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Annulations de voyages pendant la pandémie

Les remboursements en avoirs contraires au droit de l'Union européenne

De nombreux voyageurs se sont vu imposer un avoir en guise de remboursement de leur séjour annulé du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, une mesure permise par une ordonnance du gouvernement français. Dès son élaboration, l’UFC-Que Choisir avait pointé la non-conformité du texte au regard de la législation européenne. L'avocate générale de la Cour de justice de l'Union européenne vient de formuler ses conclusions : elle confirme que cette ordonnance était illégale.

Le contexte sanitaire lié au Covid-19 a contraint, début 2020, les compagnies aériennes et les agences de voyages à annuler les vols et les séjours de millions de voyageurs. Face à un risque de faillite important en cas de remboursements trop nombreux, la plupart de ces sociétés ont imposé des avoirs à leurs clients. L’ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 a acté cette pratique en autorisant les professionnels du tourisme à émettre des avoirs d’une durée de validité de 18 mois au titre de remboursement d’un séjour annulé entre le 1er mars et le 15 septembre 2020 en raison de la crise sanitaire.

L’UFC-Que Choisir, consultée lors de l’élaboration de cette ordonnance, avait pointé la non-conformité du texte au regard de la législation européenne en vigueur et demandé – sans grand succès face à des professionnels peu collaboratifs ‒ la mise en place de mesures complémentaires destinées à gérer les effets de bord de ce texte, notamment la prise en compte de la situation particulière de certains voyageurs. Les pratiques de nombreuses agences qui continuaient à refuser aux voyageurs des annulations sans frais, l’échec des négociations avec les professionnels et la violation manifeste par la France de la réglementation européenne dans l’adoption de son ordonnance, avaient finalement conduit l’UFC-Que Choisir et la CLCV à saisir le Conseil d’État puis la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).

Dans ses conclusions rendues publiques le 15 septembre, l'avocate générale de la CJUE, Laila Medina, donne raison aux deux associations. Elle rappelle d'abord que le terme « remboursement » fait référence à « une somme d’argent restituée à quelqu’un ». Dès lors, « toute autre solution imposée par l’organisateur, notamment sous la forme d’un bon à valoir, doit être exclue », relève-t-elle. Un avoir peut néanmoins être proposé au voyageur, qui est libre de l'accepter ou non.

Du fait du caractère exceptionnel de la pandémie et de l'impact extrême sur le secteur du tourisme lors des premières semaines de la crise, l'avocate générale admet qu'une dérogation temporaire à l'obligation de remboursement dans les 14 jours était justifiée. Néanmoins, elle ne l'est « que pour la période nécessaire permettant à l’État membre de remédier aux difficultés insurmontables ». Concrètement, Laila Medina estime que l'ordonnance n° 2020-315 du 25 mars 2020 pose problème du fait de la durée des avoirs et parce que la France n’a pas revu sa réglementation au fur et à mesure de la pandémie. Pour elle, « un bon à valoir présentant les caractéristiques indiquées dans l’ordonnance attaquée […] désavantage le voyageur ».

Circonstance exceptionnelle et inévitable

Ces conclusions liées aux avoirs en particulier – qui ne lient pas la Cour de justice ; les juges de la Cour vont à présent délibérer dans cette affaire et l’arrêt sera rendu à une date ultérieure – ne devraient pas avoir un fort impact sur les consommateurs, puisque la durée de validité de ces bons est dépassée (18 mois) et qu'ils ont normalement été utilisés ou remboursés depuis. Mais une autre réflexion de l'avocate générale pourrait avoir des conséquences importantes, si elle est suivie par les juges : le fait que la pandémie soit une circonstance exceptionnelle et inévitable.

L’ordonnance imposait aux consommateurs qui voulaient prendre l'initiative de l’annulation et être remboursés de prouver des circonstances exceptionnelles précises sur le lieu de destination ou aux alentours. En conséquence, des professionnels refusaient de délivrer un avoir en cas d'annulation par le voyageur s'il n'y avait, par exemple, aucun cluster sur le lieu du séjour. Or, si la pandémie est bien une circonstance « exceptionnelle et inévitable », tous les consommateurs qui se sont vu refuser le bénéfice d'un remboursement parce qu’ils ont annulé eux-mêmes leur voyage par crainte du virus pourraient solliciter un remboursement.

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