ACTION UFC-QUE CHOISIR
Les organismes génétiquement modifiés

Réponses aux questions des consommateurs

Les débats sur les OGM se sont cristallisés sur certaines positions de principe, sans prendre en compte la réalité des questions que pose l'apparition de ces nouvelles technologies. Les consommateurs veulent comprendre les enjeux sanitaires et environnementaux soulevés par les OGM et doivent pouvoir accéder aux informations sur ces enjeux. En tant qu'association de consommateurs, nous souhaitons obtenir ces informations et nous participons aux débats afin de bien faire comprendre nos exigences.

I. Pour ou contre les OGM ?

L'UFC-Que Choisir n'a pas d'a priori pour ou contre les OGM. Le monde agricole ne doit pas être privé des innovations, des nouvelles technologies. Mais les consommateurs sont soucieux de la qualité de leur alimentation et la vigilance est nécessaire concernant les "nouveaux aliments". La sécurité, l'information et le choix des consommateurs doivent être garantis.

Les aliments issus d'OGM doivent être aussi sûrs que les aliments traditionnels ce qui suppose une évaluation approfondie des risques des OGM. Or les risques pour la santé et l'environnement nous paraissent insuffisamment évalués. Cette insuffisance de l'évaluation a d'ailleurs été confirmée par l'avis de l'AFSSA du 30 janvier 2002.

Il est indispensable de permettre l'information et le choix du consommateur par un étiquetage systématique et la traçabilité de tous les produits issus de matières premières OGM ainsi que par la séparation complète entre la filière OGM et la filière traditionnelle. Ces conditions ne sont pas réalisées actuellement.

Enfin les modifications génétiques ne devraient pas porter uniquement sur les caractéristiques agronomiques (plantes produisant un insecticide ou résistantes à un herbicide, fruits et légumes se conservant plus longtemps et résistant mieux aux transports et manipulations ...). Les OGM devraient apporter des avantages aux consommateurs : amélioration des qualités gustatives, nutritionnelles...

Cela suppose qu'en parallèle d'une évaluation plus approfondie des risques, les bénéfices des OGM soient évalués, prouvés et que l'intérêt des OGM soit démontré.

Par conséquent, nous demandons aux pouvoirs publics français mais aussi européens de donner des garanties, de mettre en place des réglementations afin d'assurer la sécurité et le choix des consommateurs.

Dans ce contexte, il est préférable d'anticiper les problèmes (mettre en place une responsabilité environnementale, organiser l'isolement d'une éventuelle filière OGM...), que d'être dépassé par les événements (incapacité à identifier les contaminations OGM, à obtenir la séparation du soja OGM et non OGM...).

II. Pour un étiquetage systématique et lisible des OGM

1. Etiquetage actuel

Actuellement, un produit est étiqueté génétiquement modifié si un de ces ingrédients, arômes ou additifs contient plus de 1% d'OGM et si cet OGM est détectable par analyse. C'est à dire concrètement si un de ces ingrédients, arômes ou additifs contient plus de 1% d'ADN modifié ou de la nouvelle protéine correspondante. En dessous de 1% (seuil de présence accidentelle), il n'y a pas d'étiquetage.

L'étiquetage est déficient car il est basé sur la détection de l'ADN modifié. Or celui-ci peut disparaître ou ne plus être détectable suite aux processus de fabrication ou purification des ingrédients. Ainsi de nombreux produits ou ingrédients issus d'OGM échappent à l'étiquetage : huile de maïs raffinée, huile de soja, huile de colza, lécithine de soja purifiée, produits dérivés de l'amidon de maïs...

L'étiquetage du produit fini devrait être basé sur l'utilisation de matières premières génétiquement modifiées pour fabriquer le produit.

Pour permettre l'information et le choix du consommateur, nous demandons un étiquetage systématique de tous les produits issus de matières premières génétiquement modifiées, basé sur la traçabilité complète des OGM et indépendant de la détection d'ADN ou de protéine modifiés.

