ACTION UFC-QUE CHOISIR

Réflexions de l'UFC-Que Choisir sur les différentes affaires liées au dossier de la vache folle

Depuis quelques semaines, le dossier de la "vache folle" a pris un tour nouveau. En France, l'affaire Soviba (1) et ses conséquences ont engendré une énorme crise de confiance chez les consommateurs. En Europe, à la suite des décisions communautaires d'octobre et novembre derniers, les consommateurs ont compris que leurs pays respectifs n'étaient pas à l'abri de ces problèmes. L'Allemagne et l'Espagne qui, d'après leurs dires, n'étaient pas touchés jusqu'alors par cette épizootie, ont dénombré leurs premiers cas de vache folle. De même, l'Italie est atteinte.

En France, au-delà de l'étendue de la maladie dans le cheptel, il semble bien qu'une des raisons majeures à l'extension de la méfiance des consommateurs tienne à la communication peu convaincante des différentes parties prenantes au problème (2). La sécurité alimentaire est devenue un enjeu électoral, tant politique, que du côté des syndicats agricoles pour qui les élections aux chambres d'agriculture représentaient l'échéance majeure.

Il faut dire aussi que ce dossier est loin d'être simple à expliquer aux consommateurs. C'est pourquoi, face aux décisions politiques, à la déferlante d'informations, aux déclarations et prises de positions tous azimuts, ainsi qu'à la demande de nombreux consommateurs et abonnés à "Que Choisir", l'UFC-Que Choisir fait le point, à nouveau, afin d'informer ces derniers, le plus objectivement possible, sur le dossier de l'ESB, dit de la "vache folle".

I. La suppression des farines animales dans l'alimentation des animaux

L'Europe, à la suite de la France, pour répondre en partie à la crise de confiance des consommateurs à l'égard de la viande bovine, a décidé de suspendre pour six mois l'utilisation des farines animales pour l'alimentation des animaux destinés à la consommation humaine.

C'est, en effet, la question des farines qui a cristallisé la peur alimentaire des consommateurs. De fait, les farines animales telles qu'elles étaient fabriquées, avant fin 1996, sont à l'origine du développement de la maladie de l'ESB dans les cheptels bovins, qu'ils soient britanniques, français ou autres. En France, depuis 1990, les farines animales sont interdites dans l'alimentation des bovins.

De plus, au fil des années, pour des questions de santé publique, pour éviter la contamination d'autres espèces et pour réduire les risques de contamination croisée entre les différents circuits de fabrication des aliments pour animaux, des décisions ont été prises pour sécuriser les procédés de fabrication de ces farines. Ainsi, à partir de juillet 1996, la France a-t-elle interdit l'apport, dans les farines animales, des cadavres de tous les animaux et des matériaux à risque (il s'agit des tissus (3) les plus susceptibles, chez les bovins, ovins et caprins, de véhiculer le prion, l'agent infectieux de la maladie de la vache folle (4)). C'est pourquoi, nous disions que depuis fin 1996, les farines animales étaient différentes et devaient être considérées comme sans danger pour l'alimentation des porcs et des volailles (comme l'ont noté tant l'AFSSA (5) que le Comité Dormont (6)).

Les farines animales pour les porcs et les volailles, en France, étaient réalisées à partir des carcasses d'animaux qui sont consommés par les hommes (hormis les RMS).

Depuis le 1er octobre 2000 (7), tous les pays de l'Union européenne doivent retirer de la chaîne alimentaire les matériels à risque spécifiés. Après quatre années de procédures, l'Europe emboîte le pas, notamment à la France (8), qui dès juin 1996 avait donc interdit dans l'alimentation animale et humaine leur usage.

Par ailleurs, le 19 octobre 2000, la Commission européenne avait enfin voté une proposition afin de supprimer les cadavres dans les farines animales. Dans quelques mois, cela aurait dû être une réalité, une fois que le Conseil et le Parlement européens auraient bien voulu se prononcer !

Avec ces deux décisions, les farines animales produites en Europe auraient été aussi "sures" que celles produites en France.

En conséquence, nous pouvons dire que la décision prise de suspension temporaire et générale des farines animales de l'alimentation des porcs, volailles et poissons, en France et en Europe, est largement politique. Elle est la réponse à une crise majeure de confiance et repose sur une application extensive du principe de précaution.

Cependant, il s'agit de la seule réponse susceptible d'obtenir le consentement des consommateurs, qui, du fait d'une communication désastreuse, considèrent largement que les bovins étaient encore nourris avec des farines animales ces derniers mois.

