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Avis des internautes

Ça bidonne

Le fabricant de périphériques informatiques Belkin vient de se ridiculiser en tentant de recruter des internautes par petite annonce pour améliorer, contre rémunération, sa réputation sur le Web. Risible, l'incident est tout de même révélateur de la banalisation du cybertrucage.

À ce niveau de maladresse, le machiavélisme a quelque chose de touchant. Trouvant les internautes bien cruels avec un de ses produits, le fabricant de périphériques informatiques Belkin a tout simplement proposé de les payer pour qu'ils rédigent des messages positifs. Mise en ligne sur le site américain Amazon, son annonce offrait 0,65 dollars (50 centimes d'euro) par avis. Médiocrement payé, le travail n'était pas tuant. Belkin fournissait la référence exacte du périphérique à vanter ainsi que les liens vers les sites et les forums où poster sa glorieuse contribution. Prise en flagrant délit de tricherie et de stupidité, la firme a retiré les louanges bidon déjà en circulation, présenté ses excuses et licencié le commercial présumé fautif. Ce dernier mérite néanmoins un coup de chapeau. Même involontairement, il a démontré la banalisation des trucages sur le Web, déjà dénoncés par « Que Choisir » (lire notre enquête sur les forums et sites de consommation).

280 000 internautes

L'exemple vient de très haut. À l'automne 2007, un représentant du département d'État américain équivalent de notre ministère des Affaires étrangères a exposé par le menu, devant une commission parlementaire, la stratégie de son gouvernement pour influencer le contenu des forums de langue arabe traitant de la politique américaine. Généralement très bien informée, la « Far Eastern Economic Review » estime de son côté que le gouvernement chinois met à contribution pas moins de 280 000 internautes pour diffuser ses points de vue en plusieurs langues dans le monde.

À une échelle forcément plus modeste, les entreprises ne sont pas en reste. Qui devinera en tombant par hasard sur Orserie.fr, « Journal du beau et du bien-être », qu'il s'agit d'un site commercial monté par et pour les laboratoires Clarins ? Plus subtil ou plus tordu, le voyagiste Thomas Cook lance fin 2007 un concours en ligne, dix « voyages de rêve » à la clé. Appelé Defidereve.com, ce site affiche sa vocation promotionnelle. Honnête ? Seulement en apparence. En effet, le site était relayé par des blogs montés de toutes pièces, peuplés de pseudo-internautes s'échangeant des tuyaux sur le concours ! Le tout visait à rabattre du trafic vers Defidereve.com, dont la finalité était d'enrichir la base de données commerciales du voyagiste.

Enthousiasme niais et débridé

Pourtant à la limite de la légalité, la manipulation du consommateur sur Internet n'est plus un accident : c'est un secteur d'activité à part entière. Aux États-Unis, le site anglophone Payperpost.com rémunère des internautes prêts à écrire sur n'importe quoi pour de l'argent (lire notre article sur Payperpost). Une PME francilienne se proclame « spécialisée dans les actions d'influence et de notoriété sur Internet » et propose de rédiger pour ses clients des « interventions dans les forums, blogs, sites participatifs », en adaptant « le vocabulaire, le format et le style aux médias récepteurs ». Quant au site du cabinet de conseil Heiderich.fr, il condamne l'emploi de faux messages, non car ils sont malhonnêtes, mais parce que le procédé manque de subtilité.

Le jugement, du reste, semble fondé. Les pseudo-utilisateurs rédigent souvent des messages à l'enthousiasme niais et débridé. Malheureusement, des campagnes un peu plus sophistiquées passent probablement inaperçues. Une fois alerté, par exemple, il est facile de vérifier que « www.ladiesroom.fr » est un outil commercial monté par une agence de communication, et non le site d'une chouette bande de copines dingues de mode. Mais qui pense spontanément à cliquer sur les « conditions générales d'utilisation », en tombant sur un tel site par hasard ? Probablement personne.

Erwan Seznec

Erwan Seznec

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