Cette demande d'un étiquetage systématique, qui est celle de toutes les associations de consommateurs, a été prise en compte dans les projets de règlements communautaires.

2. Projets d'étiquetage

Si nous soutenons globalement les propositions de règlements communautaires car ils instaurent un étiquetage systématique pour tout produit issu d'OGM (indépendamment de la présence ou non de traces détectables d'ADN ou de protéine modifiés), nous demandons que l'étiquetage soit compréhensible et lisible.

Or les propositions de règlements distinguent les produits dits "OGM" (dans lesquels on peut détecter des traces d'ADN modifié ou de la protéine correspondante) et les produits dits "obtenus à partir d'OGM" (dans lesquels il n'y a plus de traces détectables).

Le libellé proposé pour l'étiquetage est clair pour les produits dits "OGM", exemple : farine de soja "génétiquement modifié". Mais le libellé est ambigu et incompréhensible pour les produits dits "obtenus à partir d'OGM", exemple: huile "obtenue à partir de soja génétiquement modifié, mais ne contenant pas d'organisme génétiquement modifié".

Nous demandons un étiquetage compréhensible et identique pour tous les produits, ingrédients, arômes et additifs issus de matières premières OGM, qu'ils soient dits "produits OGM" ou "produits obtenus à partir d'OGM".

3. Quel étiquetage pour les aliments destinés aux animaux ?

Actuellement les aliments pour animaux issus d'OGM ne sont soumis à aucun étiquetage. Les propositions de règlements communautaires prévoient l'étiquetage des aliments génétiquement modifiés pour animaux selon les mêmes règles que pour l'alimentation humaine ce qui constitue un progrès important.

Dans un premier temps, cette information disponible uniquement au niveau des éleveurs devrait leur permettre de choisir d'utiliser ou non des aliments génétiquement modifiés en connaissance de cause et permettre au marché des aliments pour animaux de s'organiser.

Mais nous demandons que l'étiquetage de la viande issue d'animaux nourris avec des OGM soit envisagé dans un avenir proche afin que l'information soit également disponible au niveau des consommateurs.

III. Pour une traçabilité complète des produits issus d'OGM

Le projet de règlement communautaire propose de retracer le cheminement des OGM. Les informations relatives à la présence d'OGM devront être transmises tout au long de la chaîne de production et de distribution et conservées pendant 5 ans. Un code unique sera attribué à chaque OGM afin de l'identifier. Nous approuvons la mise en place d'une traçabilité des OGM.

Elle est indispensable pour permettre :

- la surveillance des effets sur la santé et l'environnement,

- le retrait éventuel du marché en cas d'effets nocifs,

- le contrôle de l'étiquetage OGM.

Mais nous critiquons la traçabilité incomplète qui est proposée pour les produits "obtenus à partir d'OGM". En effet, la réglementation propose une traçabilité à deux vitesses et distingue les produits dits "OGM" et les produits dits "obtenus à partir d'OGM".

Le code d'identification de l'OGM sera transmis, tout au long de la chaîne de production, pour les produits dits "OGM". Mais dès qu'il n'y aura plus de traces détectables d'ADN modifié (suite aux procédés de fabrication des ingrédients) les produits seront dits "obtenus à partir d'OGM" : l'information que l'ingrédient est issu d'OGM sera transmise mais le code d'identification de l'OGM ne sera plus transmis.

Nous ne saurons plus de quel OGM il s'agit ! Il y aura perte d'informations et cette traçabilité incomplète ne permettra pas la mise en place d'une véritable vigilance sanitaire.

Il nous paraît indispensable que le code d'identification de l'OGM soit transmis jusqu'au produit fini (indépendamment de la détection ou non d'ADN modifié). Nous demandons une traçabilité identique pour tous les produits, ingrédients, arômes et additifs issus de matières premières OGM, qu'ils soient dits "produits OGM" ou "produits obtenus à partir d'OGM".

IV. Séparer les filières

Si la traçabilité de tous les produits issus de matières premières OGM est nécessaire, elle ne nous paraît pas suffisante. Pour permettre le choix des consommateurs, nous demandons la séparation complète entre une filière OGM clairement identifiée et une filière traditionnelle avec une contamination la plus faible possible.

