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Alimentation bio

Une désaffection temporaire ?

Le bio est confronté depuis l’an dernier à un essoufflement des ventes en raison de prix élevés dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat, d’une profusion des labels et de la concurrence du local. S’agit-il d’un plafonnement de part de marché ou d’une crise de croissance transitoire ? Éléments de réponse.

Indéniablement, la filière bio traverse une mauvaise passe. Les ventes ont amorcé une baisse en 2021, après une année 2020 boostée par le confinement. Ce recul s’accélère depuis le début de l’année : les achats d’aliments bio en grandes surfaces enregistrent -14 % sur le premier trimestre par rapport à 2021, et -16 % en magasins spécialisés bio. Ce sont surtout les aliments historiques ‒ œufs, produits laitiers, viande, fruits et légumes ‒ qui souffrent, alors que les produits transformés résistent mieux.

Le marché se contracte

Cette déconsommation est plus globale, liée aux difficultés économiques dues au Covid et à l’inflation. « Le marché alimentaire (bio et conventionnel confondus) a perdu 5 milliards d’euros (Md€) en 2021 par rapport à 2020 sur un total de 190 Md€ ; le bio, lui, a perdu 51 millions sur un total de 13 Md€, soit -1,34 % seulement, relativise Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio. Les ventes de produits bio en grandes surfaces (la moitié des achats totaux de bio) et dans les magasins spécialisés (un quart des achats) sont en recul, mais la vente directe, les artisans et les circuits courts restent dynamiques. »

Néanmoins, « il y a bien une contraction du marché, et ça risque de durer », s’inquiète un autre acteur. Le prix élevé est le principal frein à l’achat depuis toujours. En période d’inflation, les ménages y sont plus sensibles, et se tournent vers des gammes moins chères ‒ ces arbitrages en défaveur des produits premium touchent aussi l’offre conventionnelle.

Mais l’inflation n’est pas la seule épine dans le pied du bio. L’heure est au grand ménage dans l’offre, après une période de croissance très (trop ?) rapide. Depuis 2015, le chiffre d’affaires en grande surface croissait de plus de 10 % par an, porté par un foisonnement de nouveaux produits, en particulier les déclinaisons bio dans les gammes des grandes marques, et l’ouverture en série de magasins spécialisés (Biocoop, Naturalia, Bio c’bon, La Vie Claire, etc.). Mais cet appel d’air retombe, et depuis trois ans, le bio plafonne à 5 % des ventes alimentaires totales. « Le secteur traverse une crise de croissance comme il en a déjà connues avant de se relancer », espère Charles Pernin, délégué général du Synabio.

Des démarches concurrentes mais moins exigeantes

Pour ajouter aux difficultés, le secteur est confronté depuis quelques années à l’émergence d’alternatives qui brouillent les repères des consommateurs : les démarches Haute valeur environnementale (HVE), zéro résidu de pesticides, sans additifs, local, fabriqué en France, etc., jouent sur les codes du bio sans en appliquer les contraintes, et proposent donc des aliments moins chers. Bilan : les clients ne perçoivent plus en quoi le bio se distingue. De plus, ils restent perplexes face aux nombreux produits ultratransformés sous label ou aux fruits et légumes certifiés importés de contrées lointaines ou vendus sous plastique.

Une campagne publicitaire pour expliquer au consommateur

Pour autant, faut-il enterrer le bio, comme ses contempteurs s’empressent de le claironner ? Sûrement pas ! D’autant que ce secteur reste en croissance (quoique moins rapide) chez la plupart de nos voisins européens. Seules exceptions avec la France, la Suède et la Finlande, qui voient leurs marchés stagner du fait, là-bas aussi, d’une concurrence avec le local.

Pour sortir de ce trou d’air, la filière entame une campagne de communication intitulée #Bio Réflexe. Objectif : rappeler aux consommateurs son intérêt environnemental et sanitaire. « Le label reste pertinent pour la transition agroécologique », affirme Charles Pernin, avec « la préservation de la biodiversité, mais aussi le rééquilibrage de notre assiette vers plus de végétal, et une alimentation favorable à la santé des producteurs comme des consommateurs, du fait de l’interdiction des pesticides de synthèse. »

Un des visuels de la campagne d’affichage de l’Agence bio.

Un enjeu majeur : maintenir les agriculteurs convertis au bio

Produire en bio, ce n’est pas facile, et plus aléatoire selon les conditions climatiques qu’en agriculture conventionnelle. Pourtant, le nombre de paysans convertis continue d’augmenter. L’Agence bio rappelle que 13 % des fermes et plus de 10 % des surfaces agricoles sont désormais labellisées. « Le bio et les circuits courts concernent 40 % des installations en agriculture », indique Loïc Guines, président de l’Agence et lui-même éleveur laitier en Bretagne. Ça finit par faire du monde… En cette période de turbulences, conforter toutes ces fermes – et tous leurs emplois ‒ est donc un enjeu majeur pour la filière, qui réclame un soutien de l’État et espère un sursaut des consommateurs grâce à sa campagne de promotion #Bio Réflexe.

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