Cela étant, au-delà des décisions prises, il faut rappeler quelques évidences à propos de ce dossier.

- Les bovins qui ont l'ESB, aujourd'hui, en France, ont mangé des farines animales avant fin 96 (dans le cadre de contaminations croisées (9)), c'est-à-dire les farines animales qui contenaient encore des cadavres et matériaux à risques et que les animaux malades, aujourd'hui, sont, dans leur grande majorité, nés entre 1993 et 1996.

- Du fait des procédés de fabrication des farines animales dans les autres pays européens, il est fort probable que des contaminations croisées aient encore eu lieu ces derniers mois dans leurs cheptels bovins. De même, en France, il est probable que de telles contaminations aient eu lieu, en raison des importations de farines animales étrangères.

- Interdire les farines animales en France - sans interdire les importations de farines animales, les aliments pour bétail et les viandes des autres Etats membres de l'UE (porcs, volailles, poissons) - était une mesure en trompe-l'oeil qui ne pouvait que duper les consommateurs et surtout les exposer à des produits plus contaminés venant d'ailleurs. En ce sens, la prise de conscience européenne était nécessaire pour que la décision française ne demeure pas un voeu pieu.

- Par quoi remplacer les 2 ou 3 % de farines animales dans l'alimentation des porcs, volailles et poissons ? Par des protéines végétales, pourquoi pas. Mais, alors, il faut dire que ces aliments pour animaux contiendront souvent des organismes génétiquement modifiés (tourteaux de soja).

- Que fera t-on des farines animales ? Les incinérer ? Nous multiplierons alors par 5 les quantités de déchets à incinérer et nous aurons besoin de capacités d'incinération trois fois plus importantes qu'actuellement.

Avec l'interdiction de l'utilisation des farines animales pour l'alimentation de certains animaux, la question de leur élimination devient dorénavant un dossier majeur. Des quantités importantes de farines animales (celles qui étaient jusque-là destinées aux porcs, aux volailles et aux poissons) doivent être détruites.

Il faut savoir, qu'en dehors du coût d'un tel traitement, des investissements nécessaires à la construction de nouveaux incinérateurs et des risques probables liés à ces activités, que nous n'arriverons au bout de l'élimination des stocks de farines déjà existants que dans plusieurs mois (voire plusieurs années). En France, il existe actuellement des montagnes de farines animales impropres, en attente de destruction. Au Royaume-Uni, ce sont des bateaux poubelles entiers qui naviguent le long des côtes du pays dans cette attente. Si, en France, les cimentiers et les autres secteurs susceptibles de participer à l'élimination de ces produits ne peuvent traiter la totalité des farines supplémentaires, de graves questions environnementales vont se poser. Notre pays devra probablement procéder à la construction de nouveaux incinérateurs (établissements classés) avec des procédures longues, des délais importants et des risques environnementaux nouveaux.

Dans l'attente, des zones de stockage ont été déterminées. Il appartient aux pouvoirs publics de s'assurer que les conditions de stockage respectent les conditions de sécurité optimales. En outre, dans la mesure où, jusqu'à l'interdiction des farines animales, deux filières de production existaient (l'une pour les farines animales alimentaires, l'autre pour les farines à haut risque (10)), il serait logique que les mêmes préconisations soient dorénavant respectées (en particulier le chauffage des matériaux) afin d'assurer au maximum l'innocuité de ces matériaux.

En effet, puisque les farines "haut risques" et "bas risques" vont dorénavant être transformées en combustibles ou bien être stockées, il importe de chauffer l'ensemble de ces matériaux à 133 °C et 3 bars pendant 20 minutes. Il serait illogique de ne continuer à "décontaminer" que les farines les moins contaminantes.

Par ailleurs, en matière de stockage de ces produits, il importe de jouer la transparence. En effet, les citoyens sont souvent réticents pour accueillir, près de chez eux, de tels stocks, et il faut les assurer contre les risques de pollution et de dissémination dans l'environnement. Le respect de la sécurité ne peut pas se faire sans une totale clarté sur ce sujet.

Dorénavant, au-delà des mesures annoncées, il reviendra aux pouvoirs publics français et européens de se prémunir des risques d'importation de produits qui ne seraient pas conformes à leurs décisions (11) et de mettre en oeuvre les mesures autorisant l'Europe à développer ses productions d'oléagineux et de protéagineux (12), pour trouver rapidement une solution à la question de l'alimentation animale.

