Anne-Sophie Stamane
AntibiotiquesNouvelle plainte de victimes de médicaments
Plusieurs victimes des fluoroquinolones, une famille d’antibiotiques aux effets indésirables parfois graves, ont déposé plainte au pénal en raison de leurs séquelles et pour dénoncer leur prescription en dehors des recommandations.
La semaine dernière, une dizaine de plaintes ont été déposées au pénal par des victimes d’effets indésirables des fluoroquinolones, une famille d’antibiotiques bien connue pour les risques qu’elle fait courir de neuropathies, tendinites ou carrément rupture du tendon d’Achille, troubles de la marche, anévrisme, etc. Dès 2017 nous alertions sur la panoplie de répercussions négatives possibles avec ces molécules. L’une d’elles a même été retirée du marché en 2019, car sa balance bénéfices-risques avait basculé du côté négatif.
C’est la prescription de ces médicaments en dehors des recommandations émises par les autorités sanitaires qui est dans le viseur des personnes plaignantes. Car le médicament qui a causé leurs séquelles n’aurait pas dû leur être prescrit : depuis 4 ans, suite à une réévaluation européenne, les fluoroquinolones sont réservées à des situations bien précises, et graves, et ne doivent être utilisées qu’après que d’autres options thérapeutiques ont été tentées !
Des prescriptions à côté de la plaque
Manifestement, le message n’est pas passé auprès des médecins, qui continuent d’en donner dans des affections banales et sans gravité, curables au moyen d’autres médicaments, au risque d’effets indésirables redoutables. Une récente étude de l’Agence européenne des médicaments (EMA) montre que non seulement les prescriptions n’ont pas reculé depuis les restrictions d’usage, mais qu’elles sont toujours massivement à côté de la plaque. En France, les deux-tiers des ordonnances pour lesquelles l’indication était connue sont tout simplement hors-cadre. Dans les autres pays étudiés, la situation n’est pas forcément meilleure.
Philippe Coville, le premier à avoir porté plainte, pointe « l’erreur gravissime qui a été faite ». « La communication des autorités sanitaires a été inaudible, elles ont tout simplement oublié la gestion du changement. Il aurait fallu répéter, former, sanctionner. Tout cela n’a pas été pensé », accuse-t-il. Il note qu’au final, la médiatisation des plaintes de victimes permet de faire le travail d’éducation à la place des sociétés savantes, de l’Agence du médicament, de l’Ordre des médecins et de l’Ordre des pharmaciens… Un comble !