Cyril Brosset
Les trop belles promesses de la SFAM
Démarchage insistant, souscriptions forcées, résiliation compliquée… depuis plusieurs mois, l’assureur SFAM est la cible de nombreuses critiques. Celui qui se présente comme le numéro 1 de l’assurance affinitaire en France paie le prix de sa notoriété, mais aussi de ses pratiques douteuses.
Si vous avez prévu d’acheter un produit électronique dans un magasin Fnac ou un smartphone dans une boutique Orange, Bouygues ou SFR, il y a de fortes chances pour que le vendeur vous propose une assurance pour couvrir votre produit en cas de sinistre. Et dans la majorité des cas, ce service sera assuré par la Société française d’assurances multirisques (SFAM). Idem si vous êtes amené à commander en ligne sur les sites CDiscount, Pixmania ou Fnac.com. Vous devriez recevoir dans les jours qui suivent un appel d’un téléopérateur de la SFAM vous proposant de souscrire une assurance. Grâce à plusieurs accords passés avec de gros distributeurs, la SFAM se revendique désormais comme le numéro 1 de l’assurance affinitaire (1) en France et s’offre même le luxe de sponsoriser l’émission d’aventures Koh Lanta sur TF1.
La renommée de la SFAM s’est tellement répandue qu’elle est arrivée aux oreilles de Que Choisir. Ce qui n’est généralement pas très bon signe. Depuis plusieurs mois en effet, les témoignages de clients mécontents s’accumulent sur notre forum. Beaucoup racontent la même histoire. Au moment d’acheter un appareil électronique en magasin, le vendeur leur a proposé de souscrire une assurance avec des arguments très séduisants : le premier mois de souscription gratuit, la possibilité de résilier à tout moment sur simple coup de fil et surtout un remboursement de 30 € sur le prix de l’article acheté. Sauf que beaucoup de ceux qui ont souscrit assurent avoir par la suite eu toutes les peines du monde à faire stopper les prélèvements quand ils ont voulu mettre fin au contrat. « La téléopératrice m’a bien dit que ma résiliation était prise en compte, mais je n’ai jamais reçu l’e-mail de confirmation et 15 jours plus tard, j’ai découvert un prélèvement de 15,99 € sur mon compte », explique une victime parmi beaucoup d’autres.
Du côté de la SFAM, on ne conteste pas les problèmes, mais on assure qu’ils restent très limités. « Les plaintes représentent moins de 0,04 % de nos 200 000 ventes mensuelles, assure Sadri Fégaier, le président du groupe SFAM. Nous suivons cet indicateur de très près et nous réagissons rapidement en cas de problème ». Rapidement, c’est vite dit. Beaucoup de victimes affirment en effet n’avoir vu leur litige résolu qu’après avoir déposé leur témoignage sur le forum de Que Choisir, sur lequel interviennent les équipes de la SFAM.
5 € de commission par contrat vendu
« Les contrats SFAM, on en vend énormément, reconnaît un vendeur Fnac que nous avons joint. Il faut dire que l’argumentaire est bien conçu et une fois qu’on l’a déroulé, la plupart des clients sont séduits. Pas mal d’entre eux, notamment parmi les 25-35 ans, comprennent aussi qu’en résiliant avant la fin du premier mois, ils peuvent profiter du remboursement de 30 € sans payer l’assurance ». « Les gens viennent acheter un ordinateur et on leur vend une assurance, explique quant à lui le délégué syndical d’un autre magasin Fnac. Dès qu’ils sont rentrés chez eux, ils passent à autre chose et ils oublient d’appeler le service client pour résilier ». Ils se retrouvent alors à payer chaque mois un abonnement qu’ils n’ont pas vraiment voulu et dont ils n’ont pas forcément l’utilité.
Pour vendre encore plus de contrats, certains vendeurs vont jusqu’à cacher au client le fait qu’il souscrit une assurance. Le responsable d’une association locale de l’UFC-Que Choisir, d’ordinaire plutôt méfiant, a été victime de l’un d’eux. « Au moment d’acheter un ordinateur au magasin Fnac Vélizy, le vendeur m’a dit que je pouvais me faire rembourser 30 € en lui fournissant un RIB et en signant sur une tablette numérique. Jamais il ne m’a précisé que je souscrivais une assurance. J’en ai pris conscience le lendemain lorsque j’ai reçu un e-mail de confirmation de la SFAM. J’ai immédiatement appelé pour mettre fin au contrat et envoyé un courrier recommandé. Finalement, la résiliation a été prise en compte, mais je n’ai pas obtenu le remboursement de 30 € qui m’avait été promis. » « Les vendeurs ont une pression énorme de la part de leurs managers pour caser un maximum ces assurances qui rapportent beaucoup d’argent à l’enseigne, raconte le délégué syndical. Sans compter que le vendeur touche une commission de 5 € bruts sur chaque contrat qu’il vend à condition que le client ne le résilie pas dans le premier mois (2). Quand il y a une carotte, il peut y avoir des dérives, surtout quand les salaires de base sont faibles. »
La SFAM assure avoir recruté une équipe de 60 personnes chargée de superviser le travail des vendeurs. Pas sûr que l’objectif soit atteint. « Ces coachs sont surtout là pour nous aider à vendre plus », assure le délégué syndical. « Il y en a un en ce moment dans notre magasin. Il est plus là pour nous aider à enregistrer les souscriptions qu’à encadrer le discours des vendeurs », confirme son collègue.
Un démarchage par téléphone bien rodé
Si l’argumentaire fait mouche en magasin, il fonctionne aussi très bien en cas de démarchage téléphonique. Nous avons pu écouter le contenu de l’appel qu’a reçu un consommateur après avoir acheté un jeu en ligne. Si le téléopérateur ne cache pas le fait qu’il vend une assurance, son discours fait miroiter un privilège. « Votre commande vous rend éligible à un remboursement de 30 € ainsi qu’à 1 mois d’assurance offert et sans engagement, expliquait-il. Notre but, c’est de nous faire connaître du public. Vous pouvez donc l’essayer et je vous rappellerai dans 20 jours pour faire le point ». Sans aucune certitude qu’il le fasse vraiment.
Qu’il s’agisse de la SFAM ou de ses concurrents, la méfiance s’impose dès que l’on parle d’assurance pour téléphone mobile ou qu’un vendeur présente une offre trop alléchante, y compris dans une enseigne renommée. L’UFC-Que Choisir a d’ailleurs déjà mis en garde les consommateurs contre ce genre de services dont les contrats sont trop souvent truffés d’exclusions et difficiles à résilier. Alors avant de souscrire, mieux vaut étudier précisément toutes les conditions de l’offre et ne pas se laisser aveugler par un hypothétique remboursement.
(1) Assurance en lien avec l’univers d’un produit ou d’un service.
(2) En fonction du magasin dans lequel il exerce, tous les vendeurs Fnac ne perçoivent pas cette commission.