Face à une explosion immorale des tarifs, mettre les banques au pas s’impose
Il y a un peu plus de deux ans (1), l’UFC-Que Choisir mettait en lumière la scandaleuse cherté des frais appliqués sur les comptes des défunts par les établissements bancaires. Force est de constater que, depuis, les banques poursuivent et même amplifient une facturation immorale des frais bancaires de succession, puisqu’elles affichent sur la période une hausse supérieure à 30 %. Dès lors, notre association appelle les parlementaires à voter la proposition de loi sur ces frais discutée à partir de demain à l’Assemblée nationale, et à imposer aux banques des pratiques vertueuses.
Aucune mesure légale n’a été prise pour limiter les frais bancaires de succession
À la fin de l’année 2021, l’UFC-Que Choisir rendait publics des chiffres effarants concernant les tarifs bancaires de succession. Ces tarifs atteignaient alors en moyenne 233 euros, soit un niveau deux à trois fois plus élevé que ceux constatés chez nos voisins européens pratiquant ce type de facturation. Nos travaux, qui ont légitimement suscité l’émoi auprès de l’opinion, ont participé à ce que de nombreux parlementaires interpellent le Gouvernement sur le sujet, voire envisagent des initiatives législatives pour encadrer les pratiques des banques.
Malheureusement, comme à chaque fois que le sujet des frais bancaires de succession revient sur la table, le Gouvernement a laissé le soin aux banques de s’accorder entre elles pour modérer les tarifs, et n’a jamais saisi le Comité consultatif des services financiers (CCSF) pour que toutes les parties prenantes (dont l’UFC-Que Choisir) puissent proposer un cadre vertueux. Faute d’avancées sur le sujet de ces frais prélevés sur le compte des morts, notre association ne peut que se réjouir que des députés portent une proposition de loi, qui débute dès demain son parcours législatif.
Plus de 300 euros prélevés en moyenne sur le compte des personnes décédées
Cette initiative parlementaire est d’autant plus bienvenue qu’elle s’inscrit dans un contexte d’explosion des tarifs bancaires de succession. En reprenant la même méthodologie que lors de notre précédente analyse (2), on constate en effet aujourd’hui qu’en moyenne les banques facturent 303 euros de frais, soit une hausse de 30 % (trois fois plus que l’inflation sur la période).
Cet appétit grandissant des banques pour les sommes présentes sur le compte des défunts peut difficilement s’expliquer par une contrainte généralisée qui pèserait sur les établissements bancaires pour traiter les opérations administratives jusqu’au transfert des avoirs aux héritiers (la réception de l’acte de décès, l’inventaire des fonds ou encore la gestion des mouvements post-mortem sur le compte). En effet, si tel était le cas une homogénéité des pratiques tarifaires serait relevée, ce qui n’est absolument pas le cas puisque c’est l’anarchie tarifaire qui prédomine. Des grandes banques comme La Banque postale ou le LCL n’hésitent ainsi pas à prélever respectivement 510 euros et 527,50 euros sur le compte des défunts, alors même que la gratuité est parfaitement possible, puisqu’elle est pratiquée par BoursoBank (3). Ce côté aléatoire est renforcé lorsque l’on fixe l’attention sur des banques appartenant à un même groupe. Comment expliquer que le Crédit Agricole Île-de-France applique 80 euros de frais de clôture d’un compte d’un défunt, quand de son côté le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne prélève 270 euros ?
Des frais non seulement élevés, mais en plus immoraux
Si dans la lignée des demandes formulées par l’UFC-Que Choisir la proposition de loi prévoit que les tarifs bancaires de succession doivent être orientés vers les coûts réellement supportés par les établissements bancaires pour gérer la clôture des comptes de leurs clients décédés, les pratiques actuelles de certains établissements imposent la mise en place de certaines exonérations spécifiques.
Il est notamment déplorable que de nombreux établissements appliquent des frais de clôture sur le compte de mineurs défunts. En 2021, un cas concret a ainsi choqué l’opinion, lorsque La Banque Postale a jugé bon de facturer 138 euros pour clore le livret A d’un enfant décédé d’un cancer à l’âge de 9 ans ! (4) Comment tolérer une telle situation venant frapper des parents déjà meurtris par la disparition de leur enfant ?
Une autre pratique tarifaire de certaines banques pose également un sérieux problème, à la fois moral et concurrentiel. Ainsi, pour plusieurs banques (des groupes Crédit Agricole et Crédit Mutuel, particulièrement), ces frais bancaires de succession incluent des frais de virement lorsque l’héritier n’est pas client de la banque du défunt. Alors que les virements sont généralement gratuits lorsqu’ils partent d’un compte d’un vivant, est-il acceptable que des banques fassent chèrement « payer » aux héritiers le fait de ne pas les compter parmi leurs clients ?
Compte tenu de ces constats, l’UFC-Que Choisir appelle les parlementaires à œuvrer dans le cadre de la proposition de loi visant à réduire et encadrer les frais bancaires de succession en :
- Encadrant strictement les frais bancaires de succession, cela nécessitant, à minima, leur plafonnement à un niveau couvrant les coûts réellement supportés par les banques ;
- Exonérant de frais de clôture les comptes des mineurs défunts ;
- Interdisant la facturation de frais de virement.
(2) C’est-à-dire les frais facturés aux consommateurs pour un héritage moyen de 20 000 euros. Nous reprenons la liste des 21 établissements représentatifs du secteur en 2021, à l’exception notable du Crédit du Nord, qui depuis a fusionné avec la Société générale. Les tarifs de ces établissements ont été relevés en date du 8 février 2024, sur le site MoneyVox.
(3) Établissement hors de notre panel, car pas représentatif du secteur en 2021, selon le CCSF.