Nous ne voulons pas d'une filière sans OGM réservée à une élite, une niche de consommation. Les consommateurs doivent pouvoir continuer à acheter les produits qu'ils ont toujours consommé, sans surcoût. D'où la nécessité de diminuer le seuil de contamination par les OGM toléré dans la filière traditionnelle et de clairement identifier et complètement séparer la filière OGM.

Nous demandons également la séparation des matières premières OGM importées, qu'elles soient utilisées en alimentation humaine ou animale. Cette séparation est indispensable pour permettre aux éleveurs de choisir d'utiliser ou non des aliments génétiquement modifiés pour leurs animaux. Elle est nécessaire pour permettre aux consommateurs, dans un avenir proche, de choisir d'acheter ou non de la viande issue d'animaux nourris avec des OGM.

Identifier et réduire les contaminations

Pour la crédibilité de la traçabilité et de l'étiquetage, il est essentiel que toute contamination par des OGM, autorisés ou non en Europe, soit détectée et identifiée.

Actuellement les services de la DGCCRF ne détectent qu'une partie des OGM (ceux qui contiennent le promoteur P35S, utilisé systématiquement en Europe mais partiellement à l'étranger). D'ailleurs, dans la moitié des cas de contamination détectés (pour les semences de maïs), l'OGM n'a pas pu être identifié !

Il est indispensable qu'une banque de données mondiale soit mise en place, permettant l'identification de tous les OGM autorisés à la dissémination dans le monde (avec dépôt des séquences spécifiques de chaque OGM).

De même, le seuil de contamination accidentelle de la filière traditionnelle par les OGM (actuellement 1%) doit être diminué afin de chercher à atteindre 0,1%. De plus, un seuil de contamination accidentelle des semences par les OGM devrait être défini par la législation avec une valeur la plus faible possible.

Des mesures d'isolement des OGM devraient être imposées dès la culture en champs (distances d'isolement, décalages de floraison...) et la production agricole des OGM devrait être organisée pour permettre la séparation complète de la filière OGM (séparation des unités de stockage et de transformation, contrats de culture...).

D'autre part, la possibilité d'autoriser une contamination accidentelle par des OGM non autorisés à la mise sur le marché (à la condition qu'ils aient reçu un avis favorable lors de la procédure d'évaluation) nous semble très discutable et pose de nombreuses questions.

V. Améliorer les propositions de règlements communautaires

Nous soutenons globalement les propositions de règlements communautaires car elles instaurent l'étiquetage systématique et la traçabilité de tout produit issu de matières premières OGM. C'est un progrès important et la réglementation européenne pourrait servir de modèle pour une réglementation mondiale sur les OGM.

Mais ces projets de règlements devraient être amendés afin de supprimer la distinction entre les produits dits "OGM" (dans lesquels on peut détecter des traces d'ADN modifié ou de la protéine correspondante) et les produits dits "obtenus à partir d'OGM" (dans lesquels il n'y a plus de traces détectables).

En effet, pour les produits dits "obtenus à partir d'OGM" :

- Le libellé proposé pour l'étiquetage est ambigu et incompréhensible.

- La traçabilité est incomplète et ne permettra pas la mise en place d'une véritable vigilance sanitaire car le code d'identification de l'OGM n'est plus transmis. Nous ne saurons plus de quel OGM il s'agit !

Nous demandons un étiquetage et une traçabilité identique pour tous les produits, ingrédients, arômes et additifs issus de matières premières OGM, qu'ils soient dits "produits OGM" ou "produits obtenus à partir d'OGM".

VI. Améliorer l'évaluation des risques des OGM

Les risques pour la santé et l'environnement nous paraissent nombreux et insuffisamment évalués. Cette insuffisance de l'évaluation a d'ailleurs été confirmée par l'avis de l'AFSSA du 30 janvier 2002.