Enfin, à la suite de la mise en place de la Commission nationale des farines par les pouvoirs publics, pour le suivi de l'élimination et le stockage des farines animales produites par les usines d'équarrissage, des questions demeurent. En premier lieu, il est important de décider si les farines animales sont des déchets (et à ce titre doivent suivre la législation afférente en termes de surveillance et de transparence). En second lieu, il serait souhaitable de ne pas se focaliser sur l'incinération de ces produits et d'envisager des filières de transformation (notamment, pour créer des matériaux inertes).

II. La généralisation des tests de dépistage en France

Avec l'interdiction des farines animales pour l'alimentation des animaux destinés à la consommation, l'annonce d'une généralisation des tests ESB sur les bovins de plus de trente mois est une décision majeure.

Aujourd'hui, il y a donc en France trois séries de tests. Une première série qui correspond au suivi classique du réseau d'épidémio-surveillance ; une deuxième qui correspond à la fin du programme des 48 000 tests rapides sur les populations bovines à risque, débutée en juin 2000, et une troisième, réalisée sur les bovins de plus de 30 mois, destinés à la consommation humaine.

Ces programmes ont pour conséquence de mieux connaître l'étendue de l'épizootie en France. En outre, ces programmes, "mécaniquement", auront pour conséquence une augmentation des cas d'ESB détectés en 2001, comme les tests rapides ont accentué le nombre de cas d'ESB en 2000 (13).

Enfin, il est important de rappeler que les tests pratiqués sur les animaux de plus de 30 mois ne permettent de détecter que les bêtes qui sont à moins de six mois de l'apparition des signes cliniques de la maladie.

La généralisation des tests sur les animaux de plus de 30 mois, qui sont destinés à la consommation humaine, est une bonne chose. Cependant, il ne faut pas croire qu'il s'agit d'une assurance tout risque. Il importe de faire les précisions suivantes.

- Aujourd'hui, la technologie de ces tests ne permet pas d'avoir une certitude. Ne sont détectés que les animaux qui sont à moins de 6 mois de la déclaration clinique de la maladie. Cela veut dire aussi que, pour le moment, des animaux en incubation pourront continuer à entrer dans la chaîne alimentaire.

- Il ne faut pas que la communication des professionnels de la viande sur ces animaux testés soit telle qu'elle fasse croire aux consommateurs que les animaux qu'ils consommeront sont exempts de la maladie (14).

- Il importe de ne pas donner des agréments à la va-vite aux laboratoires qui vont réaliser ces tests afin de prendre des assurances sur leurs capacités à les faire. En outre, nous sommes soucieux de l'indépendance de ces laboratoires, et nous préfèrerions que ceux qui reçoivent l'agrément pour réaliser ces tests soient des laboratoires publics ou privés, mais indépendants des abattoirs et des professionnels de la viande (15).

- Les résultats de ces tests doivent bien évidemment être accessibles et rendus publics, car, en matière de sécurité alimentaire, rien de doit être volontairement caché aux consommateurs.

- En raison des limites technologiques actuelles des tests, il est nécessaire que la recherche publique s'attèle à améliorer l'existant en termes de performance, mais, surtout, qu'elle s'engage largement dans l'étude de tests sur les animaux vivants.

- De même, eu égard aux informations diverses et variées qui circulent et qui perturbent largement les consommateurs, les scientifiques devraient faire des études poussées sur le muscle, le lait et le sang, afin de faire avancer la recherche sur le prion et les modes de contamination des animaux.

- En outre, pourquoi ne pas également engager un programme de tests sur "l'iléon" pour tester les animaux plus jeunes destinés à la consommation humaine, puisque l'on sait que la maladie se déclare très tôt chez les bovins, dans cette partie de l'intestin.

Il faut noter également que si nous avons accepté que le programme des 48 000 tests soit réalisé avec le test Prionic, c'est parce qu'il avait déjà été utilisé sur le terrain en Suisse. Maintenant que nous testons les animaux qui entrent dans la chaîne alimentaire, il est important de choisir le test qui est le plus sensible (16).

Ainsi, si la généralisation des tests permet une meilleure connaissance de l'épizootie, elle ne résout pas tous les problèmes de sécurité liés à la maladie de la vache folle.

