu’elle nous réserve.

Les frais sur versements

D’abord, il y a les frais pris sur les versements : 3 % en moyenne. Vous mettez 100 € dans un contrat, 3 € sont prélevés d’emblée et votre investissement réel s’élève à 97 € (par comparaison, le livret A est exempt de frais d’entrée). Le taux légal maximal de cette ponction atteint 5 %. Dans les faits, attendez-vous à tout, de 0 % sur les contrats internet à 4, voire 4,5 % dans certaines offres d’assureurs traditionnels.

Les frais de gestion

Ensuite, on trouve les frais de gestion du contrat. Il s’agit d’un prélèvement sur votre capital pour rémunérer le traitement de vos deniers par l’assureur. Le tarif moyen est de 0,75 % par an sur le fonds en euros, et de 0,9 % sur les unités de compte (c’est cher, sachant que les assureurs n’y garantissent pas le capital). Attention, sur les secondes, l’application des frais se matérialise par une diminution du nombre de parts détenues. Ainsi, si vous en aviez acquis 100 initialement avec 1 % de frais, vous n’en possédez plus que 99 au bout d’un an, puis 98,01 après deux ans… 

Ce n’est pas tout : les unités de compte ont aussi leurs propres frais de gestion, de 1,5 à 3 % annuels selon les supports. C’est souvent invisible pour l’épargnant, la performance de chacun étant annoncée nette de frais. Enfin, citons tous les coûts d’utilisation de certains services : arbitrage entre les supports, options de gérance, garanties décès, etc. Ainsi, la « gestion pilotée », qui consiste à confier votre capital à des experts afin de le faire fructifier, vous sera en général facturée de 0,2 à 0,5 % de frais de gestion supplémentaires chaque année. Sachez que toutes ces dépenses sont indiquées dans la documentation contractuelle, et que les assureurs ont l’obligation de publier sur leurs sites la grille des frais totaux pour chaque contrat.

 Notre conseil  Régler des frais est normal, mais en payer trop, non. En assurance vie, si l’addition est lourde, elle reste très variable selon les contrats. Négociez toujours les frais sur versements, soyez vigilant sur ceux de gestion, pesants sur la durée, et évitez les options trop coûteuses.

2. Des fonds en euros opaques

Le rendement moyen de ce type de support est un trompe-l’œil, masquant des écarts considérables. Illustration : en 2022, il fut de 2 % net mais, en arrière-plan, les assureurs ont servi de 0,5 à 3 % selon les contrats, voire davantage pour quelques anciennes assurances vie à taux garantis… Plus surprenant encore, cette élasticité de la rémunération se constate également entre les produits d’une même compagnie, les meilleures performances étant octroyées à ceux en cours de commercialisation. Une discrimination légale puisque, selon le Code des assurances, l’assureur est libre de répartir sa participation aux bénéfices entre ses produits… Bref, question équité, on repassera. Et ce n’est pas le seul piège. La communication des assureurs est parfois partielle, sinon trompeuse.

 Exemple  Leur refus assez généralisé d’indiquer les encours des produits en regard des rendements servis (alors que c’est un engagement de leur fédération). Les données sur les contrats fermés à la souscription sont souvent passées sous silence. Et, même si, légalement, toute « entreprise d’assurance » est tenue de publier sur son site « le taux moyen de la participation aux bénéfices attribué pour chacun de ses contrats d’assurance vie », et ce pendant cinq ans minimum, il faudra vous armer de patience pour retrouver cette information et, surtout, l’analyser, le taux moyen étant, comme dit plus haut, un trompe-l’œil. Reste que les fonds en euros ont repris des couleurs en 2022 avec des rendements en hausse, ce qui n’était pas arrivé depuis plus de 15 ans. Là encore, attention ! Nombre de taux attractifs (à plus de 2 %) étaient alloués à l’épargnant en échange d’une prise de risque importante sur les unités de compte.

 Notre conseil  Prenez du recul sur les taux des fonds en euros. Sont-ils soumis à condition ? Comment l’assureur rémunère-t-il d’anciens contrats ? Votre salut : sélectionner ceux aux bons rendements sur plusieurs années de suite.

3. Le yoyo des unités de compte

Les établissements financiers martèlent ce message : pour plus de performance, il faut éviter le fonds en euros garanti, et placer son argent sur les marchés. Ce qui se traduit par un recours aux unités de compte. Soit en choisissant vous-même (ou avec un conseiller) les supports en question, soit en recourant aux solutions de gestion clé en main. Dans les années 2010, un bon quart des versements en assurance vie était dirigé tous les ans vers ces supports risqués.

Cependant, pression commerciale oblige, leur part n’a cessé de grimper depuis trois ans, pour atteindre 40 % ces derniers mois. Ce qui a entraîné plusieurs mises en garde de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le gendarme financier, envers les assureurs. Car ce basculement a deux conséquences. Premièrement, avec les unités de compte, le risque est transféré sur l’assuré, l’assureur ne garantissant plus le capital, lequel peut diminuer (l’investisseur en est-il bien conscient ?). Deuxièmement, les rendements de ces supports sont erratiques, autrement dit souvent positifs, mais parfois fortement négatifs (lire le graphique ci-dessous). En résumé, la volatilité des marchés financiers a gagné l’assurance vie. Votre conseiller vous affirmera que, sur la durée, les unités de compte sont plus performantes que les fonds en euros. À voir ! Tout dépend du tempo d’investissement. Ce qu’il se gardera de vous révéler, c’est que, moins gourmandes en fonds propres, les unités de compte sont une source d’économies pour les compagnies. Et qu’inversement, elles sont beaucoup plus chargées en frais.

