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Concours Lépine

La ceinture anti-obésité fait fausse route

La Foire de Paris a récompensé plusieurs inventions présentées au concours Lépine. Parmi elles, une ceinture abdominale censée faciliter la perte de poids, en s’inspirant de la chirurgie de l’obésité.

Parmi les médaillés d’or du concours Lépine, un couteau à huîtres, un lit pliable en carton, un casse-tête multi-cubes… et une ceinture d’amaigrissement. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les inventions sont variées, mais pas toujours à leur place. Inventée, et brevetée, par un chirurgien spécialisé en chirurgie viscérale et digestive, la ceinture Alligator serait une véritable alternative à la chirurgie bariatrique. La promesse n’est pas seulement excessive : elle est aussi insultante pour les 8 millions de Français souffrant d’obésité.

Sur le papier, il y a de quoi s’enthousiasmer : les fabricants nous promettent « une perte de poids sans frustration ni régime ». Leur ceinture serait la clé pour atteindre « le plaisir de maigrir ». Dans les faits, elle s’apparente plus à un engin de torture. Semblable à une ceinture lombaire, le dispositif est équipé d’une poire de gonflage qui vient comprimer le haut du ventre, donc l’estomac, avec l’intensité souhaitée, et ainsi réduire la prise alimentaire au cours d’un repas. Mais aucune étude ne confirme l’efficacité de cette approche. Son inventeur, le Dr Allibe, l’a d’abord testée sur lui pendant 1 an. Il l’expérimente à présent sur une dizaine de volontaires, sous le contrôle d’un huissier. Aucune preuve d’efficacité donc, mais un prix élevé, puisque la ceinture sera vendue de 260 € à 330 € selon les tailles.

La ceinture est vendue de la taille S à la taille XXL.

Un discours simpliste

L’argument massue de la ceinture Alligator, c’est son inventeur : le Dr Jean-Pierre Allibe, ancien chirurgien digestif, qui a souhaité chercher une alternative douce aux opérations. Quoi de plus convaincant que la parole d’un spécialiste ? Mais ce médecin n’a pas réalisé de recherches sur la question, et ce type de communication va à l’encontre de plusieurs points du code de déontologie des médecins : un médecin s’engage à ne pas proposer un procédé « illusoire ou insuffisamment éprouvé », et à ne faire état « que de données confirmées » lors de ses communications. Il est même indiqué que « les médecins ne doivent pas divulguer dans les milieux médicaux un procédé nouveau de diagnostic ou de traitement insuffisamment éprouvé sans accompagner leur communication des réserves qui s'imposent ». La présence d’un dispositif dédié à la santé au concours Lépine, quant à elle, interroge.

On s’inquiète surtout du discours simpliste adopté par le Dr Allibe : « C’est la nature, si vous mangez peu, vous maigrissez. Je n’ai rien inventé ! » Pourtant, la question de l’obésité n’est pas une simple équation entre apports alimentaires, activité physique et perte de poids. « On ne parle que d’alimentation alors que les choses sont plus complexes, soupire Sylvie Benkemoun, présidente du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (Gros). C’est ne pas comprendre que l’obésité est une maladie chronique, qui relève aussi de facteurs psychiques et environnementaux. »

Le Dr Jean-Pierre Allibe.

Renforcer les préjugés ?

Cette psychologue spécialiste de l’obésité s’alarme des retombées que pourrait avoir la ceinture Alligator sur la perception du surpoids, déjà au centre de nombreux préjugés. « Ce genre de dispositif alimente l’hostilité vis-à-vis des gros, et l’idée que le surpoids est lié à un manque de volonté. Il faut savoir que ce type de grossophobie fait plus grossir qu’un abus alimentaire », souligne-t-elle. Il n’existe, en effet, pas de solution facile à la surcharge pondérale. En revanche, les reprises de poids à la suite d’un régime miracle sont quasi systématiques. Le rythme estimé par Jean-Pierre Allibe, moins 1 kg par semaine, risque d’entraîner cet effet yo-yo.

De fait, ce type de dispositif risque de n’être utile qu’à un très faible nombre de personnes. En effet, l’obésité est une pathologie complexe à prendre en charge et son traitement ne repose pas seulement sur la quantité d’aliments ingérés. « On peut envisager des situations où ce type de dispositif peut aider : après les fêtes ou des vacances, par exemple, pour se réhabituer à moins manger », imagine Sylvie Benkemoun. Mais elle n’a aucun impact sur la qualité de l’alimentation, et rien n’empêche de retirer sa ceinture pour se faire plaisir ou encore de reprendre du poids par la suite. Sans prise en charge adaptée, cette ceinture semble donc peu utile.

Audrey Vaugrente

Audrey Vaugrente

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