Notamment, si la communauté européenne décide de stocker à nouveau des animaux pour soutenir le marché de la viande bovine en Europe, cela ne devrait se faire que sur les bêtes testées. En effet, il serait paradoxal que des animaux soient congelés puis, en période plus propice pour le marché, réintroduits dans les circuits de commercialisation, sans qu'ils aient été testés auparavant.

Enfin, lorsqu'un cas d'ESB est détecté dans l'abattoir (dans le cadre du dépistage systématique des bovins de plus de trente mois), que fait-on ? D'autant que les pratiques communautaires sont différentes : certains détruisent le lot entier, d'autres abattent les animaux qui suivent sur la chaîne, d'autres encore suppriment tous les animaux abattus dans la journée. Il serait souhaitable que les modalités de retrait de ces animaux soient harmonisées au niveau européen, afin de s'assurer que des contaminations ne puissent se réaliser dans les abattoirs.

III. L'alimentation animale

L'interdiction des farines animales dans l'alimentation de certains animaux destinés à la consommation humaine pose la question de l'approvisionnement de l'Europe en protéines végétales.

En effet, il faudra bien rapidement remplacer les 2,3 millions de tonnes de farines animales jusque-là utilisées. Or, aujourd'hui, comme chacun le constate, l'Europe n'est pas autosuffisante en matière de protéines végétales et les approvisionnements des pays tiers sont susceptibles de contenir des organismes génétiquement modifiés (17).

IV. Prix, qualité et étiquetage de la viande bovine

Disons-le clairement, l'effondrement des cours de la viande bovine, au niveau des éleveurs, n'a eu aucune répercussion sur les prix payés par les consommateurs.

En outre, en France, les pouvoirs publics et les professionnels de la viande ont décidé conjointement de faire supporter aux seuls consommateurs le surcoût engendré par la généralisation des tests sur les animaux de plus de trente mois.

Cette décision, prise sans concertation avec les associations de consommateurs, est inacceptable en l'état, d'autant qu'il existe une véritable cacophonie sur le surcoût réel final à la charge des consommateurs. D'aucuns parlent de 1 franc, d'autres de 1,5 franc, d'autres encore de 2 francs, voire de 6 ou 8 francs (18).

Par ailleurs, non seulement les consommateurs vont payer directement ces tests, mais en plus, l'interprofession de la viande bovine vient de tirer un trait sur plus de trois années d'étiquetage. En se référant au seul règlement européen, les professionnels de la viande ont décidé de ne plus reconduire leur accord qui, jusqu'alors, permettait aux consommateurs d'avoir une information sur l'origine, la race et la catégorie de la viande bovine achetée.

Ce retour en arrière sur l'étiquetage est inacceptable. D'abord parce qu'il prive le consommateur d'informations importantes pour faire son choix et surtout parce qu'il va permettre aux professionnels d'augmenter le prix de toute la viande bovine au prétexte des tests, alors même que certaines catégories ne doivent pas être testées (jeunes bovins ou génisses, par exemple).

En effet, si la notion d'origine est essentielle, le type racial et la catégorie apportent des informations importantes pour le consommateur européen. Le type racial (laitier ou viande) renseigne le consommateur sur les formes d'alimentation et d'élevage de l'animal. Quant à la catégorie, elle permet au consommateur d'avoir des repères sur l'âge et le sexe de l'animal, c'est-à-dire des éléments importants de la qualité.

Enfin, notons que cet abandon de l'étiquetage ne va pas améliorer l'information dans la restauration hors foyer. Ce qui ne pourra que conforter les maires qui ont décidé de supprimer la viande bovine des menus des cantines scolaires.

A ce propos, il faut dire que c'est une bonne chose que les questions de sécurité alimentaire préoccupent les élus locaux mais qu'il ne faudrait pas qu'elles ne deviennent que des enjeux purement électoraux.

V. L'abattage des troupeaux ayant un animal atteint de l'ESB

Même si nous comprenons le désarroi des agriculteurs touchés (19) par des cas d'ESB, l'UFC-Que Choisir estime qu'il faut continuer à abattre tout le troupeau de l'éleveur. La protection de la santé des consommateurs est à ce prix. En effet, du fait de la forte présomption sur la responsabilité de l'alimentation des bovins dans le déclenchement de la maladie, il convient d'adopter ce principe de précaution. En Angleterre, de nombreux éleveurs ont eu plusieurs cas dans leurs troupeaux, et même en France, on note que quatre cas d'ESB ont été trouvés dans des élevages d'un même canton.