 Notre conseil  Le recours aux unités de compte doit correspondre à votre profil d’épargnant. C’est une voie risquée et onéreuse, même si, sur la durée et en privilégiant une épargne régulière, elle est probablement plus rentable que celle misant tout sur le fonds en euros.

Unités de compte - Des résultats en dents de scie

L’alternance de performances positives et négatives (1) doit inciter à la prudence avec ces supports fortement chargés en frais, et qui comportent un sérieux risque de perte en capital.

4. Des produits illisibles et trop sophistiqués

La notice contractuelle d’une assurance vie avoisine 20 à 30 pages, parfois plus. Ajoutez-y les dizaines de pages d’annexes financières des unités de compte (aux dénominations nébuleuses) que l’assureur doit vous donner à la souscription, sous forme numérisée ou non. Lirez-vous ces pavés ? Sans doute pas. Outre une longueur excessive, c’est jargonneux, les assureurs faisant rarement des efforts de vulgarisation.

 Exemple  Les tableaux de valeur de rachat, cet élément clé sur les niveaux de garantie de votre épargne, sont indéchiffrables par le grand public. Même les experts avouent s’y noyer ! Toute cette masse d’informations déployée (les assureurs y sont tenus par la réglementation) va de pair avec une autre embûche : la sophistication des contrats. Cette dernière s’accroît depuis une dizaine d’années, avec toujours plus d’unités de compte et d’options de gestion proposées. Il est bien fini le temps des contrats simples comprenant uniquement un fonds en euros, sauf exceptions chez quelques mutuelles (AGPM, Ampli Mutuelle, Monceau Assurances). Sachez, enfin, que les produits d’épargne retraite (tel le PER) sont quasi systématiquement des contrats d’assurance vie. De quoi ajouter à la confusion !

 Notre conseil  N’investissez pas dans un produit dont vous ne comprenez pas les tenants et les aboutissants. Pour l’assurance vie, sauf à être averti ou très bien conseillé, visez résolument les contrats ne comportant que peu de supports financiers (20 à 30 tout au plus) et dénués d’options superflues.

5. Un roulement de l’offre excessif

Nul ne sait exactement combien de contrats sont gérés par les compagnies. On en dénombre de 200 à 300 en cours de commercialisation mais, selon l’ACPR, jusqu’à 18 000 versions d’assurances vie existent chez les assureurs ! Deux raisons expliquent cette démultiplication. Tout d’abord, la quasi-totalité des contrats proposés depuis 30 ans sont sans durée fixe, se prorogeant d’année en année jusqu’au décès de l’assuré, sauf retrait des capitaux avant. Ensuite, les établissements financiers font montre d’une véritable frénésie créatrice, avec des produits aux durées de vie « commerciales » bien courtes.

Prenons la gamme assurances vie de LCL : plus de 80 de ses contrats ne sont plus ouverts à la souscription… Effet boomerang, ce roulement de l’offre s’accompagne, chez la plupart des assureurs, d’un traitement plus favorable accordé aux produits en cours de commercialisation. Les taux des fonds en euros y sont meilleurs, et l’offre financière s’avère souvent plus étoffée. Comme une assurance vie n’est pas transférable dans un autre établissement, les possesseurs de vieux contrats se sentent en général coincés.

 Notre conseil  Vous détenez une assurance vie assez ancienne ? Jugez ses résultats. S’ils sont insuffisants, envisagez de la fermer, afin de réinvestir dans un contrat plus performant.

6. Une réserve non redistribuée

Autour de 70 milliards d’euros appartenant aux assurés restent aux mains des assureurs, qui en pilotent la redistribution. Le nom de ce trésor de guerre ? La provision pour participation aux bénéfices, dite PPB. Tels des écureuils, les compagnies y versent depuis 12 ans une partie des gains des fonds en euros. Alors que la PPB représentait 1,6 % de rendement qui aurait pu être versé aux assurés en 2012, elle atteignait 5 % fin 2022. Mais les assureurs n’ont qu’à peine puisé dedans l’an passé – autour de 0,2 % – pour remonter les taux. Pas de quoi vider la cagnotte ! Rassurante sur le papier (elle devait servir à mettre du rendement de côté les bonnes années pour le restituer en période de vaches maigres), la PPB prête le flanc à trois critiques majeures.

