Anne-Sophie Stamane
Covid-19Un spray nasal interdit
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a suspendu un spray nasal alléguant d’une baisse de 99 % de la charge virale dans le Covid-19. À juste titre, puisque aucune preuve d’efficacité clinique sur la maladie n’était avancée.
Dans sa décision de police sanitaire du 22 février, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) n’y va pas par quatre chemins. Elle y suspend avant même le début de sa commercialisation, prévue le 1er mars 2021, un spray nasal à base d’eau ionisée, auquel son fabricant, le groupe Pharma&Beauty, prêtait des vertus anti-Covid mirifiques. En réalité, souligne l’ANSM, le dossier d’évaluation de ce dispositif médical ne fait état d’aucune investigation clinique prouvant une quelconque efficacité sur la maladie, ou sur sa prévention. La sécurité d’emploi n’est pas non plus documentée. L’occasion de rappeler que la classification « dispositif médical », si elle est plus laxiste que celle de « médicament », n’autorise pas toutes les audaces commerciales…
Même dans les Ehpad
L’allégation mise en avant dans un communiqué de presse très largement diffusé le 11 février faisait pourtant miroiter des résultats impressionnants : le spray ferait baisser de 99 % la charge virale en cas d’infection par le SARS-Cov-2. Le virus serait inactivé en 30 secondes. Dans son mail d’invitation à la conférence de presse, le fabricant allait même jusqu’à évoquer un impact sur « la dissémination virale ». De quoi tout simplement arrêter net la pandémie qui bouleverse le monde depuis un an, et la reléguer au rang de mauvais souvenir ! Fort de ces scores prometteurs, le groupe Pharma&Beauty s’apprêtait à lancer largement son produit dans les pharmacies, sous le nom de Cov-Défense, et dans les parapharmacies et e-pharmacies, sous le nom de Biokami. Ne reculant devant aucun défi, il avait aussi prévu un déploiement dans les hôpitaux, cliniques et maisons de retraite (Ehpad).
Scientifiquement infondé
En fait, il fallait décrypter avec minutie l’abondante communication autour du produit. L’activité virucide n’avait été constatée qu’in vitro, ce qui est parfaitement insuffisant pour établir une performance clinique, chez l’humain. Le fabricant ne rapportait rien de l’effet de son spray en conditions réelles, dans les fosses nasales d’un individu. L’extrapolation sur la « dissémination du virus » était, à plus forte raison, scientifiquement infondée. En l’état, le spray tant vanté n’a pas plus de portée qu’une simple pipette de sérum physiologique.
L’ANSM a logiquement renvoyé son fabricant à ses études. Il ne pourra prétendre commercialiser son produit que s’il revient avec des données plus solides… ou des allégations plus modestes !