Néanmoins, dans le cadre de la campagne de dépistage systématique débutée en juin 2000, il faut absolument profiter de l'abattage des troupeaux euthanasiés, à la suite des mesures de police sanitaire, pour impérativement tester ces animaux.

De même, comme des prélèvements de toutes les bêtes des troupeaux abattus, à la suite de la découverte des cas d'ESB par la méthode classique, ont été congelés et stockés, il faut utiliser cette campagne de dépistage systématique pour procéder, sur ces échantillons, à des tests.

Ainsi, à l'issue de cette campagne de dépistage, aurons-nous une vision plus précise de l'état du cheptel et notamment de la contamination des bovins âgés de plus de 24 mois. Ce ne sera qu'à ce moment précis, face à ces statistiques, que l'UFC-Que Choisir sera éventuellement amenée à modifier sa position en faveur d'un abattage systématique des troupeaux, pour préconiser des procédures ciblées sur les cohortes.

En effet, les limites des tests sur les animaux ne permettent pas d'avoir des assurances quant à la non-contamination d'une bête, et donc, la meilleure application du principe de précaution réside, en l'absence d'informations nouvelles, sur l'abattage systématique du troupeau. Il faut donc attendre le prochain avis que l'AFSSA rendra sur la campagne des 48 000 tests.

VI. L'embargo sur la viande bovine anglaise et le rapport britannique du 26 octobre 2000

Si la levée de l'embargo n'est pas à l'ordre du jour, elle est prévisible, il faudra se préparer pour le courant de l'an 2001. En effet, les Etats membres de l'Union européenne vont devoir mettre fin rapidement à ce dossier qui "empoisonne" leurs relations depuis 1996, d'autant que la Commission européenne, qui avait imposé des procédures spéciales aux Britanniques sur ce dossier, estime qu'ils ont rempli leurs obligations et les a autorisés, à nouveau, à exporter de la viande bovine désossée.

L'UFC-Que Choisir note que le Royaume-Uni terminera l'année 2000 avec environ 1 200 cas d'ESB sur un cheptel de 11 millions de bovins (180 000 cas d'ESB au total). C'est-à-dire que l'épizootie est loin d'avoir retrouvé un niveau marginal dans ce pays. D'ailleurs, le Royaume-Uni a effectué, il y a 2 ans, une série de 4 000 tests sur des bêtes de plus de 5 ans. Résultat : 20 cas, soit 1 sur 200 (face à l'importance de la contamination, ils ont arrêté les tests !). Au total, plus de 99 % des cas d'ESB ont été découverts depuis 1987 dans le seul Royaume-Uni.

Les statistiques anglaises sont à rapprocher des chiffres en France. En effet, sur un cheptel de 22 millions de bovins, il a été recensé 269 (20) cas d'ESB depuis 1990. En 2000, nous avons découvert 60 cas d'ESB dans le cadre du programme des tests spécifiques (21), et 102 cas cliniques, soit un total de 162 cas.

Tout cela explique notre opposition à la levée de l'embargo et le soutien que nous apportons aux pouvoirs publics français dans ce dossier. Il faut noter à ce propos que cet embargo a le mérite de ralentir les décisions européennes en matière d'autorisation du Royaume-Uni à l'exportation de carcasses et de bêtes sur pied. En cela, la position française est favorable à la protection des consommateurs européens.

En outre, cette position est confortée par le Royaume-Uni lui-même. En effet, le rapport rendu au Premier ministre britannique, sur la façon dont les pouvoirs publics de son pays ont géré l'affaire de la vache folle, montre combien les gouvernements britanniques successifs n'ont pas été à la hauteur et légitime, a posteriori, la plainte déposée par l'UFC-Que Choisir à son encontre.

Depuis 1980, erreurs, manipulations et secret sont les maîtres mots du gouvernement britannique dans la crise de la vache folle. En juillet 1999, la plainte de l'UFC-Que Choisir auprès de la Commission européenne dénonce cette gestion irresponsable, les manquements au principe de précaution et la violation d'obligations communautaires de nature à mettre en danger la santé des consommateurs. Cette procédure, unique en Europe, répond au besoin de responsabilisation des dirigeants des Etats membres face à l'ensemble des consommateurs, et le rapport rendu par Lord Phillips, le 26 octobre dernier, atteste donc de son actualité. Les dysfonctionnements de l'administration britannique ont généré un drame qui risque de s'étendre à toute l'Europe.

