Camille Gruhier
Applications de sportDes outils avides de données personnelles
Les applications de sport constituent une solution idéale à moindres frais pour mesurer son activité sportive, notamment ses sorties en course à pied. Assez complètes même lorsqu’elles sont gratuites, elles sont appréciées des sportifs. Mais cette gratuité n’est évidemment pas désintéressée : publicité ciblée, vente de nouvelles chaussures, de brassards ou de chaussettes de récupération… Les applis constituent de redoutables mouchards à la botte des services marketing. Décryptage.
Le smartphone s’est imposé comme accessoire incontournable pour de nombreux coureurs. Deux raisons à cela : d’abord, il permet d’écouter de la musique pendant l’exercice, pourquoi pas avec un casque audio Bluetooth pour supprimer la gêne d’un câble. Ensuite, il intègre toute la technologie nécessaire à un coaching efficace : accéléromètre, gyroscope, puce GPS et connexion à Internet. Le GPS du smartphone couplé au réseau cellulaire est capable à tout moment de définir votre position, donc votre parcours. Il peut donc vous indiquer votre vitesse instantanée (ou au moins votre moyenne sur le dernier kilomètre) ou votre allure (temps au kilomètre, sur le dernier kilomètre et parfois l’allure moyenne sur la course), la distance parcourue et afficher, à la fin de votre footing ou circuit vélo, une cartographie précise de l’itinéraire suivi. Les applications mobiles dédiées au sport, à la course à pied en particulier, exploitent ces composants. La plupart y ajoutent une dimension « sociale » puisqu’elles permettent de partager ses exploits sur les réseaux sociaux, ou de lancer des défis à la communauté des utilisateurs. Les fonctions sont assez complètes, même lorsque les applications sont totalement gratuites. C’est sans doute pourquoi ces applications ont facilement trouvé leur public.
Les plus célèbres sont Endomondo, Runtastic ou encore Runkeeper. Les fabricants de vêtements et de chaussures de sport se sont également lancés sur le créneau, notamment les géants Nike et Adidas. Ces deux mondes se croisent parfois, puisque qu’Adidas a mis la main sur Runtastic à l’été 2015 et Runkeeper a été rachetée par Asics début 2016. Under Armour avait lancé le mouvement en s’offrant Endomondo en février 2015.
Collecter des données pour mieux vous cibler
Point commun à toutes ces applications : la collecte d’adresses e-mail, puisqu’il est indispensable de créer un compte pour chaque application. Il est aussi possible de se connecter avec ses identifiants de compte Facebook. Dans ce cas, non seulement vous offrez à l’appli l’opportunité d’une visibilité gratuite auprès de tous vos amis, mais en plus elle accède aussi, par défaut, à votre adresse e-mail. Plus simple pour vous, certes, mais doublement intéressant pour l’éditeur de l’appli. Si vous choisissez ce mode de connexion, pensez à restreindre les autorisations d’accès à vos données dans les paramètres de Facebook (nos conseils pour bien paramétrer votre profil Facebook).
Avec leurs applications, Nike et Adidas visent principalement à fidéliser leur clientèle et à collecter des données pour lui adresser des offres très ciblées. En vous proposant de renseigner le modèle de vos chaussures et de calculer le nombre de kilomètres parcourus avec, les équipementiers s’offrent surtout le moyen de vous envoyer une suggestion de nouvelles paires de la marque au moment opportun. Leurs applications ne sont d’ailleurs pas déclinées en version payante. Endomondo, Runkeeper et les autres collectent des informations pour vendre de la publicité ciblée aux annonceurs, mais ils espèrent aussi vendre leurs services payants une fois que le coureur débutant est devenu plus exigeant. Runtastic est assez pauvre dans sa version gratuite, mais ne réclame « que » 5 € pour accéder à la version « Pro » qui donne accès au parcours, au coach vocal, à des exercices spécifiques ou à une « powersong » (une musique rythmée jouée automatiquement en cas de coup de pompe). Ces fonctions sont gratuites dans certaines applications concurrentes, dont la version payante, plus chère, va aussi plus loin. Sport Tracker ou Runkeeper facturent respectivement 4 € et 10 € par mois pour accéder à des entraînements personnalisés et à des programmes spécifiques pour se préparer à un marathon, par exemple.
Ils jouent sur tous les tableaux
Devant la manne de clients potentiels (8,5 millions de Français pratiquent la course à pied, selon la Fédération française d’athlétisme), tout le monde veut sa part du gâteau. Les rachats évoqués précédemment ont fait naître des accès directs aux boutiques en ligne des équipementiers depuis les applications. Parallèlement, les différents acteurs jouent sur tous les tableaux pour qu’aucune donnée de leur échappe. Runtastic propose ainsi des produits dérivés (tee-shirt à 30 €, brassard pour smartphone à 20 €, etc.) et des appareils connectés (bracelet Orbit à 100 €, montre GPS à 150 €, ceinture cardiofréquencemètre à 70 €, etc.). Il est aussi possible d’utiliser Endomondo avec sa montre connectée Pebble, ou encore de lier ses comptes Garmin Connect ou TomTom à celui de Nike pour que les applications (et donc leurs éditeurs) partagent les informations. Et élargissent ainsi le nombre de leurs clients potentiels…