S'ils ne sont pas étudiés sérieusement, les effets induits des OGM pourraient ne se révéler que sur le long terme. Il risquerait alors être trop tard pour réagir. La dissémination des gènes dans l'environnement n'est pas réversible. Quant aux risques pour la santé, ils sont difficiles à mettre en évidence et le retrait du marché des produits et ingrédients issus d'un OGM, dispersés dans toute la filière agricole et alimentaire, serait certainement très complexe à mettre en oeuvre.

Il nous paraît donc indispensable d'évaluer très rigoureusement et d'anticiper les effets des OGM, tant sur la santé que sur l'environnement.

L'UFC-Que Choisir demande une amélioration de l'évaluation des OGM avant toute nouvelle autorisation de mise sur le marché : modification des critères d'évaluation, développement de la recherche sur les risques des OGM...

VII. Modifier les règles des expérimentations d'OGM

Nous sommes contre l'arrachage des expérimentations d'OGM en plein champ mais nous demandons que les règles des expérimentations soient entièrement repensées.

L'UFC-Que Choisir demande que le maximum de recherches sur les risques des OGM soit réalisé au stade des essais en milieu confiné (laboratoire et serres).

Il est anormal que l'évaluation des risques pour la santé ne soit pas réalisée avant les expérimentations aux champs alors que le risque de dissémination et de contamination des parcelles voisines est reconnu.

Les tests de toxicité et d'allergénicité de la nouvelle protéine (correspondant au fragment d'ADN ajouté) devraient être réalisés au cours des essais en milieu confiné.

L'UFC-Que Choisir demande de réserver les cultures expérimentales en plein champ aux expérimentations dont l'innocuité et l'utilité est indiscutable et de limiter au maximum la dissémination.

Nous acceptons les expérimentations à condition qu'elles soient repensées selon trois axes et cela à l'échelle européenne (pour éviter que les expérimentations soient délocalisées dans d'autres pays européens avec des mesures d'isolement et des critères d'évaluation moins rigoureux) :

- Renforcement maximal des mesures d'isolement des expérimentations en plein champ : les mesures d'isolement des essais sont progressivement allégées au fur et à mesure de l'évaluation. Nous demandons que ces mesures soient renforcées pour limiter au maximum la dissémination vers les parcelles voisines (décalages de floraison, augmentation des distances d'isolement...).

- Innocuité des cultures expérimentales : l'évaluation des risques pour la santé portant sur la nouvelle protéine devrait être réalisée avant toute expérimentation en plein champ (risque de dissémination) donc au cours des essais en milieu confiné. Cette évaluation devrait être complétée par des études de toxicité chronique de la plante OGM sur des animaux (dès que la plante OGM est déterminée c'est à dire au dernier stade des expérimentations en plein champ).

- Utilité des cultures expérimentales : la priorité devrait être donnée à l'évaluation approfondie des risques et non plus à la mise au point des OGM. D'autre part, les bénéfices des OGM devraient être évalués et leurs intérêts prouvés. Cela afin de privilégier les expérimentations d'OGM utiles pour les consommateurs ou pour le développement.

VIII. Maintenir le moratoire

En conclusion, l'UFC-Que Choisir demande le maintien du moratoire sur les autorisations de mise sur le marché d'OGM dans l'attente de :

- La mise en oeuvre effective d'un étiquetage fiable et de la traçabilité complète des OGM et produits dérivés. Ce qui suppose l'amélioration préalable des propositions de règlements communautaires puis leur entrée en vigueur.

- Une réglementation instituant la responsabilité environnementale des producteurs d'OGM.

- Une amélioration des procédures et critères d'évaluation des OGM pour une évaluation approfondie des risques. Les OGM ayant reçu un avis favorable et en attente d'autorisation (c'est à dire bloqués par le moratoire) devront être réévalués afin de subir une évaluation plus rigoureuse selon les nouveaux critères.

- Une organisation de la production agricole pour permettre la séparation complète de la filière OGM.

- Une banque de données mondiale permettant l'identification de tous les OGM autorisés à la dissémination dans le monde (avec dépôt des séquences spécifiques de chaque OGM ).

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