VII. La maladie de Creutzfeldt-Jakob

La maladie de Creutzfldt-Jakob (22) est une maladie constamment mortelle dont le déroulement est particulièrement dramatique. C'est la première connue des maladies dites à prions, qui ont toutes en commun d'être des maladies cérébrales, transmissibles sans être contagieuses, de longue incubation, mais de développement rapide lorsque les premiers signes cliniques apparaissent.

La maladie de Creutzfeld-Jakob s'exprime sous quatre formes, aujourd'hui, pour une fréquence de 1 à 2 cas par million d'habitant et par an. Une forme sporadique (85 % des cas) dont on ne connaît pas le mode de contamination, mais qui touche les personnes à partir de 50 ans. Une forme génétique (10 % des cas) qui est due à une anomalie dans le gène de la protéine du prion. Une forme iatrogène (5 % des cas) qui est due à certains traitements par l'hormone de croissance ou à des cas spécifiques de greffe. Enfin, le nouveau variant de cette maladie, dont on compte 3 cas en France est dû à la contamination alimentaire par l'agent de la vache folle. Cette dernière forme semble surtout toucher les jeunes jusqu'à présent.

Si ces maladies à prions ont été découvertes dans les années 20, les connaissances des chercheurs sont aujourd'hui encore très faibles. Il est donc important que des moyens soient dégagés pour la recherche sur ces maladies (23). Parallèlement, il faut mettre en place des structures de soutien aux malades qui développent la maladie, ainsi qu'aux familles ; car ce sont ces dernières qui doivent, au quotidien, en affronter les conséquences. Enfin, en raison du mode de contamination, il est bien entendu obligé de trouver les mécanismes pour indemniser ces familles.

Deux des familles confrontées à cette maladie ont déposé plainte. Une information judiciaire a été ouverte aux motifs d'empoisonnement et d'homicide involontaire et un juge d'instruction nommé. Dans ce contexte, afin de faire toute la lumière sur les responsabilités en matière de contamination, comme nous le faisons dans les dossiers de sécurité, l'UFC-Que Choisir s'est portée partie civile aux côté des familles dans cette procédure.D'ailleurs, l'UFC-Que Choisir se porte et se portera partie civile chaque fois qu'il sera nécessaire, aux motifs de fraudes, tromperie sur la qualité, publicité trompeuse ou mensongère, afin de défendre l'intérêt général des consommateurs (24) en matière de sécurité alimentaire.

Enfin, il faut dire que les Français qui vont développer la maladie l'ont certainement attrapée entre 1986 et 1996 (notamment à cause des importations massives d'abats contaminés provenant d'Angleterre) et qu'en raison de la longue durée d'incubation de cette maladie (de 10 à 40 ans), ils la développeront dans les mois et années à venir.

VIII. Conclusion

Il faut d'abord noter que la psychose actuelle est partie d'une affaire, semble-t-il, frauduleuse (affaire Soviba). Affaire qui, en outre, a montré que le système d'identification des bovins fonctionne assez bien et que le système de surveillance est assez crédible, puisque l'animal contaminé n'est pas entré dans la chaîne alimentaire (ce qui est évidemment l'objectif premier).

Cette affaire a montré aussi que la sécurité alimentaire n'est plus seulement un débat de santé publique, mais un enjeu politique, voire électoral. C'est à qui lavera plus blanc que blanc !

La France ou l'Union européenne ? Le Président de la république ou le Premier ministre ? La majorité ou l'opposition ? Les politiques de gauche ou les politiques de droite ? Les municipalités de gauche ou les municipalités de droite ? Les agriculteurs de la FNSEA ou ceux de la Confédération paysanne ? Carrefour, Auchan ou Leclerc ? L'AFSSA, la DGAL ou la DGCCRF ?

Maintenant chacun surfe sur les craintes légitimes des consommateurs, avec des arrières pensées politiques bien éloignées des préoccupations sanitaires. Dans ces conditions, comment faire entendre la voix de l'UFC-Que Choisir qui est celle de la raison ?

Comment dire que le plan en six points présenté par le gouvernement est plus destiné à réagir politiquement à la crise qu'à gérer les enjeux de santé publique ?

Comment expliquer qu'en dehors des fraudes, qui doivent être poursuivies et lourdement condamnées, les farines animales actuelles ne sont plus celles de fin 1996 et que les vaches atteintes d'ESB aujourd'hui ont mangé des farines animales avant fin 1996 ?

