Fabienne Maleysson
La transmission via fruits et légumes peu probable
Peut-on contracter le coronavirus parce qu’on a consommé des aliments contaminés ? C’est peu probable. En tout cas, l’hypothèse, évaluée par les autorités sanitaires, n’est pas préoccupante en l’état actuel des connaissances.
En résumé
- Bien laver ses fruits et légumes à l’eau claire
- Ne pas ajouter de détergent (eau de Javel, liquide vaisselle…)
- Bien sécher ses fruits et légumes à l’aide d’un essuie-tout
- La cuisson inactive le coronavirus
Les grandes surfaces sont aujourd’hui un des rares endroits où nous croisons nos semblables. Nous y faisons entre autres nos courses alimentaires, achetant parfois des aliments non préemballés. Au rayon fruits et légumes notamment, chacun se sert et, parfois, manipule les produits avant de les reposer dans le rayon. Si une personne agit ainsi alors qu’elle est porteuse du virus, le client qui achète finalement les denrées en question risque-t-il de tomber malade ? A priori non, du moins l’avis de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) rendu le 9 mars dernier se veut-il rassurant sur ce point. « À ce jour, aucun élément ne laisse penser que la consommation d’aliment contaminé puisse conduire à une infection par voie digestive », concluent les experts.
Reprenons le scénario du client infecté au Covid-19. Pour qu’il puisse contaminer celui qui le suit dans le rayon, il faut d’abord que ses mains portent le virus. S’il a respecté les gestes barrières (lavage fréquent et soigneux des mains, toux ou éternuement dans le coude), ce ne devrait pas être le cas. En admettant qu’il en ait une petite quantité, une simple saisie d’un produit pendant quelques secondes ne va pas déposer une quantité importante de virus sur celui-ci. Ensuite, la personne qui achète le produit ne le consomme pas tel quel. D’abord, elle peut le stocker quelque temps et la charge virale va diminuer au fil des heures. En admettant qu’elle le mette au menu sitôt rentrée chez elle, certains réflexes limitent le risque. « Même hors période de pandémie, il convient de bien nettoyer les fruits et légumes, rappelle Gilles Salvat, directeur de la recherche à l’Anses. Cela permet d’enlever les saletés et contaminants éventuels, chimiques comme biologiques. Ensuite, les essuyer soigneusement contribue aussi à les débarrasser de ces éléments indésirables. Cela vaut pour le coronavirus. Pendant la période actuelle, il est conseillé d’utiliser un essuie-tout jetable plutôt qu’un torchon que l’on réutiliserait. En revanche, ajouter à l’eau un détergent ou de l’eau de Javel n’est pas une idée pertinente car il risquerait d’en subsister de petites quantités sur l’aliment, nocives pour le consommateur. » S’il s’agit d’une denrée consommée cuite, l’Anses, en compilant les connaissances sur les autres coronavirus, a pu conclure qu’une cuisson à 63 °C pendant 4 minutes était efficace pour inactiver le virus (en revanche ni la réfrigération ni la congélation n'en sont capables). Reste le cas de celles consommées crues. Enlever les feuilles extérieures (salade, chou, etc.) ou peler (fruits) constitue une précaution supplémentaire. Cela va sans dire, le lavage scrupuleux des mains avant et après manipulation des aliments est indispensable.
Pas de risque lors de l’ingestion
Autre élément rassurant, l’ingestion ne semble pas du tout être une voie privilégiée d’infection. « Le SARS-CoV-2 appartient à la famille des virus enveloppés, qui sont beaucoup plus fragiles que les autres, explique Gilles Salvat. Il est probablement sensible à l’acidité gastrique. Mais surtout, pour qu’un virus puisse pénétrer dans les cellules de l’organisme et rendre une personne malade, il doit se lier à des récepteurs spécifiques. Or ceux correspondant au SARS-CoV-2 sont abondamment présents dans le système respiratoire, mais pas dans le système digestif. » Reste l’hypothèse d’une pénétration par les voies respiratoires lors de la mastication de l’aliment qui, selon l’avis de l’Anses, « ne peut être exclue ». Ce n’est cependant pas une voie majeure de contamination et en prenant les précautions décrites ci-dessus (hygiène, cuisson), on limite encore le risque.
« Nous suivons de près l’évolution des connaissances, assure Gilles Salvat, mais pour l’instant, au vu des centaines d’articles déjà publiés depuis le début de cette crise, la contamination via l’alimentation n’est pas un sujet de préoccupation majeur. »