  • Un, contrairement à sa vocation, elle n’a pas limité l’érosion des fonds en euros ces dernières années, sauf en 2022.
  • Deux, sa redistribution s’avère très inégale entre les contrats, l’assureur ayant toute latitude sur ce point – de fait, même si votre épargne a nourri la PPB, rien ne dit que vous en percevrez les fruits un jour.
  • Trois, si, légalement, cette réserve doit être redistribuée aux assurés sous huit ans au plus, sachez que chaque année, par un jeu d’entrées-sorties comptables, les assureurs gèrent leur PPB sans grosse pression. Ajoutons qu’elle leur permet de réduire leurs contraintes de solvabilité. Bref, ces réserves profitent avant tout… aux compagnies.

 Notre conseil  N’attribuez pas trop d’importance aux hauts montants des réserves affichés ici ou là. C’est un élément d’information secondaire au regard des autres critères de choix d’un contrat.

7. Des avantages fiscaux survendus

Le cadre fiscal de l’assurance vie doit être apprécié à sa juste valeur. Cela commence par bien connaître les règles, puis en tirer des leçons. Si vous récupérez tout ou partie de vos capitaux, via un retrait (partiel ou total, donc), avant huit ans de détention du contrat, la fiscalité ne sera pas plus intéressante que sur d’autres placements. Elle sera même plus pénalisante que sur les livrets réglementés ou le plan d’épargne en actions. En revanche, après huit ans, l’assurance vie devient un bon plan fiscal grâce aux abattements sur les intérêts. Voilà pourquoi ce produit est résolument destiné à être conservé sur le long terme.

Parlons maintenant du décès de l’assuré. Là, le ou les bénéficiaires perçoivent le capital en profitant d’exonérations fiscales. Mais cet avantage est inutile si la personne désignée au contrat est le conjoint survivant ou le partenaire pacsé, exemptés de droits de succession en toutes circonstances. Sachant que toutes les clauses types des contrats prévoient ce scénario et que les épargnants y recourent dans l’immense majorité des cas (aux dires des assureurs), les gains fiscaux au décès font… pschitt.

 Notre conseil  Ne faites pas une fixette sur la fiscalité, y compris si vous disposez d’un vieux contrat aux règles a priori plus favorables. Raisonnez selon vos objectifs et chiffrez les bénéfices fiscaux réels. Apprenez aussi à optimiser les clauses.

8. Certains capitaux décès jamais versés

Longtemps, un sujet est resté confidentiel chez les assureurs : celui des contrats d’assurance vie dormant dans leurs comptes, faute d’être réclamés par leurs bénéficiaires. Il y a cinq ans, l’ACPR avait estimé à 5,4 milliards d’euros ces capitaux tombés en déshérence. Faute de « données plus récentes », elle indique continuer « ses actions pour que les intermédiaires financiers identifient les personnes et leur versent les sommes dues ». Est-ce le cas ? En partie. Un dispositif public, dit Agira 1 (Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance), permet à tout un chacun de savoir s’il est bénéficiaire d’une assurance vie (art. L.132-9-2 du Code des assurances). Il suffit d’en faire la demande sur Agira-vie.fr, avec un acte de décès de la personne dont on pense être bénéficiaire. Grâce à ce système, l’an dernier, les assureurs ont dû payer 424 millions d’euros, correspondant à 9 712 contrats (au titre des 81 000 demandes de recherche faites en 2021) ! 

Via un autre dispositif, dit Agira 2, les assureurs ont accès au Répertoire national d’identification des personnes physiques de l’Insee, afin de s’informer des décès. L’an dernier, 41 302 défunts ont ainsi été identifiés, ce qui a permis de restituer 753 millions d’euros aux bénéficiaires. Attention, 10 ans après un décès, les compagnies doivent transférer les capitaux non réglés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Toute réclamation passe alors par un autre organisme officiel (Ciclade.fr). Au bout de 30 ans, l’argent est définitivement perdu pour le bénéficiaire, et reversé à l’État ou aux collectivités d’outre-mer.

 Notre conseil  La déshérence n’arrive pas qu’aux autres. Soyez au clair sur vos contrats et sur l’information des bénéficiaires en cas de décès. N’hésitez pas à solliciter les dispositifs publics vis-à-vis de personnes décédées qui auraient pu vous gratifier.

Le PER - C’est de l’assurance vie !

La quasi-totalité des plans d’épargne retraite (PER) individuels sont juridiquement des contrats d’assurance vie. Mais les assureurs restent discrets sur ce point. Normal, le business est juteux : 1,3 million d’ouvertures de PER en 2022, 18,7 milliards d’euros de versements, le tout sans guère innover. Chez tous les assureurs, les PER individuels sont des copiés-collés de leurs assurances vie. Seuls les ajustements réglementaires propres au PER en font un placement différent en façade (déduction fiscale des versements, blocage de l’épargne jusqu’à la retraite). Une telle correspondance juridique engendre deux conséquences pour les épargnants.

  • La première, c’est que celui qui souscrit son assurance vie et son PER dans la même boutique doit savoir que le garant des fonds, en l’occurrence l’assureur, est le même. Or, ce n’est pas une règle de gestion financière saine, la diversification étant souhaitable (notamment pour des montants élevés).
  • La seconde concerne la fiscalité en cas de décès. Le PER sera inclus dans le calcul des capitaux transmis via l’assurance vie, et non traité à part.
Frédéric Giquel

Frédéric Giquel

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