Comment expliquer, là encore, en dehors des fraudes inadmissibles, que la généralisation des tests de dépistage à tous les animaux entrant dans la chaîne alimentaire n'apportera malheureusement pas de certitudes car les tests ne détectent l'ESB que dans les six mois qui précèdent le déclenchement clinique de la maladie ?

Comment dire aux consommateurs que les risques encourus en mangeant de la viande bovine étaient majeurs entre 1988 et 1996 et qu'ils ne sont plus que résiduels aujourd'hui ?

Comment faire pour remplacer les farines pour les porcs, la volaille et les poissons d'élevage (qui correspondent à environ 3 % dans les aliments pour animaux), sans faire appel à des protéines végétales issues de plantes génétiquement modifiées ?

On le comprendra, toutes les questions majeures sont occultées par les débats politiques, et de ce fait les consommateurs sont cantonnés à leur doute et leur peur.

Enfin, il faut avoir le courage de dire que quel que soient les interdits, les moratoires et les changements de réglementation, les conséquences sur les individus et sur les animaux ne seront pas modifiées profondément. Nous devons donc nous attendre à ce que dans les prochaines semaines et les prochains mois nous ayons de nouveaux cas d'ESB dans le cheptel bovin français et surtout, que nous ayons d'autres familles touchées par la nouvelle forme de maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Aujourd'hui, d'une façon générale, ce dossier doit faire l'objet de mesures communautaires. Seule une véritable coordination entre la Commission, le Conseil des ministres et le Parlement européen permettra de faire respecter les décisions communes qui s'imposent.

En outre, il faut rappeler que la sécurité sanitaire des aliments est un dû pour tous et que la réponse n'est pas à rechercher uniquement au niveau de la valorisation de la qualité (labels, certifications, etc.). De la même manière, il faut toujours avoir à l'esprit que les décisions prises par les pouvoirs publics, à la lumière des recommandations des scientifiques, sont toujours susceptibles, sur le terrain, d'être remises en cause par les pratiques et la culture des autres acteurs des filières alimentaires (usine d'équarrissage, stockeurs, transporteurs, etc.).

(1) Du nom de l'abattoir où un animal suspect (dont l'analyse montrera qu'il est atteint d'ESB) a été détecté et retiré de la chaîne alimentaire.

(2) L'administration n'est pas en reste. En demandant à Carrefour de retirer de ses étals l'ensemble des lots de viande bovine provenant de l'abattoir Soviba, les services de contrôle ont fait preuve d'un zèle bien particulier qui a jeté le trouble sur l'ensemble des produits de viande bovine, alors même que l'animal malade n'est pas entré dans le circuit de consommation.

(3) Sont considérés comme tissus à risque (MRS) par l'Europe : chez les bovins, le crâne (encéphales et yeux inclus), les amygdales, la moelle épinière, l'iléon pour les animaux âgés de plus de 12 mois ; chez les ovins et caprins, les mêmes éléments pour les animaux âgés de plus de 12 mois, plus la rate quel que soit l'âge de l'animal. La France a ajouté à cette liste : pour les bovins, l'intestin et la rate de tous les animaux et le thymus pour ceux nés avant le 1er mai 1999 ; pour les ovins et caprins, les crânes de tous les petits ruminants, nés ou élevés au Royaume-Uni, la moelle épinière et les viscères thoraciques et abdominaux de toutes les bêtes abattues dans le cadre de la lutte contre la tremblante.

(4) L'ensemble des exclusions constituait - avec l'interdiction de nourrir les ruminants à l'aide des farines de viande et d'os (FVO) et l'obligation de traiter à 133 °C et 3 bars pendant 20 minutes ces mêmes farines -, la clé de voûte du dispositif français de santé publique.

(5) Agence française de sécurité sanitaire des aliments.

(6) Chercheur au Commissariat à l'énergie atomique et président du Comité des experts français sur les maladies à prions.

(7) Décision de la Commission européenne du 29 juin 2000.

(8) L'exclusion des MRS a été appliquée petit à petit au Royaume-Uni, en Irlande, en Belgique, au Luxembourg, au Danemark et aux Pays-Bas.

(9) Avant juillet 1996, les contaminations croisées étaient très contaminantes du fait de l'absence de retrait des MRS.

(10) A l'abattoir, deux "circuits" de déchets ont été mis en place. L'un pour les déchets à haut risque destinés à être détruits par incinération (MRS, saisies sanitaires), l'autre pour les déchets "sains" (os, graisses, ongles, cornes, etc.) qui pouvaient faire l'objet d'une valorisation sous forme de farines animales destinées à l'alimentation des porcs et des volailles.

(11) Interdire les farines carnées dans l'alimentation des animaux, en France et en Europe, et l'importation de ces farines d'autres pays extérieurs à la Communauté n'est qu'une réponse partielle. Pour être cohérent, il faudrait interdire également les importations d'aliments pour animaux qui contiennent ces farines et tous les animaux (porcs, poulets, dindes, poissons etc.) qui proviennent des Etats non-membres de l'UE et qui sont encore nourris avec des aliments contenant des farines carnées (on sait que l'Allemagne, ces derniers mois, a exporté massivement des farines animales contaminantes vers les pays de l'Est). De même, il faudrait interdire tous les produits agro-alimentaires qui contiennent des viandes ou des poissons nourris aussi avec de tels aliments.

(12) En interdisant l'utilisation des farines animales dans les aliments pour animaux, on s'oblige à trouver d'autres sources de protéines. Or, l'Europe, du fait de certains accords internationaux, ne produit pas en quantité suffisante ces protéines. Il est donc important que les accords de Blair House et la Politique agricole commune soient revus rapidement pour ne pas substituer au problème des farines animales celui des organismes génétiquement modifiés. En effet, les protéines végétales susceptibles de remplacer les protéines animales dans les aliments pour animaux sont, pour leur grande majorité aujourd'hui, des produits importés, issues de cultures OGM.

(13) 162 cas d'ESB ont été confirmés en 2000 dont 60 (37 %) dans le cadre du programme des 48 000 tests.

(14) Il serait donc inadmissible que des commerçants se servent de ces tests pour faire croire aux consommateurs qu'ils achètent une viande venant d'une bête saine. D'autant, qu' à ce jour, les scientifiques n'ont pas trouvé de prions dans le muscle, c'est à dire que le muscle n'est pas contaminant.

(15) A titre d'analogie, notons, quand la décision à été prise sur l'obligation des contrôles techniques pour les véhicules, que ces contrôles n'ont pas été dévolus aux garagistes, mais à des établissements spécialisés.

(16) Il existe sur le marché trois tests qui ont l'agrément. Le test Prionic, le test Biorad et un test irlandais. Et dans les semaines qui viennent, il y aura certainement de nouveaux tests peut-être plus performants.

(17) L'Europe ne produit pas en quantité suffisante d'oléagineux ou de protéagineux susceptibles de fournir aux animaux les protéines végétales dont ils auraient alors besoin. Pour que l'Europe puisse être autosuffisante en la matière, il faudrait renégocier les accords de Blair House et revoir la PAC. Cela prendra des mois. En attendant, nos animaux d'élevage augmenteront leur consommation de tourteaux de soja transgéniques, notamment.

(18) Dans le cadre de notre participation à l'Observatoire du prix des tests, nous n'aurons de cesse d'oeuvrer pour une totale transparence des coûts et pour une diminution des prix.

(19) Celui-ci est sans commune mesure avec celui auquel doit faire face les familles dont un membre est touché par la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

(20) Les chiffres indiqués sur les cas d'ESB, correspondent aux cas confirmés à la date du 6 février 2001.

(21) Depuis juin, la France a décidé de contrôler et de tester tous les animaux morts, qui de toute façon ne seraient pas entrés dans la chaîne alimentaire, et tous les animaux saisis dans les abattoirs, et cela afin d'évaluer la prévalence de la maladie chez les animaux à risque du cheptel bovin français. Cette campagne de tests doit permettre de faire 48 000 analyses.

(22) Dans les années 20, les docteurs Creutzfeld et Jakob ont été les premiers à mettre en évidence cette terrible affection.

(23) Il ne faudrait pas que l'intégralité des moyens nouveaux de la recherche soient focalisés sur l'aspect "animal" de l'épidémie.

(24) La vigilance de l'UFC-Que Choisir sur ces sujets est majeure. Depuis 1996, l'association s'est investie dans quatre procédures relatives à des farines d'origine animale, frauduleusement importées ou produites selon des procédés interdits. L'UFC-Que Choisir est également partie civile dans sept procédures relatives à des trafics de bêtes contaminées par l'ESB. D'une façon générale, notre association s'attaque à toutes les fraudes en matière agricole et alimentaire dont elle a connaissance et qu'elle considère comme significatives. C'est ainsi que depuis 1976, l'UFC-Que Choisir, au niveau national, a déclenché 76 procédures relatives à la sécurité sanitaire.

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